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DCCC

Confirmation de la vente faite par Marie, duchesse d'Anjou et dame de Loudun, le 28 janvier précédent, à Simon de Cramaut, patriarche d'Alexandrie, administrateur perpétuel de l'évêché de Carcassonne, des terres de la Roche-Rigault et de Ranton en Loudunais.

  • B AN JJ. 147, n° 10, fol. 4 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 185-190
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir veu les lettres de nostre très chere et très amée tante la royne de Jherusalem et de Secile, contenans la forme qui s'ensuyt :
Marie, par la grace de Dieu royne de Jherusalem et de Secile, duchesse d'Anjou, contesse du Maine, de Pymont et de Roucy, et dame de Lodun1, ayant le bail, garde et administracion de Loys, roy des diz royaume, et de Charles compte de Tarente, noz enffans maindres d'aage, et de toutes leurs terres, à touz ceulx qui ces presentes lettres verront, salut. Il est ainsi que jà pieça, ou vivant de monseigneur que Dieu absoille, la dame de la Roche Rigaut et de Renton, les quelz lieux avecques leurs appartenances et dependences estoient tenus de noz commiz dessus diz, à cause de noz diz chastel et chastellenie de Lodun, à foy et hommage simple, feust alez de vie à trespassement, sans avoir aucuns hoirs qui se volissent faire nommer ne appeller, ne nous venir faire foy ne hommage, à cause des diz lieux de la Roche Rigaut et de Renton, appartenances et deppendences d'iceulx, et tant pour ceste cause que autres justes et raisonnables à declairer en lieu et en [p. 186] temps, iceulx lieux avecques leurs dictes appartenances et deppendences furent prins et mis en nostre main, comme biens vacans et apropriés à nostre propre demaine et heritaige. Et depuis les avons tenuz, possidez et explectez par l'espace de dix ou de douze ans, sanz aucun contredit, tant ou vivant de mon dit seigneur que après son trespas, et les fruiz, revenues et cuilletes qui [en] sont yssus, convertis et mis à noz usaiges. Savoir faisons que nous aujourd'ui, tant en nostre nom comme ayant le bail, garde et administracion de noz diz enffans et de toutes leurs terres, comme dit est, eu l'avis à pluseurs choses à ce nous esmouvans et en especial sur celles qui s'ensuient, et considerant le proufit et utilité de nous et de noz diz enfans, et par l'avis et deliberacion de nostre conseil assistent devers nous, avons vendu, cessé, quicté, delaissé et transporté, et encores par la teneur de ces presentes lettres vendons, cessons, quictons, delaissons et par tiltre de vraye, perpetuele et irrevocable vendicion transportons à reverend pere en Dieu messire Symon de Cramaut2, patriarche d'Alexandrie et perpetuel administrateur de l'eglise et eveschié de Carcassonne, en son propre et privé [p. 187] nom, present, prenant et aceptant ceste vendicion pour lui et pour ceulx qui à lui auront cause d'ores en avant, et à touzjours maiz les diz lieux de la Roche Regnaut et de Renton, avec toutes et chacunes leurs appartenances et despendences, les quelles par les causes dessus dictes nous avons tenues et possidées, ainsi comme dessus est dit, soient les dictes appartenances et deppendences des diz lieux, maisons, terres, vignes, prés, pastureaux, boys, saulayes, fuyes, garenes, molins, estans, pescheries, proprietés, seigneuries, droiz et juridicions, homages, rachas et feages, rentes et revenues en deniers, blez, vins, potages, poullailles, dismes, quars, terrages et autres choses quelconques, comment qu'elles soient nommées ou appellées, et en quel et quelcunques lieu ou lieux qu'elles soient situées ou assignées. Et fut faicte ceste vendicion par nous, en nostre nom et comme ayant le bail dessus dit, au dit messire Symon, en son nom privé, comme dit est, pour le pris et somme de IIIIC escuz d'or du coing de monseigneur le roy, compté chacun pour vint et deux sous six deniers tournois, poiez, contez et bailliez pour ce, ou nom de nous et de nostre commandement, à Pierre de Bournain, nostre escuier. De la quelle somme de IIIIC escuz d'or nous nous tenons pour bien paiée et contente, et en quictons le dit messire Symon, ou nom qu'il procede, et tous autres à qui quictance en pourroit et devroit appartenir. Et d'iceulx lieux de la Roche Regnaut et de Renton, avecques les appartenances et deppendences d'iceulx quelconques dessus dictes, nous, en nostre dit nom et comme aiant le bail dessus dit, nous sommes devestue et desaisie, pour nous et pour les nostres, et par la tradicion de ces presentes en avons vestu et saisi le dit patriarche, ou nom que dessus, pour lui et pour ses hoirs et ayans cause de lui, avecques tout le droit que nous, en nostre nom et ayans le bail dessus dit, avions, avoir povyons et devions, par avant cest transport, ès diz lieux de la Roche Regaut [p. 188] et de Renton, appartenances et deppendences d'iceulx dessus dictes, à avoir, tenir, possider, user, explectier, exiger, prendre, lever et recevoir par le dit patriarche, ou nom que dessus, et par ceulx qui de lui ont ou auront cause doresenavant et à tousjours. Lesquelles rentes, revenues, proffiz et emolumens des diz lieux de la Roche Rigaut et de Renton, appartenances