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MDCCXXV

Rémission octroyée à Jean Laisné, orfèvre, prisonnier à Poitiers, pour avoir fabriqué de la fausse monnaie.

  • B AN JJ. 207, n° 185, fol. 88
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 554-556
D'après a.

Loys, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion des parens et amis charnelz de Jehan Laisné, orfevre, aagé de xxv. ans ou environ, à present detenu prisonnier en noz prisons de Poictiers, contenant que puis quatre ans en ça ou environ, lui estant en l’ostel du seigneur de Lestrac1, où il faisoit de la vaisselle d’argent et autre orfavrerie, vint audit Jehan Laisné ung appellé Pochon2, receveur dudit lieu de Lestrac pour ledit seigneur de Lestrac lequel demanda à icellui Laisné s’il sauroit faire des fers et coings pour faire nobles et que s’il les lui savoit bien faire, qu’il le paieroit bien. Lequel Laisné lui respondit qu’il les lui feroit très bien et qu’il lui baillast ung noble de la façon qu’il le vouloit. Et lors ledit receveur bailla audit Laisné ung noble à la rose ; lequel Laisné incontinant se mist à faire lesdiz fers, pille et coings, et les tailla tous prestz, et firent lui et ledit receveur certaine quantité de nobles d’argent fin que ledit Laisné bailla audit receveur et sembloit que lesdiz nobles feussent d’or, mais ilz n’estoient que dorez par dessus seullement. Et en bailla ledit receveur audit Laisné vingt ou vingt quatre livres pour sa peine d’avoir fait lesdiz [p. 555] fers et coings, et aussi pour lui avoir aprins l’abillité et science pour ce faire ; et aussi lui bailla quatre pièces desdiz faulx nobles qu’ils avoient faiz. Et depuis ledit Jehan Laisné, lui estant audit lieu de Lestrac, trouva ung aveugle lequel enseigna audit suppliant à faire fondre ung marc d’argent avecques trois marcs de cuivre et de les faire devenir aussi blancs comme si s’estoit argent fin. Lequel Laisné depuis se trouva en nostre ville de Poictiers, en la compaignie de Raymond et Damiens3, frères, et d’un nommé Morice Charlot, lesquelz tous ensemble firent en l’ostel dudit Charlot près Chastellerault quatre ou cinq marcs dudit faulx argent, et ce fait s’en vindrent en nostre ville de Tours avecques ledit faulx argent, lequel ilz portèrent au maistre de noz monnoyes audit Tours et lui demanderent s’il voulloit poinct achepter ledit faulx argent lequel respondit qu’il l’achepteroit voulentiers, mais qu’il l’eust essayé. Et lors ledit suppliant et sesdiz compaignons lui dirent qu’ilz ne povoient pas attendre et atant s’en allèrent d’illec. Et puis naguères ledit Laisné se trouva au lieu de Chavigné, en l’ostellerie ou pend l’enseigne Sainct-Jacques, et illec cuida changer ung desdiz faulx nobles que lui avoit baillé et laissé ledit receveur dessus nommé, et ainsi qu’il le vouloit changer, fut prins et constitué prisonnier par l’un des gardes de noz monnoyes, nommé Guillaume de Bellac4 et mené prisonnier audit lieu de Poictiers où il est a present detenu à grand povreté et misère en voye d’y finir miserablement ses jours, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce preallablement imparties ; humblement requerans que, attendu le jeune aage dudit Jehan Laisné et qu’il ne fist ne commist jamais [p. 556] autre villain cas, blasme ou reprouche, mais s’est tousjours bien et honnestement gouverné et conduit en sondit mestier d’orfèvre, il nous plaise nostredicte grace et misericorde lui impartir. Pour quoy nous, etc., voulans, etc., audit Jehan Laisné avons quicté, remis et pardonné le fait et cas dessusdit, avecques toute peine, etc. Sauf, etc. Donné au Plesseys du Parc lez Tours, ou mois de novembre l’an de grace mil cccc. quatre vings et deux, et de nostre règne le vingt et deuxiesme.

Ainsi signé : Par le roy, en son conseil, ouquel le conte de Clermont, le sire de Beaujeu, le grant seneschal de Normandie, maistre Simon Radin5 et autres estoient. M. Courtin. — Visa. Contentor. Budé.


1 Il n’est pas possible, faute de données sur la région où peut se trouver la seigneurie de Lestrac, dont le nom ne figure pas au Dictionnaire des Postes, d’identifier le seigneur dont il est ici question. Il est presque certain que ce n’est pas un Poitevin, et c’est tout à fait par hasard que Laisné, ouvrier ambulant, a passé de chez lui en Poitou. [L.C.]

2 Il n’a pas été possible de trouver trace aux Arch. nat., dans Z1b 30 (juridiction criminelle de la Cour des monnaies), d’un procès fait à un nommé Pochon comme faux monnayeur vers 1478. [L.C.]

3 Sic. Un prénom omis.

4 Guillaume de Bellac ne figure pas parmi les archers gardes des monnaies appartenant presque tous au xviiie siècle, dont les dossiers sont conservés aux Arch. nat. (Z1b 789). Les provisions d’offices, dans la même série, commencent seulement à l’année 1498. [L.C.]

5 Il faudrait lire « le comte de Clermont, sire de Beaujeu », puisque ces deux titres appartenaient alors à un même personnage, Pierre de Bourbon (cf. Lecoy de la Marche, Titres de la Maison ducale de Bourbon, t. II, n° 6.797. — Sur Jacques de Brézé, grand sénéchal de Normandie, voy. ci-dessus, Arch. hist. du Poitou, t. XXXVIII, p. 210. — Sur Simon Radin, conseiller au Parlement de Paris, voy. Vaesen, Lettres de Louis XI, t. IX, p. 310. [L.C.]