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DCCCLXIV

Rémission à Jean Marbeuf, dit Martin, du Châtellier près Melle, pour le meurtre, commis, l'an 1384, sur la personne de Pierre Vigier, de l'Orberie, qui l'avait attaqué.

  • B AN JJ. 155, n° 107, fol. 62
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 361-362
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, à nous avoir esté humblement exposé de la partie de Jehan Marbuef, dit Martin, povre laboureur, chargié de femme et enfans, que, comme en l'an mil CCC IIIIXX et quatre ou environ, ou quel temps il demouroit au village du Chastellier en la terre de Melle en Poitou, il a un certain jour eust mené une pipe de vin en certain lieu du dit païs nommé la Guillotere, pour le seigneur d'icelui lieu1, et en soy retournant d'icelui lieu de la Guillotiere bien tart, eust trouvé en certain chemin par lequel l'en va du dit lieu de la Guillotere au dit village du Chastellier, un appellé Pierre Yigier de l'Orberie, demourant pour lors en la terre de la Mole Saincte Eraye, lequel s'estoit mis en aguet pour batre et villener le dit exposant ; et sitost que le dit Yigier apperceut ycelui exposant, il dist au dit exposant ces paroles : « A ribaut, tu es mort », et lui couru sus de fait d'un coustel qu'il avoit ; lequel exposant ce veant, voulans obvier au mauvaiz et dampnable propos du dit Yigier, et pour soy garder d'estre blecié, au mieulx qu'il povoit eust mis par pluseurs foiz au devant du dit coustel, pour reppeller [p. 362] le cop d'icellui, un petit baston qu'il tenoit en sa main, en soy retraiant tousjours en arrieres. Et pour ce que le dit Vigier, voulant mettre à execucion son dit dampnable propos, couroit sus tellement au dit exposant et le suyvoit si prestement que il ne povoit fouir en arriere, ycellui exposant, veant qu'il estoit en peril de mort, s'il ne resistoit à la malice du dit Vigier, en soy rescouant de lui, donna à ycellui Vigier du dit baston qu'il tenoit en sa dicte main sur la teste un cop tant seulement, pour lequel cop le dit Yigier cheu à terre et moru incontinent. Pour lequel fait le dit exposant, doubtant rigueur de justice, s'est absenté du païs et n'y oseroit jamais converser ne habiter, dont sa dicte femme et ses diz enfans seroient en adventure d'estre du tout desers et de souffrir grant misere, se sur ce ne lui estoit impartie nostre grace et misericorde, si comme il dit, suppliant humblement que, comme en touz ses autres faiz, il ait tousjours esté de bonne vie et honneste conversacion, sanz avoir esté actaint ne convaincu d'aucun autre villain crime ou blasme, à lui estre par nous sur ce estandue nostre dicte grace et misericorde. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans preferer misericorde à rigueur de justice, au dit exposant ou cas dessus dit avons remis, quictié et pardonné, etc. Si donnons en mandement au seneschal d'Angoulesme et à touz noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou moys de juillet l'an de grace mil CCCC, et de nostre regne le XXe.
Par le roy, à la relacion du conseil. Freron.


1 Guy Faydit, chevalier, était alors seigneur de la Guillotiere. Cette terre lui avait été apportée en dot par Jeanne de Cazélis, sa femme. Leur fille Marie Faydit épousa six ans après, le 29 juin 1406, Giraud d'Orfeuille, dont il sera question quelques pages plus loin ; elle hérita de la seigneurie de la Guillotière et la transmit à son mari, puis à son fils aîné, Jean d'Orfeuille.