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DCCXXXVIII

Extrait de lettres de rémission en faveur d’Audouin Chauveron, chevalier, ancien Prévot de Paris, relatif à Antoine de Buxeron, garde de la Monnaie de Poitiers, et à son mariage.

  • B AN JJ. 138, n° 98, fol. 118
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 407-409
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons, etc., nous avoir oy de l’umble requeste ou supplicacion de nostre amé et feal Audoyn Chauveron1, chevalier, nagaires Prevost de nostre [p. 408] ville de Paris et garde de la Prevosté des marchans de nostre dicte ville, contenant que, comme nostre procureur general ait baillez et proposez certains cas et articles contre le dit Audoyn, par devant noz amez et feaulz conseillers maistre Symon Foison, president en nostre Parlement, Tristan du Bois, chevalier, et maistre Robert Cordelier, maistres des requestes de nostre hostel, aux quelz cas et chascun d’eulz ycellui Audoyn a respondu promptement, en lui excusant et defendant sur ce, les quelz cas s’ensuivent : . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Item, a dit et proposé le dit procureur contre le dit Audoin que par sa force et puissance, et soubz umbre de son office, il a mariée une fille de nostre dicte ville de Paris, nommée Perrette Alebrain, la quelle avoit bien vaillant vc frans et la quele n’avoit pas x. ans à un serviteur du dit Audoin, le quel estoit un povres homs de petit estat et d’estrange païs, et dit que, supposé que les amis s’i consentissent, ce auroit esté de bouche et non pas de cueur, et pour ce a conclud à privacion d’offices royaulz et publiques obtenuz et à tenir amende honnorable aus amis et proufitable de iiiim livres, et à nous de viiim livres. A quoy le dit Audoin a respondu que, à la requeste de Anthoine de Buxeron2, bourgeois de Lymoges, orfevre et garde de la Monnoye de Poitiers, le quel est un homme bien né et riches homs et nostre officier, et lequel n’estoit ne fu oncques son familier ou serviteur, qu’il parla aus amis charnelz de la dicte Perrette du mariage du dit Anthoine et de elle, car à elle ne failloit point parler, pour ce qu’elle [p. 409] estoit paravant d’accord au dit Anthoine, comme il a oy par pluseurs foiz dire à ceulz qui le savoient, et que les amis se consentirent senz aucune force ne contrainte, et furent en fiançailles de Noel l’an iiiixx et un jusques au dymenche avant la saint Jehan l’an iiiixx et deux, et avecques ce, que les noces furent faictes publiquement et y furent tous les amis de la dicte fille, et firent la cemonce les amis de la dicte fille, et avoit la dicte fille bien xvi. ans, comme il appert par le regart de la dicte fille ; et aussi respond qu’il n’est nulz, fors Dieu, qui peust congnoistre ce que nostre dit procureur dit que les amis n’avoient pas au cuer ce qu’ilz disoient de bouche, et aussi qu’il n’y a point de partie poursuivant ne complaignant, ainçois est la fille demourant à Poitiers avec son dit mary, richement et mieulz mariée que frere ne suer qu’elle ait ; et si a affermé la dicte fille, par son serement, que ce fu de son bon gré et bonne voulenté. Et pour ce doit estre de ce tenuz quictes et absolz. . . . . . . . . . . . . . . .

Donné à Lion sur le Rosne, ou mois de janvier l’an de grace mil ccc. iiiixx et ix, et de nostre regne le disiesme.

Par le roy, presens le connestable, l’evesque de Noyon, le sire de Coucy et maistre Odart de Molins. J. Bertaut.


1 Bien qu’il eût des intérêts en Poitou, comme le montrent les lettres publiées ci-dessus (p. 233), Audouin Chauveron n’appartenait pas à une famille poitevine. Nous devons donc laisser de côté ces longues lettres de rémission (elles comportent douze pages du registre, ce qui donnerait environ trente-six pages d’impression), malgré tout l’intérêt qu’elles présentent, sauf ce court passage qui a trait à un garde de la Monnaie de Poitiers. Le reste se rapporte à des faits de l’administration de Chauveron en qualité de Prévôt de Paris et de bailli de Cotentin. Les autres accusations portées contre lui, sous trente chefs environ, sont beaucoup plus sérieuses que son entremise pour le mariage d’Antoine de Buxeron. Elles visent les crimes de concussion, péculat, dilapidation, corruption, abus de pouvoirs, etc. On lui impute entre autres d’avoir imposé à la ville de Paris des tailles, sans ordre du roi, et de s’en être approprié le produit. Emprisonné, puis élargi sous caution, Chauveron fut renvoyé devant une commission extraordinaire. Son procès fut ensuite soumis au Parlement. C’est alors qu’intervint la grâce royale. Soit que toutes les accusations fussent mal fondées, soit qu’il eût de puissants protecteurs à la cour (tels que le duc de Berry, voy. ci-dessus, p. 235 note), l’ancien Prévôt fut renvoyé indemne et sans aucune condition des fins de toutes les plaintes. Ces lettres ont ceci de particulier qu’elles reproduisent, à côté de chaque accusation, les arguments de la défense, comme le ferait une sentence d’absolution.

2 La nomination d’Antoine Buxeron comme garde de la Monnaie de Poitiers est postérieure au 11 avril 1377, date extrême d’un registre de comptes de fabrication de cet établissement, conservé parmi les Archives de l’ancienne Cour des Monnaies. (Arch. nat., ZIB 935.)