[p. 213]

MDCXII

Rémission octroyée à Jacques de Sainte-Flaive, écuyer, pour le meurtre de Jean Maynner, avec lequel il s’était d’abord querellé parce qu’après lui avoir vendu un domaine à Saint-Laurent-de-la-Salle, ledit Maynner l’empêchait d’emprunter dessus une somme dont il avait besoin, pour s’équiper et se mettre en état de se présenter à la convocation de l’arrière-ban de Poitou.

  • B AN JJ. 206, n° 22, fol. 5 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 213-215
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons, etc. nous avoir receu l’umble supplicacion de nostre bien amé Jaques de Saincte Flayve1, escuier, contenant que pour ce que, ou moys de mars derrenier passé, il oyt crier l’arrière-ban des nobles du païs et conté de Poictou et que lesdiz nobles fussent prestz à certain jour, montez et armez, ledit suppliant qui est nobles homs et qui a acoustumé de frequenter noz guerres, pour soy mettre sus, armer et monter, en esperance d’aler en nostre service, [p. 214] le cinquiesme jour d’avril derrenier passé, se transporta au lieu de Chastenay, pour empruncter de l’argent ou engaiger certain heritaige que autresfois il a acquis de feu Jehan Maynner. Et le lendemain vie jour dudit moys, ledit suppliant s’en ala au lieu de Saint Laurens de la Sale en la parroisse où est assis ledit heritaige parler à certaines gens ausquelz il esperoit bailler ledit heritage et recevoir de l’argent pour l’employer en ce qu’il avoit à faire pour nostre dit service ; et ainsi que ledit suppliant faisoit diligence de recouvrer ledit argent, luy fut dit que ledit Jehan Maynner, qui luy avoit vendu ledit heritaige y mettoit empeschement et que jà il avoit fait courir l’eaue par les prés dudit heritaige, et que ledit Maynner avoit achapté la partie d’aucunes personnes qui y avoient droit. Et lors ledit suppliant commença à dire telz motz : « C’est ung mauvais homme de ainsi faire en mon absence ; car je l’ay bien payé et il est obligé de le me garentir, et fait bien mal de ainsi se prendre au mien, quant je ne y suis pas. » Et tantost après à l’yssue de vespres ledit suppliant et le vicaire de l’eglise dudit lieu de Saint Laurens, parlans ensemble d’aucuns leurs affaires et eulx promenans par la rue, passa d’aventure par devant eulx ledit Maynner, et ainsi que ledit suppliant l’advisa, il luy dist telles parolles : « Maynner, pourquoy vous prenez-vous au dommaine que vous m’avez vendu ? Ne vous ai-je pas bien payé. » Lequel Maynner luy respondit qu’il ne se y prenoit pas et ledit suppliant luy dist que sy faisoit et qu’il faisoit courir l’eaue par dedans lesdiz prés comme s’ilz fussent encores siens, et que il le faisoit pour en prendre tousjours possession. Et lors ledit Maynner va respondre certaines grosses parolles arrogantes et non servans au cas ; et sembla audit suppliant que lesdictes parolles dictes par ledit Maynner estoient par manière de derrision et moquerie. Et à ceste cause ledit suppliant qui avoit ung braquemart pendu à sa seinture, desplaisant de [p. 215] ladicte response et qu’il n’avoit lors chose dont il peust faire argent pour soy monter et mettre sus, senon dudit heritaige, donna de chaulde cole audit Maynner sept ou huit cops de sa main seulement, en disant : « Villain, tu te mocques de moy ! » et en ce faisant, eschappa ledit Maynner audit suppliant et s’enfouyt ; et ainsi qu’il s’en fuyoit, ledit suppliant print une pierre non pas pour le vouloir fraper, mais pour luy faire paour. Et ainsi que ledit suppliant gecta ladicte pierre, ledit Maynner fist ung faulx pas et arriva de male adventure ladicte pierre contre la teste dudit Maynner et ne luy rompit que la peau. Mais ledit Maynner dudit cop ou autrement cheut de l’estomac et du visaige sur de grosses pierres qui estoient en la rue, tellement que cinq jours après ou environ, par faulte de gouvernement ou autrement, il est alé de vie à trespas. Pour occasion duquel cas, dont ledit suppliant est très desplaisant et a cheuy à partie, icelluy suppliant s’est absenté, etc. Pour quoy nous, etc., audit suppliant avons quicté, etc. Si donnons en mandement au seneschal de Poictou, etc. Donné à Paris, ou moys de juillet l’an de grace mil cccc. soixante dix huit et de nostre règne le xviime.


1 Dans les précédents volumes, nous avons rencontré les noms de plusieurs membres de cette maison du Bas-Poitou, dont nous ne connaissons pas de généalogie. Le chef de la famille à cette époque paraît avoir été Guy de Sainte-Flaive, seigneur dudit lieu et de Languillier, chevalier, qui, dans un acte donné à Mauléon, le 27 septembre 1475, se qualifie capitaine des gens d’armes et de trait des nobles du pays de Poitou. (D’Hozier, Armorial général, in-fol., t. II, p. 461.) Il vivait encore en 1486, et était ajourné le 6 juin de cette année au Parlement de Paris, pour excès, forces et violences, avec plusieurs autres, par Hugues Prévost, écuyer. (Arch. nat., X2a 51, à la date.) Citons encore un aveu et dénombrement très détaillé de la terre et seigneurie de Sainte-Flaive et de ses dépendances, mouvant de la Roche-sur-Yon, rendu en 1417, par Jean de Sainte-Flaive à Louis duc d’Anjou, roi de Sicile et de Jérusalem, seigneur de la Roche-sur-Yon, dont l’original est conservé dans les archives de la Chambre des comptes. (Arch. nat., P. 2099), et la ratification, en 1432, par Jean de Sainte-Flaive, chevalier, des conventions matrimoniales conclues, en son nom, par Jean Jousseaume, sr de la Geffardière, entre Philibert de Sainte-Flaive, son fils, et Françoise de Beaumont, fille de Guy, sire de Bressuire, avec reconnaissance par ledit de Sainte-Flaive de la donation qu’il a faite à son fils de la terre et de l’hôtel de Saint-Martin-l’Ars en la châtellenie de Vouvent, estimés 200 livres de rente. (Arch. des Deux-Sèvres, chartrier de Saint-Loup, E. 1253, orig.)