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DCLXVII

Rémission accordée à Jean Le Pelletier, potier de terre, pour le meurtre de Jean Croissons, son beau-frère, qui lui avait cherché [p. 214] querelle, en revenant du marché de Pouzauges, et l’avait le premier frappé à coups de couteau.

  • B AN JJ. 124, n° 104, fol. 60
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 213-216
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, à nous avoir esté exposé de la partie de Jehan Le Peletier, que, le vendredi prouchain après la saint Hylaire derrenierement passée, le dit exposant et en sa compaignie Jehan Croissons, duquel le dit exposant a expousé la suer, alerent au marchié qui lors se tenoit à Pousauges, et avec eulx menerent deux bestes chargiez de poz de terre, en entencion de vendre ou dit marchié yceulx potz de terre. Et quant ce dit jour, ilz orent esté ou dit marchié et eurent vendu leurs diz potz, ilz en la dicte ville de Pousauges entrerent en une taverne, pour illeuc prandre leur refection, et illeuc burent si largement de vin que ilz furent surpriz et chargiez de vin, et environ l’eure de la nuyt, se partirent de la dicte taverne, et se misdrent à chemin pour retourner en leurs hostelz, et eulx faisans leur chemin ensemble, le dit Jehan Croissons qui estoit très rioteux homs et plains de grant malice, fort jeune, puissant de corps et legier de courage, prist paroles avec le dit exposant, en disant que ycellui exposant vendoit mieulx ses poz que ne faisoit icellui Jehan Croissons. Et après ce que le dit exposant gracieusement lui eust respondu que le dit exposant estoit mieulx acoursez, c’est assavoir mieulx achalandez que n’estoit le dit Croissons, et que les gens plus volentiers aloient acheter ses potz, pour ce que ycellui exposant, en faisoit meilleur marchié, ycellui Jehan Croisson en usant de parole injurieuse illeuc desmenti le dit exposant et oultre lui dist que par son lignage qui estoit grant et puissant au regart du dit exposant, il feroit batre ycellui, qui adonc lui respondi que il feroit grant pechié et que, se le dit exposant avoit deshonneur, aussi l’auroit le dit Jehan Croissons ; lequel Jehan, perseverant en son mauvais courage, retourna sur le dit [exposant], descendi [p. 215] à pié et prist un baston du gros du bras commun d’un homme, couru sus au dit exposant et du dit baston le fery trois cops telement que il le fist cheoir de dessus une jument sur laquelle il estoit adonc monté, et en escriant au dit exposant que il par sa main mourroit, le devant dit Jehan Croissons tray un sien coutel et en cuida tuer le dit exposant, et en lui ne demoura pas que il ne le meist mort. Le quel exposant, estant ou peril et dangier là où le dit Jehan Croissons l’avoit mis, se dreça, se prist aux poings du dit Croissons, et pour eschiver le peril de la mort et mieulx resister à la male volenté du dit Croissons, lui osta le dit coustel et à sa defense en ce moment, durant leur conflict, en fery le dit Jehan Croissons, telement que mort s’en est ensuye ; mais le dit Jehan Croissons, avant sa mort, sachant le tort que il avoit au dit exposant, excusa ou descoulpa le plus qu’il pot le dit exposant de cestui cas et le lui pardonna, en tant comme en lui estoit. Pour occasion duquel fait ainsi avenu en chaude meslée, sanz hayne precedent et sanz fait avisé de la partie d’icellui exposant, le dit exposant aagié1 de l. ans ou environ et chargié de femme et de six petiz enfanz, doubte estre molestez ou empeschiez, si comme il dit, en nous humblement suppliant comme il, en touz ses autres faiz ait esté et soit homme de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sanz avoir esté condempné, convaincu ne actaint d’autre meffait, et avec ce le dit Jehan Croissons ait esté commencent et en coulpe du dit fait commiz par le dit exposant en soy defendant, autrement il ne cuidoit eschiver le peril de la mort, là où s’efforçoit de le mettre ycelui Jehan Croissons, nous sur ce lui vueillons eslargir nostre grace. Nous adecertes, pour consideracion de ce que dit est, au dit exposant ou cas dessus dit avons remis, quictié et pardonné, et de grace especial remettons, quictons [p. 216] et pardonnons le dit fait, avec toute peine, amende et offense corporele, criminele et civile, que pour ce il puet avoir encouru envers nous, et satisfait premierement, avant toute euvre, à partie bleciée, se faicte n’est, le restituons au païs, à sa bonne renommée, se pour ce est amenrie, et à ses biens. Si donnons en mandement au bailli de Chartres, au gouverneur de la Rochelle et à touz noz autres justiciers, presens et avenir, ou à leurs lieuxtenans, et à chascun d’eulz, si comme à lui appartendra, que le dit exposant facent et seuffrent joir et user de nostre presente grace, sanz le molester au contraire, en corps et en biens, mais se aucuns de ses biens ou choses sont pour ce priz, saisiz, levez, arrestez ou empeschiez, lui mettent ou facent mettre à plaine delivrance. Et pour ce que ce soit ferme chose et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autrui en toutes. Donné à Paris, ou moys de fevrier l’an de grace mil ccc. iiiixx et trois, et le quart de nostre regne.

Es requestes de l’ostel. Henry. — Orgemont.


1 Le texte porte chargié.