[p. 383]

DCCCLXXI

Rémission accordée à Colin Planté et à Jean Pascaut, du Gué-de-Velluire, qui avaient tué à coups de bâtons Jeanne Morel, veuve de Jean Joulain, réputée sorcière et qu'ils accusaient de leur avoir volé une oie et une paire de chausses, à condition qu'ils resteront pendant quatre mois en prison fermée et payeront une amende proportionnée à leurs moyens.

  • B AN JJ. 156, n° 36, fol. 20 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 383-385
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l'umble supplicacion des amis charnelz de Colin Planté et Jehan Pascaut, povres laboureurs, chargiez de femmes et de enfans, demourans au Gué de Vouluyre, contenant que comme, le soir de la feste de la Purification Nostre Dame derraine passée, les dis Planté et Pascaut se feussent encontrez en eulx alant esbatre, et en parlant de pluseurs choses, eust le dit Planté dit au dit Pascaut que Jehanne Morele, vefve de feu Jehan Joulain, lui avoit emblé unes chauces neuves qu'il avoit nagaires achetté, et le dit Pascaut lui dist qu'elle lui avoit emblé une oe et doubtoit qu'elle ne envoultast ou feist morir sa femme, parce qu'elle estoit renommée de ce faire, et qu'il n'avoit gaires que icelle Morele avoit tencié avec sa dicte femme de ce qu'elle lui avoit dit qu'elle n'avoit gaires gaagnié de dire qu'elle estoit vengié de Jehannete Bonnete, seur de la femme du dit Pascaut, qui estoit alée de vie à trespassement, et disoit l'en que la dicte Morele l'avoit envoultée; et en ce disant et alant oultre, encontrerent Jehan Duranteau et Jehan Tuffaut qui leur demanderent où ilz aloient. Les quelx leur respondirent qu'ilz aloient en l'ostel de la dicte Morele. Et lors les dis Duranteau et Tuffaut dirent aux dessus diz que la dicte Morele leur avoit pluseurs fois emblé par nuyt du bois de leurs buschiers [p. 384] , et qu'ilz se iroient esbatre avecques les dessus diz sur la dicte Morele et lui prieroient qu'elle cessast dores en avant de leur embler de leur bois. Et alerent ou dit hostel, où ilz trouverent la dicte Morele au feu, laquelle ilz saluerent ; et après ledit Planté lui pria qu'elle lui rendist ses dictes chauces qu'elle lui avoit emblées, et le dit Pascaut dist qu'elle avoit une de ses oes, et un nommé Parent qui estoit avec eulx dist à icelle Morele qu'elle avoit prins et emporté de son hostel une rondelle en laquelle avoit eu harenc caqué, laquelle il monstra ou dit hostel aux dessus diz et à la dicte Morele, à laquelle les dis Duranteau et Tuffaut dirent que l'on leur avoit dit que par nuit elle estoit venue par pluseurs fois querir du bois de leurs buschiers. Laquelle leur dist qu'ilz mentoient, et dist au dit Planté que ses chauces estoient ou dit hostel, et print un gros baston du quel elle frappa le dit Planté tel cop sur la teste que a pou qu'il ne chey à terre. De quoy il s'esmeust et se print à la dicte Morele qui chey à terre, sur laquelle le dit Planté frappa du baston dont elle l'avoit frappé, et aussi fist le dit Pasceau (sic), comme indigné de ce que dit est, et la frappa d'un baston qu'il print ou dit hostel, non pas pour la cuidier tuer. Mais ce non obstant, la dicte Morele qui estoit de l'âge de cinquante ans ou environ, trespassa avant qu'il feust deux jours. Pour le quel fait les dis Planté et Pascaut, doubtans rigueur de justice se sont absentez du païs, ou quel ilz n'oseroient jamais retourner ne converser, se sur ce ne leur estoit impartie nostre grace et misericorde ; et pour ce nous ont humblement requis les dis supplians que, consideré ce que dit est et que les dis Planté et Pascaut sont povres laboureurs, simples et ignorans, chargiez de femmes et enfans, et sont gens de bonne fame et renommée, sans oncques avoir esté actains ou convaincus d'aucun autre mauvais blasme ou reprouche, et que la dicte Morele estoit publiquement et [p. 385] nottoirement diffamée d'avoir fait pluseurs sorceries et envoultemens, de quoy pluseurs personnes estoient mors, et qu'elle avoit commis ou temps passé et faisoit de jour en jour pluseurs larrecins et autres deliz, et aussi que ilz ont fait satisfacion aux amis de la dicte Morele, nous vueillons aus diz Planté et Pascaut impartir nostre dicte grace et misericorde. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, et pour la reverence du saint temps de Pasques où nous sommes de present, aus dis Colin Planté et Jehannin Pascaut ou cas dessus dit avons quictié, remis et pardonné, etc., parmi ce toutesvoies que ilz tendront prison fermée chascun par l'espace de quatre mois, et avec ce seront punis civilement, selon leurs facultez. Si donnons en mandement au seneschal de Xaintonge et à tous noz autres justiciers et officiers, etc. Donné à Paris, ou mois d'avril aprez Pasques l'an de grace mil CCCC[I], et de nostre regne le XXIe.
Es requestes par vous, du commandement du roy tenues, l'arcevesque d'Aulx1, l'evesque de Noyon2, messire Jehan de Poupaincourt3, et autres du conseil presens. Laitre. — Le Begue.


1 Jean cardinal d'Armagnac fut archevêque d'Auch de 1391 au 22 septembre 1408.
2 Philippe de Moulin, évêque de Noyon du 24 décembre 1388 au 31 juillet 1409.
3 Jean de Popincourt, chevalier, seigneur de Liancourt et de Sarcelles, fut d'abord avocat au Parlement de Paris (1379-1400), puis premier président en remplacement de Guillaume de Sens (mai 1400) ; il mourut le 21 mai 1403, âgé d'environ soixante ans. M. Tuetey a publié son testament, daté du 15 mai 1403, et l'a fait précéder d'une notice biographique. (Testaments enregistrés au Parl. de Paris sous Charles VI, coll. des Documents inédits, mélanges, t. III, 1880, p. 335.)