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DCCXCI

Rémission accordée à Jean de Beaufort, paroissien de Beaulieu-sous-la-Roche, qui avait assisté malgré lui à l'assassinat de l'abbé de Talmont commis, vers l'Ascension 1386, par deux moines de [p. 160] l'abbaye, frères Jean Assailly et Laurent Joveteau.

  • B AN JJ. 145, n° 516, fol. 230 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 159-162
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, de la partie de Jehan de Beaufort, povre homme, parroissien de Beaulieu sur la Roche ou pays de Poitou, chargié de femme et de IIII petiz enfans, nous avoir esté exposé humblement comme, huit ans a ou environ, environ la feste de l'Ascension Nostre Seigneur, frere Jehan Assailly, frere Laurens Joveteau1, religieux de l'abbaye de Talemont sur Jars, et autres feussent alez au dit lieu de Beaulieu, ou quel lieu ilz trouvèrent le dit exposant, au quel ilz dirent et prièrent qu'il voulsist aler avecques eulx au dit lieu de Talemont, pour obvier à certains larrons que yceulx Assailly et Joveteau disoient que devoient venir la nuit ensuivant desrober la dicte abbaye, et afin que le dit exposant feust plus esmeu d'aler avecques eulx, lui promirent X solz tournois ; lequel exposant, cuidant que les diz Assailly et Joveteau lui deissent vérité et que ilz ne alassent au dit lieu de Talemont que pour la cause dessus dicte, s'en ala avec eulx au giste en la dicte abbaye. Les quelx frere Jehan Assailly et frere Laurens Joveteau, tantost qu'ilz furent arrivez en la dicte abbaye, alerent à la chambre de l'abbé d'icelle abbaie ; en alant à laquelle chambre, le dit exposant qui ne savoit que les diz Assailly et Joveteau vouloient faire, les suyvy et entra avec eulx en ycelle chambre. Les quelx Assailli et Joveteau, et mesmes ycellui Joveteau, tantost qu'ilz furent entrez en la dicte chambre, sacherent leurs espées ou cousteaux sur le dit abbé qui estoit couchié en son lit, et ycellui traperent et batirent telement que d'ilec à trois [p. 161] jours après ou environ mort s'en ensuy2, sanz ce que le dit exposant y frapast oncques cop; mais de fait, quant il vit la mauvaise voulenté des diz Assailly et Joveteau qui ainsi frappoient sur le dit abbé, se gecta sur ycellui abbé, afin que plus ilz ne le frappassent ou tuassent, et telement que en cuidant garder le dit abbé de mort, yceulx Assailly et Joveteau blecerent très enormement le dit exposant. Après les quelles choses ainsi faictes par les diz Assailly et Joveteau, yceulx Assailly et Joveteau se absenterent du pays. Et depuis, pour occasion des dictes choses, le dit exposant qui estoit et est pur et vray innocent de ceste besoigne et qui pour cause de ce ne se absenta aucunement du pays, et lequel a tousjours esté de bonne vie et honneste conversacion, sanz avoir esté accusé ne repris d'autre cas ou mefïait, fu pris et mis en prison à la Roche sur Ion, et y fu detenu prisonnier par l'espace de huit jours ou environ ; lequel exposant, veant que sanz cause on avoit procedé à la prison et detencion de son corps, et aussi doubtant rigueur de justice, pourchaça et fist tant qu'il s'en ala hors de la dicte prison, et oncques puis ne osa venir au pays ne ne y oseroit jamais venir, se sur ce ne lui estoit impartie nostre grace et misericorde, si comme il dit. Nous adecertes, ces choses considerées et que le dit exposant a tousjours esté de bonne vie et honneste conversacion, sanz oncques mais avoir esté accusé ne repris d'aucun autre villain cas ou reproche, à ycellui exposant ou cas dessus dit avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement au bailli de Touraine et des ressors et Exempcions d'Anjou, du Maine et de Poitou, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou moys de may [p. 162] l'an de grace mil CCC IIIIXX et XIIII, et de nostre regne le XIIIIe.
Par le roy, à la relacion du conseil. Freron.


1 On pourrait lire aussi bien Joneteau. Un Jean Jouveteau était seigneur de la Genaudière en Moncoutant, l'an 1425. (B. Ledain, Hist. de Bressuire, p. 414.)
2 La liste des abbés de Sainte-Croix de Talmont, diocèse de Luçon, donnée par l'abbé Aillery dans son Pouillé de l'èvêché de Luçon, 1860, p. XXVIII, est fort incomplète; elle présente notamment une lacune certaine entre Pierre II, cité en 1366 et Bernard indiqué en 1409. Il nous a été impossible de trouver le nom de l'abbé, victime de ce meurtre, aux environs de l'Ascension 1386.