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MDCCXXIV

Lettres d’amortissement d’une rente annuelle de cent dix livres tournois assignée sur le fief des Essarts, par Nicole de Bretagne, comtesse de Penthièvre, aux chanoines de l’église collégiale de Saint-Maurice du château de Montaigu pour une fondation de douze messes par semaine faite en ladite église par Jeanne de Bretagne, sa tante.

  • B AN JJ. 207, n° 295, fol. 135
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 550-553
D'après a.

Loys, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de nostre très chère et amée cousine Nicole de Bretaigne, contesse de Poinctièvre1, contenant que feue Jehanne de Bretaigne2, tante de nostredicte cousine suppliante, par son testament et ordonnance de derrenière vovlenté, fonda et ordonna à sa devocion et pour prier Dieu pour les ames de ses predecesseurs, [p. 551] d’elle et ses successeurs, douze messes estre dictes et celebrées perpetuellement, par chacune sepmaine, en l’eglise collegial monsieur Sainct Maurice estant au chastel de Montagu, et aussi pour l’entretenement du luminaire de ladicte eglise ; pour la dotacion et fondacion desquelles messes et aussi pour l’entretenement dudit luminaire, icelledicte Jehanne de Bretaigne donna et lega en aulmosne cent dix livres tournois de rente universanment sur tous et chacuns ses biens, promettant icelles dictes cent dix livres tournois de rente admortir. Et incontinant ou bien tost après, sans avoir assigné aux doyen et chappitre de ladicte eglise rentes et revenues pour lesdictes cent dix livres tournois de rente pour la continuacion et entretenement desdictes messes et luminaire, alla ladicte Jehanne de vie à trespas, delaissée nostredicte cousine Nicole de Bretaigne, suppliante, son heritière. Laquelle voulans acomplir le testament de sadicte tante et acquicter sa conscience, et que par arrest de nostre court de Parlement3 elle a esté condampnée de ainsi le faire, et que doresenavant lesdictes messes soient perpetuellement dictes et celebrées, ainsi que sadicte tante l’avoit et a ordonné, [p. 552] a nostredicte cousine suppliante, en ensuivant la teneur et ordonnance desdiz testament et arrest, baillé et aumosné avsdiz doyen et chappitre de ladicte eglise, pour la continuacion desdictes messes et entretenement dudit luminaire, ladicte somme de cent dix livres tournois de rente annuelle et perpetuelle, et pour icelle leur a baillé et delaissé apperpetuité ung fief à elle appartenant, appellé le fief des Essars assis en ladicte chastellenie de Montagu, tant en la Marche que auprès dudit lieu de Montagu, Chavaignes, que ailleurs en ladicte chastellenie, tenu et mouvant de nous par hommaige à cause de nostre chastel et chastellenie dudit lieu de Montagu, et tant ainsi et par la forme et manière que elle et ses predecesseurs ont acoustumé joir dudit fief et ses appartenances quelque part qu’il soit situé et assis, sans riens à elle y retenir, ainsi que plus à plain est contenu ès lettres passées entre nostredicte cousine et lesdiz doyen et chappitre sur ce faictes et passées. Mais elle doubte que le temps avenir au moien des ordonnances royaulx faictes sur le fait des francs fiefs et nouveaulx acquestz ou autrement on vueille contraindre lesdiz doyen et chappitre à mettre et vuider hors de leurs mains ledit fief et rente comme de main morte, et les composer à aucune finance, se nostre grace ne lui estoit sur ce impartie, si comme elle dit, humblement requerant icelle. Pourquoy nous, les choses dessusdictes considerées, qui desirons de tout nostre cueur et affection l’augmentacion et acroissement du service divin, inclinans à ceste cause liberallement à la supplicacion et requeste de nostredicte cousine, en faveur de la proximité de linaige dont elle nous attient, ledit fief des Essars et choses ainsi baillées par nostre dicte cousine pour lesdictes cent dix livres tournois de rente, comme dit est, avons admorties et [à Dieu] dediées, et par ces presentes, de grace especial, plaine puissance et auctorité royal, admortissons et à Dieu et à monsieur Sainct Maurice et à ladicte eglise dedions, [p. 553] pour les tenir, posséder, et exploicter par lesdiz doyen et chappitre perpetuellement, plainement et paisiblement, les fruiz, prouffiz, revenues et emolumens, sans ce que, au moien desdictes ordonnances ne autrement, pour quelque cause ou occasion que ce soit, ilz soient ne puissent estre, ores ne pour le temps avenir contrains à les mettre ne vuider hors de leurs mains, ne pour ce paier à nous ne à nosdiz successeurs aucune finance ou indampnité. Et laquelle finance, à quelque somme qu’elle se puisse et pourra monter, nous avons donnée et quictée, donnons et quictons à nostredicte cousine, de nostre plus ample grace, par cesdictes presentes, lesquelles nous avons pour ce signées de nostre main. Si donnons en mandement à nos amez et feaulx les gens de noz comptes et tresoriers, au …4 et à tous, etc., que de noz presens grace et admortissement ilz facent, seuffrant et laissent lesdiz doyen et chappitre joir et user perpetuellement, plainement et paisiblement, sans leur faire, mettre ne souffrir estre fait ou mis, ores ne pour le temps avenir, aucun destourbier ou empeschement au contraire ; lequel, se fait, mis ou donné leur estoit, mettent où facent mettre incontinent et sans delay au premier estat et deu, nonobstant que ladicte finance ne la valleur et estimacion d’icelle ne soit cy autrement declairée, que de ladicte valleur ne soit levée descharge, selon l’ordre de noz finances, et quelzconques ordonnances, restrinctions, mandemens ou deffenses à ce contraires. Et afin, etc. Sauf, etc. Donné au Plesseys du Parc les Tours, ou mois d’octobre l’an de grace mil cccc. quatre vings et deux, et de nostre règne le xxiie.

