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DCCII

Rémission accordée à Étienne de la Grève, coupable d’homicide sur la personne de Nicolas Barré, en défendant son frère.

  • B AN JJ. 129, n° 134, fol. 85
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 301-304
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, à nous avoir esté signifié de la partie de Estienne de la Greve, povre laboureur que, le dimenche prouchain après la feste de l’Ascension derrenierement passée1, environ heure de vespres, Perrot Barré et Jean de la Greve, son fillastre, frere germain du dit signifiant, orent riote ensemble de paroles injurieuses ou village de Flaviere en la parroisse de Vairré, et assez tost après Nicolas Barré, frere germain du dit [p. 302] Perrot Barré prist riote de paroles injurieuses avecques le dit Jehan de la Greve, lequel Nicolas en procedant par voie de fait prist le dit Jehan de la Greve par le col et par la chevessaille, en le tirant, boutant et malmenant rigoreusement et par grant ire, et en ce faisant le dit Perrot Barré et Guillaume Barré leur pere, meu de mauvaise voulenté, courrurent sus au dit Jehan de la Greve, et de fait le prisdrent par le col et par la chevessaille, et en le poussant, boutant et injurieusement malmenant, telement que les genz à ce presens se misrent en paine de les desmeler et separer à leur pooir, lequel Jehan de la Greve soy veant oppressé, comme dit est, apperçut le dit signifiant et à haulte voix lui escria que il lui aidast à soy rescourre des mains et de la puissance des dessus nommez pere et freres, qui ainsi le mal traictoyent, en disant au dit signifiant ces paroles ou semblables en substance : « Ha, mon frere, me lairez vous yci morir ? » Et adonc le dit signifiant, meu de pitié et d’amour fraternel, veant le dit Jehan de la Greve son frere ainsy oppressé, ala vers les diz Guillaume, Perrot et Nicolas dis (sic) Barré, pour rescoure de leurs mains le dit Jehan de la Greve, son frere, doubtant que il ne meissent à mort le dit Jehan de la Greve, son frere, et pour ce que il ne le vouldrent legierement ou tost laissier, le dit signifiant veant le dit Jehan son frere en peril et doubtant que il ne feust mis à mort par les iii. dessus nommez ou aucuns, sacha un petit coustel appellé badelaire, dont d’aventure il feri un seul coup le dit Nicolas Barré sur la teste jusques au sang ; et tantost après le dit cop, ycellui Nicolas se parti de la place et s’en ala à l’ostel du dit Perrot Barré, son frere, ou quel hostel Jehan Garin, habitant du dit vilage de la Flaviere, voult regarder la plaie du dit Nicolas, pour le estanchier de le seignier et y faire à son pooir mieux que il pourroit, en priant au dit Nicolas que il se laissast regarder ou visiter et estanchier, maiz le dit Nicolas, mal meu et de felon courage, et aussi le [p. 303] dit Guillaume Barré, son pere, ne voudrent souffrir que l’en estanchast ne visitast le dit Nicolas Barré, ainçois le dit Nicolas Barré issy hors du dit hostel, et ainsi comme l’en lui disoit que il se laissast visiter et estanchier, ycellui Nicolas crioit à haulte voix qu’il n’en feroit riens et que il vouloit mourir, en disant : « Je meur par Estienne de la Greve. » Et après pluseurs paroles eues entre le dit Nicolas et son dit frere, d’une part, et le dit Jehan Garin et autres genz qui le amonnestoient de soy souffrir visiter et estanchier, d’autre, le dit Nicolas Barré en la compaignie de André Portegal, sergent de la Mote Achart, se parti du dit village de la Flaviere et ala ou village de la Roche Richart distant par deux lieues du dit village de la Flaviere, et au dit village de la Roche Richart se coucha, sanz soy faire regarder ne visiter ; et ileuc le dit Nicolas par son mauvais gouvernement moru dedens cinq jours après ou environ. Et le dit signifiant qui en touz ses autres faiz a esté de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sanz avoir esté convaincu, condempné ne actaint d’autre meffait, s’est absentez et se tient absent pour doubte de rigueur de justice, si comme il dit, en nous humblement suppliant comme ce fait soit avenu en chaude meslée et par la maniere que dit est, nous sur ce lui veillions eslargir nostre grace. Nous adecertes, pour consideracion de ce que dit est, au dit signifiant ou dit cas avons remis, quicté et pardonné de grace especial, remettons, quictons et pardonnons par ces presentes le dit fait, avec toute peine, amende et offense corporelle, criminelle et civile, que pour ce il puet avoir encouru envers nous, et satisfait premierement et avant tout euvre à partie bleciée, le restituons au païs, à sa bonne renommée, se pour ce est amenrie, et à ses biens non confisquez. Si donnons en mandement au seneschal de Xaintonge, gouverneur de la Rochelle, et à touz noz autres justiciers, ou à leurs lieux tenans, et à chascun d’eulx, si comme à lui appartendra, que le dit signifiant [p. 304] facent et seuffrent joir et user de nostre presente grace, sanz le molester au contraire, et ses biens et ses choses non confisquiez, pour ce pris, saisiz, arrestez, levez ou empeschiez, lui mettent ou facent mettre à plaine delivrance. Et pour ce que ce soit ferme chose et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres [choses] nostre droit et l’autrui en toutes. Donné à Paris, ou moys d’aoust l’an de grace mil ccc. iiiixx et six, et de nostre regne le vie.

Par le roy, à la relacion du conseil. Henry.


1 Le 3 juin 1386.