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DCCCVII

Rémission accordée à Mathurin Sabouraut, fils du fermier de Jehan de Puylouer à Choupe en la paroisse de Vasles, qui avait tué Pierre Rabaut, l'amant de sa mère.

  • B AN JJ. 148, n° 243, fol. 123 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 207-210
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, nous avoir receu l'umble supplicacion des amis charnelz et affins de Mathelin Sabouraut, contenant que comme un appellé Pierre Rabaut feust venus pieça demourer au lieu de Chopes, en la parroisse de Vales, lequel lieu le pere et la mere du dit Mathelin tenoient à ferme et mestoierie de Jehan de Puilouer1, le quel Rabaut, faignant qu'il feust cousin ou parent de la dicte mere du dit Mathelin, se feust par ses blandices, solicitacions et paroles deceptives, après aucun temps acointié d'icelle et tant frequenté environ elle que le peuple en parloit, et disoit l'en communement qu'il la congnoissoit charnelment. Les quelles choses venues à la congnoissance du dit Mathelin, il estant très doulant, triste et courroucié de ce, et pour eschever et obvier au peril qui s'en povoit ensuir, se feust trait devers le dit Rabaut, sanz lui faire de ce aucune mencion, en lui disant [p. 208] qu'il s'en alast hors de l'ostel de ses diz pere et mere, le quel Rabaut se feust lors departiz et alez demourer au lieu de Manigouste, assez près d'ilec. El depuis ce, le dit Rabaut, sanz lui faire et acomplir ses voulentez, eust prins à soyer et batre les blez de la dicte mestoierie, et lui estant au dit lieu, eust esté trouvez de nuyt avecques la dicte mere du dit Mathelin, hors de son hostel par un appellé Jehan Fradet, serourge d'icellui Mathelin, lequel serourge eust ce dit et rappourté au dit Mathelin et à son dit pere, et pour ce ycellui pere aiant pour ce très grant douleur, ennuy et courroux, se feust partiz et alez demourer hors du païs, en délaissant tout son estat et mesnage. Pour occasion des quelles choses, ledit Mathelin veant aussi la douleur et departement de son dit pere, la grant honte et deshonneur qu'ilz avoient par le fait du dit Rabaut, eust encores derechief parlé à icellui Rabaut, en lui disant qu'il ne alast ne frequentast plus en l'ostel de son dit pere, et que s'il y aloit [p. 209] ne venoit, il en pourroit bien estre courrouciez ; le quel Rabaut, non content de ce, eust tousjours perseveré en conversant et rapairant avecques la dicte mere plus que paravant, et mesmement, la veille de la Septembresche derrenierement passée ot deux ans ou environ, la dicte mere du dit Mathelin feust alée à la ville de Nostre Dame de Selle, et lors le dit Rabaut, faignant qu'il vouloit aler en Gastine, eust prins autre chemin, et après feust venus au dit lieu où la dicte mere estoit, et de fait se feust couchié ou giron d'elle, où il eust esté grant partie de la nuyt; de quoy le peuple lors estant au dit lieu eust parlé merveilleusement, en grant deshonneur du dit Mathelin, de son dit pere et de leurs parans, et encores eust icellui Rabaut tousjours continué ses faiz dessus diz, sanz s'en vouloir cesser ne departir aucunement. Et assez tost après, le dit Mathelin en alant de Manigouste à une ville que l'en dit au Bois Povefeau, eust encontré et trouvé d'aventure en chemin le dit Rabaut en la compaignie d'un appellé Pierre Conte, dit Guerry, lequel Mathelin recordant, courroucié et esmeu de très grans douleurs, courroux et tristeces de son dit pere, et de la honte et deshonneur que il et ses amis avoient par le fait du dit Rabaut, combien que le dit Rabaut eust dit et monstré par pluseurs foiz paravant ne s'en vouloir cesser, dist à icellui Rabaut ces paroles : « Ribaut, pour quoy viens tu en l'ostel de mon pere et faiz tant que ma mere est deshonnorée pour toy ? » Le quel Rabaut respondi très arroganment qu'il n'y laisseroit pas à aller pour lui, avecques autres paroles qu'ilz orent entre eulx, et en ce disant le dit Mathelin, veant aussi l'arrogance et hautaineté du dit Rabaut, qui s'efforçoit de le injurier, deshonnorer et vituperer en faiz et en diz, le feri d'un cousteau sur la teste un seul cop et un autre cop en la jambe. Le quel Rabaut tantost après se parti et ala au dit lieu de Manigouste, au quel lieu il se fist visiter et appareiller et par ceulx qui le visiterent fut dit qu'il ne avoit garde de mort, et toutesfoiz, [p. 210] environ trois sepmaines après ou environ, icellui Rabaut ala de vie à trespassement. Pour la quelle chose, le dit Mathelin, doubtant rigueur de justice, s'est absentez ou au moins ne se ose pas tenir ne demourer seurement ou païs, et a esté et est en peril de estre pour ce desert à tousjours, se par nous ne lui est pourveu de nostre grace, si comme ilz dient, supplians humblement que, attendu que le dit Mathelin a esté tout son temps de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sanz avoir esté convaincu ne actaint d'autre meffait, et que le dit cas est piteable, considéré ce que dit est, nous sur ce lui veillons impartir nostre dicte grace. Nous, eue consideracion aux choses dessus dictes, etc., au dit Mathelin, etc., ou dit cas avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes à touz noz justiciers et officiers, etc. Donné à Paris, ou mois de novembre l'an de grace mil CCC IIIIXX et quinze, et de nostre regne le XVIe. Par le roy, à la relacion du conseil. Mercier.