Ainsi signé : Loys. Par le roy, Gillebert. — Visa. Contentor. F. Texier.


1 Nicole de Blois, dite de Bretagne, fille de Charles de Blois (de la maison Chatillon) et d’Isabelle de Vivonne, mariée en 1437 à Jean de Brosse, auquel elle apporta la comté de Penthièvre. (V. le P. Anselme, Hist. généal. de la Maison de France, t. V, p. 573, et VI, p. 105.) [L.C.]

2 Jeanne de Blois, dite de Bretagne, fille de Jean de Blois et de Marguerite de Clisson, petite-fille de Charles de Blois, l’un des prétendants de la guerre des deux Jeanne, et sœur de Charles de Blois dont il est question à la note précédente, fut mariée à Robert de Dinan, seigneur de Châteaubriant, qui mourut en 1429 sans enfants. (Kerviler, Bio-bibliographie bretonne, t. IV, p. 16, et t. XVI, p. 185.) [L.C.]

3 La procédure durait depuis longtemps entre le chapitre de Saint-Maurice de Montaigu et la comtesse de Penthièvre. Celle-ci refusait de donner au chapitre une assielte à la rente léguée par Jeanne de Bretagne. Dès le 6 avril 1473, selon les registres du Conseil du Parlement (Arch. nat., X1a 1486, fol. 50 v°), la Cour, confirmant une première sentence, dont nous ignorons la date, condamnait Jean de Brosse et sa femme à asseoir audit chapitre les dites 110 livres de rente sur les terres et seigneuries de Bournejean, Puymaufroy et les Pineaulx et autres situées en Poitou, en Anjou et en Saintonge, où, si ces terres n’y suffisaient, sur celles de Paluau, Chasteaumur, les Défans et le Fié l’Evesque en Poitou, et Fourras en Saintonge. Les lettres d’amortissement d’octobre 1482, que nous publions, semblent avoir été obtenues par la Ctesse de Penthièvre, précisément pour décharger ses domaines de la rente en question, et le chapitre ne s’y laissa pas prendre : il n’accepta pas le fief des Essarts, offert par Nicole, et le 31 mai 1483, toujours d’après le Conseil du Parlement (XIa 1490, fol. 305 v°), obtenait du Parlement une nouvelle sentence en sa faveur. Nous ignorons la fin de cette affaire. Ce qui précède suffit à montrer que la volonté d’exécuter le testament de sa tante n’était pas très spontanée chez Nicole de Bretagne. [L.C.]

4 Trois ou quatre mots en blanc sur le registre.