[p. 13]

MDLIV

Rémission octroyée à Louis Mathé, gentilhomme demeurant à Thollet, qui, s’étant pris de querelle audit lieu avec Raulin Thébault, écuyer, et en étant venu aux mains, l’avait frappé d’un coup de dague dont il était mort.

  • B AN JJ. 195, n° 1375, fol. 300
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 13-16
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons, etc., nous avoir receu l’umble supplicacion de Loys [p. 14] Mathé, povre simple gentilhomme, chargé de femme et enfans, de la paroisse de Tollet ou bailliage de Saint-Benoist-du-Sault, contenant que, ou moys de fevrier l’an mil cccc.lxxiiii, qui fut le dimanche de Oculi, ledit suppliant se trouva à vespres en l’eglise dudit Tollet, et après vespres se trouva en la place commune au devant de la porte de la fortifficacion dudit lieu, où il trouva feu Robin Thébault1, en son vivant escuier, qui avoit ung petit baston ferré, avecques plusieurs autres. Lequel suppliant dist à Jehan Savary, dit Dalée, qu’il failloit envoyer querir le procureur du seigneur de La Tremoïlle2, seigneur justicier en partie dudit Tollet, pour faire informacions de certains cas qui avaient esté commis pas aucuns audit Tollet ; auquel suppliant ledit Jehan Savary respondit que ce seroit bien fait. Après lesquelles parolles ledit feu Raoulin Thebault, ayant ledit baston ferré, se leva et approucha dudit suppliant en disant : « Nous ne sommes point de ceulx qui conseillent à rompre les maisons de nuyt. » Et ledit suppliant respondit que oncques n’en avoit donné conseil ; et dist oultre ledit suppliant que le breviaire de la parroisse avoit esté robé et prins cheux le curé dudit Tollet, et que qui sauroit le larron, que ce seroit bien fait de le prendre, et que son oppinion estoit [p. 15] bien à l’aide de Messieurs de le prendre. Et lors ledit feu Raoulin dist audit suppliant qu’il n’avoit pas si grant puissance ; et au moyen desdictes parolles et autres plusieurs se desmentirent l’un l’autre. Et tantost après ledit Raoulin s’approucha dudit suppliant et luy donna d’estoc dudit espiot parmy la cuisse et le navra à grant effusion de sang. Lequel suppliant qui avoit une longue robe vestue, tira sa dague pour soy defendre, mais les presens se mirent entre eulx et les departirent, et par ce moyen remist ledist suppliant sadicte dague en son fourreau ; mais il appella à tesmoings les assistens en disant que ledit feu Rolin l’avoit frapé sur la seureté qu’il avoit eue de luy à Montmorillon. Et ce fait ledit Rolin fist semblant de s’en aler et dist audit suppliant : « Vien-t’en aux champs et là verrons qui en aura ». Lequel suppliant respondit qu’il estoit content, mais qu’il eust baston comme luy, et marcha ung pou après ledit Roulin. Et tost après s’arresta en disant qu’il estoit bien simple de soy amuser à luy, et lors encores derechief s’entreprindrent de parolles l’un contre l’autre, pendens lesquelles ung nommé Pierre Thebaud, frère dudit feu Roulin, vint avecques ung espiot et d’icelluy voult fraper à deux mains sur la teste dudit suppliant ; auquel cop ledit suppliant evada, mettant la main au devant, en laquelle main il fut fort blécié, et si n’eussent esté plusieurs personnes qui survindrent, il eust tué et meurtry ledit suppliant. Lequel suppliant qui avoit sa dague tirée, en soy reculant marcha sur la queue de sa robe tellement qu’il cheut en arrière et se redreça au mieulx qu’il put. Et [ce] voyant ledit feu Roulin Thebaud et sondit frère, s’esmeurent plus que devant contre ledit suppliant, et s’efforça ledit Raoulin de luy bailler ung cop d’estoc de sondit espiot contre la poitrine ou ventre ; mais ledit suppliant desvoya ledit cop de sa main et print icelluy Raoulin à la chevessaille et au coulet, et de l’autre main tira sa dague, de laquelle il luy bailla ung cop seulement parmy le cousté [p. 16] dont icelluy Roulin cheut à terre. Au moyen duquel cop ledit Raoulin une heure après ala de vie à trespas. Pour occasion duquel cas ledit suppliant s’est absenté, etc., en nous humblement requerant, etc. Pourquoy, etc., audit suppliant avons quicté, etc. les fait et cas dessusdiz, avec toute peine, etc. Si donnons en mandement au seneschal de Poictou, etc. Donné à Paris, ou moys de mars, l’an de grace mil cccc. soixante quatorze et de nostre règne le xiiiime.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. De Villebresme.


1 Ce nom de Thébault est commun à plusieurs familles poitevines ; les frères Raulin et Pierre, nommés dans cet acte, habitaient la région de La Trimouille ; quelques années plus tôt, on trouve un autre Pierre Thibault et sa femme Jeanne de Voulon possessionnés dans la châtellenie de Saint-Maixent et en contestation avec Aimery de Sazay. (Bibl. nat., ms. fr. 29143, pièces orig., vol. 2659, n° 3) ; d’autres personnages de ce nom vivaient à la même époque aux environs de Montaigu, etc. Un Pierre Thébault, dont le lieu d’origine n’est pas indiqué, était poursuivi au Parlement « en cas d’excès », avec Jacques Charlet et Jean Jaubert, par Me Jean Yver et le Procureur général ; mais la Cour, par arrêt du 31 décembre 1454, se dessaisit de l’affaire par devant le sénéchal de Poitou en son siège à Poitiers. (Arch. nat., X2a 27, fol. 17.)

2 C’était alors Louis Ier de la Trémoïlle, comte de Guines et de Benon, prince de Talmont, baron de Sully, etc., né vers l’an 1431, fils du célèbre ministre de Charles VII, mort en 1484, dont la femme Marguerite d’Amboise était l’héritière de la vicomté de Thouars.