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DCLXIX

Rémission accordée à Jouan Lesay, de Chey en Poitou, pour le [p. 217] meurtre de Guillon Caillier, son oncle.

  • B AN JJ. 125, n° 208, fol. 119
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 216-219
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion des amis charnelz de Jouan Lesay, povre laboureur demourant à Chay en Poitou, en la chastellenie de Luisegnen, contenant comme un peu devant Noel derrenierement passé, un nommé Guillon Caillier, oncle du dit Jouan et icellui Jouan feussent demourans ensemble et communs en biens, en fait de labourages, de marchandises et en toutes autres choses, et pour ces choses faire avoient chevaux ou jumens ; mais pour ce que le dit Jouan avoit doubte que leurs dictes bestes ne leur feussent pillées, prises et ostées par les ennemis du royaume, qui en pluseurs fors estoient tout environ et près de eulz, il vendit une des dictes jumens pour le proffit de lui et de son dit oncle, au mieux que il pot ; de la quelle vendue d’icelle jument il desplut au dit oncle forment, quant il le sçot et tant qu’il dist à son dit neveu pluseurs injures et villenies, en le appellant faulx mauvais garçon, traitre, larron, « tu m’as vendu ma jument, dont nous faisions nostre labour, par le sang Dieu, je te batray tant que il te mescherra. » Et combien que le dit Jehan lui respondi courtoisement par telz mos : « Mon oncle, je l’ay fait pour nostre proffit et pour doubte que ces males gens Engloiz et ennemis ne la nous ostassent » ; le quel oncle, non content de ces paroles, en perseverant en son ire mauvaise et oultrageuse voulenté, comme tempté de l’ennemi, prist un grant et pesant tison de buche qui estoit ou feu tout ardant, et en fery le dit Jouan, son nepveu, un coup parmi la teste, dont il l’abbati à terre, et perdi la parole, et encore recouvra il et fery de rechief pluseurs autres coups sur le dit Jouan du dit tison, par tele maniere qu’il estoit aussi comme tout couvert de sang. Et comme icellui Jouan se vit ainsi durement demené, [p. 218] villené, batu et navré, doubtans que son dit oncle ne le meist illec du tout à mort, meuz de grant courroux, et en reppellant la force et l’excès à lui faict par son dit oncle, et pour eschiver la mort, sacha un petit coustel trenche pain qu’il portoit à sa sainturre, et de chaude cole et despourveement en soy defendant, en feri le dit son oncle un seul cop ou corps, dont mort s’ensuy le landemain en la personne d’icellui oncle. Mais avant qu’il mourust, le dit oncle sentans et confessans qu’il avoit eu tort et estoit agresseur, pardonna à son dit nepveu le dit fait. Pour doubte du quel fait et trop grant rigueur de justice, ycellui Jouan s’est absentez et ne se ose ne oseroit veoir ne comparoir, se par nous ne lui estoit impartie nostre grace, requerans ycelle, mesmement que le dit Jouan a tout le temps de sa vie esté homme de bonne vie, honneste conversacion et renommée, sans avoir esté point repris d’aucun autre villain blasme ou reprouche, comme dient les dessus diz amis. Nous adecertes, attendues les choses dessus dictes, le fait du dit homicide ou cas dessus dit au dit Jouan Lesay avons remis, quictié et pardonné, et par la teneur de ces presentes, de nostre plaine puissance, grace especial et auctorité royal, quictons, remettons et pardonnons, avecques toute peine corporele, criminele et civile en quoy, pour cause et occasion du dit fait, il puet estre encouru envers nous, comment que ce soit, satisfacion faicte à partie premiers, civilement tant seulement, en le restituant à plain à sa bonne fame et renommée, au païs et à ses biens non confisquez. Si donnons en mandement au seneschal de Xanctonge, gouverneur de la Roichelle et à touz noz autres justiciers et à chascun d’eulz, ou à leurs lieuxtenans, presens et avenir, que le dit Jouan facent, laissent et seuffrent joir plainement et paisiblement de noz dictes grace et remission, et contre la teneur d’icelle ne l’empeschent ou seuffrent estre empeschié en aucune maniere, en corps ne en biens. Et pour ce que ce soit [p. 219] ferme chose et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autrui en toutes. Donné à Paris, l’an de grace mil ccc. iiiixx et trois, et le quart de nostre regne, ou moys de mars.

Es requestes de l’ostel. P. Houdoyer. — Barreau.