1 Jean de Puylouher, Puyloer ou Puilouer, possédait dans la même paroisse de Vasles un autre fief, la Garnaudière, pour lequel il rendit aveu à l'abbaye des Châtelliers. Cet acte, en trop mauvais état pour être publié, a été seulement analysé par M. Louis Duval. (Cartulaire de l'abbaye N.-D. des Châteiliers, publication de la Société de statistique des Deux-Sèvres, 1872, p. 151.) Le Grand-Gauthier contient plusieurs autres aveux rendus à Jean duc de Berry, comte de Poitou, par le même personnage, qualifié écuyer, tant en son nom qu'au nom de sa femme, Jeanne Rouault, et de sa belle-sœur, Isabeau Rouault: 1° pour le four appelé le Four des Pierres à Saint-Maixent; 2° pour ses hommes levants et couchants aux villages de la Briaudière, de la Chaillochère et autres fiefs, dont il possédait la moitié par indivis avec Catherine de Riberolle, veuve de Philippe du Paile, chevalier, etc., etc , datés du 11 novembre 1403; 3° pour l'hébergement de la Rouaudière, mouvant de Montreuil-Bonnin, appartenant à sa femme, en date du 6 mars 1404 n. s. (Arch. nat., R1* 2171, p. 412, et R1* 2172, p. 750.) Jean de Puylouher vivait encore en 1418, et figure en la même qualité et pour les mêmes fiefs, sur le registre des Déclarations des fiefs, hommages et devoirs dus à Charles, dauphin, comte de Poitou, dressé par Pierre Morelon, receveur ordinaire de Poitou, après le 10 août de cette année, date de l'entrée du nouveau comte en sa ville de Poitiers. On y voit que le Four des Pierres de Saint-Maixent était tenu en hommage lige, « au devoir de XXV solz de plait de morte main et à V solz de service au chef de l'an. » (P. 1144, fol. 19 et 34.) Il a été question dans notre précédent volume (p. 56 note) d'Hugues de Puylouher, mari de Guillemette du Retail, vivant en 1376. Peut-être était-il le père de Jean de Puylouher.