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DCCXXXV

Rémission accordée à Maurice Lévêque, dit Rochereau, serviteur du curé de Saint-Fulgent, coupable du meurtre d’André Gentis.

  • B AN JJ. 136, n° 255, fol. 156 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 398-401
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, de la partie des amis charnelz de Maurice Levesque, autrement [p. 399] dit Rocherea, à nous avoir esté humblement exposé que, comme icellui Maurice ait demouré en l’ostel et ou service du curé de Saint Fulgent en Poictou par certain temps, pendant lequel c’est assavoir le mardi après la Penthecoste l’an de grace mil ccc.iiiixx et huit, à heure de vespres ou environ, le dit curé se parti de son dit hostel et ala à l’ostel d’un chevalier du dit païs, appellé Jehan de Lestang1, et laissa en son dit hostel entre les autres un chappellain appellé Jaques Amissea et le dit Maurice, et leur commanda et à ses autres genz qu’ilz gardassent bien son dit hostel, ou quel jour icellui Maurice qui venoit de la dicte ville de Saint Fulgent, environ heure de jour couchant, et se vouloit aler couchier en l’ostel de son dit maistre, pour la garde d’icellui, ainsi que commandé lui avoit, trouva à l’uys du dit hostel iii. personnes, entre les quelles estoit un appellé André Gentis, les quelz escoutoient, si comme il sembloit, quelz gens il avoit ou dit hostel ; et lors le dit Maurice entra dedans le dit hostel et [p. 400] dist au dit chappellain qu’il avoit gens dedans la closture du dit hostel, et pensoit qu’ilz y feussent venuz à celle heure pour rober leur dit maistre ; et pour ce s’en issirent au dehors du dit hostel les diz Maurice et chappellain, pour savoir que c’estoit. Les quelz André et ses compaignons se retrairent, quant ilz les oïrent issir hors d’icellui hostel, en alant tout au long de la cohue ou halle du dit lieu et jusques à l’ostel d’un appellé Colin Vinet, au quel lieu les diz Maurice et chappellain alerent pour cuidier savoir quelz gens c’estoient et que ilz demandoient. Et quant ilz furent au dit lieu, le dit André se tourna vers eulx, tenant en sa main un grant coustel tout nu, en s’efforçant d’en ferir le dit Maurice parmi la poictrine ; le quel Maurice, veant que le dit André s’efforçoit de le frapper et pour obvier et resister à la male voulenté d’icellui André, saicha un grant coustel qu’il avoit et en donna un coup au dit Andre tant qu’il lui en fist une grant plaie en la teste, pour occasion du quel coup ou navreure icellui André ala de vie à trespassement, le xiiiie jour ou environ après la dicte navreure. Pour la quelle chose le dit Maurice, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du païs et n’y oseroit jamaiz rettourner, ainçois seroit du tout desert, se par nous ne lui estoit sur ce pourveu de nostre grace. Suppliant humblement les diz exposans que, comme en tous autres cas le dit Maurice ait esté et soit de bonne fame et renommée, et ne cuidoit mie telement navrer le dit André, ainçois en fu très courouciez, et aussi que ce fu en reppellant force par force, nous sur ce lui veuillons pourveoir de nostre dicte grace. Pour quoy nous, ces choses attendues et considerées, voulans misericorde estre preferée à rigueur de justice, avons ou cas dessus dit remis, quicté et pardonné, remettons, quictons et pardonnons, de grace especial, par ces presentes au dit Maurice le fait et cas dessus dit, avecques toute peine et amende corporele, criminele et civile qu’il pourroit avoir encouru envers nous et justice, pour occasion du dit fait, [p. 401] et le restituons à sa bonne fame et renommée, au païs et à ses biens quelconques non confisquez. Et avecques ce lui remettons tous appeaulx et ban, s’aucuns ont esté pour ce faiz contre lui, en imposant à nostre procureur sur ce silence perpetuel, sattisfaction faicte à partie civilement tant seulement, premierement et avant toute euvre, se faicte n’est. Si donnons en mandement au bailli des ressors et Exempcions de Touraine, d’Anjou, de Poictou et du Maine, et à tous noz autres justiciers, ou à leurs lieuxtenans, presens et avenir, que le dit Maurice facent, sueffrent et laissent joir et user paisiblement de nostre dicte grace et remission, senz le molester ou empeschier, ne souffrir estre molesté ou empeschié en aucune maniere au contraire, et se son corps ou aucuns de ses diz biens estoient pour ce prinz, saisiz, arrestez ou empeschiez, que ilz lui mettent ou facent mettre, tantost et senz delay, à plaine delivrance. Et que ce soit ferme chose et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes lettres. Sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné à Paris, l’an de grace mil ccc. iiiixx et ix, et de nostre regne le xe, ou mois de decembre.

Par le roy, à la relacion du conseil. Guingant.


1 Ce personnage ne figure pas sur la généalogie de la famille de Lestang donnée par MM. Beauchet-Filleau, dont la filiation suivie ne commence d’ailleurs qu’en 1448 (Dict. des familles de l’ancien Poitou, t. II, p. 294). Un Guillaume de Lestang, écuyer, châtelain de Thouars, vivant de 1354 à 1357, n’y est pas mentionné non plus. Ayant partagé la captivité de Louis, vicomte de Thouars, prisonnier des Anglais, et dont il était l’écuyer, il avait aidé son maître à s’échapper des mains de ses ennemis et était devenu son favori. Ce Guillaume de Lestang soutint plusieurs procès au Parlement, l’un entre autres en matière de rapt, fort curieux, contre Jeanne de Velort, damoiselle, qu’il prétendait sa femme. Il y avait eu mariage entre eux et librement consenti, affirmait-il ; de plus, l’official de Poitiers, appelé à se prononcer, les avait déclarés légitimes époux. Guyon de Marçay enleva ladite Jeanne, qui lui fut rendue quelque temps après. Puis les amis de celle-ci, en tête desquels se trouvait Hugues de Bauçay, qui avait été son tuteur ainsi que de son frère, Guy de Velort, lui conseillèrent de quitter définitivement ledit de Lestang, et dénoncèrent ce dernier au sénéchal d’Anjou comme coupable de rapt et de violences sur la personne de ladite Jeanne, se fiant à la protection du vicomte de Thouars. (Long arrêt du 16 mai 1355, prescrivant un supplément d’information, X2a 6, fol. 247 v°.) Nous renvoyons aux registres du Parlement pour la suite de cette affaire ; voy. particulièrement X2a 6, fol. 124, 204, 218 v°, 267 v°, 333 ; X1a 15, fol. 225.) En 1412, un de ses descendants, Louis de Lestang, écuyer, eut aussi des démêlés avec la justice, comme nous le verrons, pour avoir enlevé une jeune et riche héritière.