et deppendences d'iceulx dessus dictes, et autrement en faire comme de leur propre heritaige hault et bas, sans que nous y ayons aucune chose retenu, à nous ne à ceulx qui de nous, en nostre dit nom et comme ayant le bail dessus dit, auront cause, ne à qui ce porroit appartenir, fors seulement foy et hommage simple à faire dores en avant et à tousjours mais, quant le cas y affierra, à nous ou au seigneur ou dame de Lodun, qui par le temps avenir sera successivement et à touzjours maiz, avecques les autres drois et seigneurie que ont acoustumé à faire, à nous et aux autres [seigneurs] ou dames de Lodun, les drois heritiers des diz lieux de la Roche Rigaut et de Renton. Promettant en bonne foy et sur l'ipotheque et obligacion de touz et chacuns noz biens meubles et immeubles, presens et avenir, et de noz hoirs, successeurs et qui de nous ont ou auront cause ou temps avenir, que du fait de mon dit seigneur et du nostre, en nostre nom et comme ayant le bail de noz diz enffans seulement, nous garentirons et deffendrons au dit patriarche en son dit nom, et à ceulx qui de lui auront cause à tousjours mais, les diz lieux de la Roche Rigaut et de Renton, avecques leurs dictes appartenances et deppendences quelconques, envers tous et contre touz, de toutes perturbacions, charges, devoirs et empeschemens quelxconques. Et si le dit patriarche ou les siens avoient, faisoient ou soustenoient aucuns dommaiges, despens, fraiz, couz, mises ou interestz par deffault du dit gariment frayé, nous promettons sur l'ipotheque et obligacion dessus diz, les amender, rendre et restituer [p. 189] au simple serement du porteur de ces presentes, pour toute preuve. Et renunçons en cest fait, pour nous et pour les noz, en nostre nom et comme aiant le dit bail, à toutes et chacunes excepcions de decepcion, de dol, de barat, de fraude, de lesion, de circunvencion, de cavillacion et de cautele, à l'exepcion de la dicte somme de IIIIC escuz d'or non eue, non receue, à tout droit escript et non escript, canon et civil, et en especial au droit Adrien et Velleyen, edit en faveur des femes, et generalment à toutes et chacunes les causes, raisons, allegacions, objections et opposicions quelxconques, qui contre la teneur, substance ou effect de ces presentes, en tout ou en partie, tant de droit que de fait, usaige, stille ou coustume du païs, pourroient estre faictes, dictes, proposées, obicées ou opposées, non obstant le droit disant general renunciacion non valoir, si l'especial ne precede. En tesmoing de ce et affin que ce soit chose de valeur perpetuel, nous avons fait mettre nostre grant seel à ces presentes. Donné [à] Avignon, le XXVIIIe de janvier l'an de grace mil CCC IIIIXX et XIII.
Ainsi signée : Par la royne, presens messeigneurs le sire de Sault3, messire Robert de Dreux4 et pluseurs autres.
Les quelles lettres dessus transcriptes et tout le contenu en icelles nous, ayans fermes et agreables, icelles louons, approvons, ratifions et de nostre auctorité royal, pleine puissance et grace especial, confermons par la teneur de[p. 190] ces presentes. Si donnons en mandement par ces mesmes presentes à touz noz justiciers et officiers, presens et avenir, et à chascun d'eulx, comme à lui appartendra, que nostre amé et feal conseiller Symon de Cramaut, patriarche d'Alexandrie, perpetuel administrateur de l'eglize et eveschié de Carcassonne, nommé ès dictes lettres, ses hoirs et successeurs, et ceulx qui de lui auront cause ou temps avenir, et chascun d'eulx, facent, laissent et seuffrent user et joir plainement, paisiblement, perpetuelment des lieux de la Roche Rigaut et de Renton, et de toutes leurs appartenances et appendences, venduz, cedez et transportez à tousjours mais hereditablement à nostre dit conseiller par nostre dicte tante, comme ès dictes lettres dessus transcriptes est faicte plus plenierement mencion, et contre la fourme et teneur d'icelles lettres ne les traveillent, molestent ou empeschent, ne facent ou seuffrent traveiller, molester ou empescher, ou aucuns d'eulx, ores ou ès temps avenir, en aucune maniere au contraire. Et que ce soit ferme chose et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en ces choses et en toutes autres nostre droit et l'autruy. Donné à Paris, ou mois de decembre l'an de grace mil CCC IIIIXX et XIIII, et de nostre regne le XVe.
Par le roy, a la relacion du grant conseil, ouquel vous, le sire de Giac5, les evesques de Meaulx et d'Arras6, maistre Odart de Molins7 et plusieurs autres estiez. — J. Bertaut.
Collatio facta est cum originali.


1 Marie de Châtillon, dite de Blois, fille de Charles de Blois, duc de Bretagne, veuve de Louis Ier, duc d'Anjou (voy. ci-dessus, p. 58, note). Elle était dame de Loudun par suite du don de cette châtellenie fait à son mari par Charles V en échange de celle de Champtoceaux, par lettres du 4 février 1367 n. s. (Tome XVII des Arch. hist. du Poitou, p. 345.)
2 Simon de Cramaut, sa famille et particulièrement son neveu Jean de Cramaut, ont été l'objet de notices développées dans notre précédent volume (voy. p. 319 et 340). A sa mort, le cardinal était encore en possession de ces seigneuries acquises de la duchesse d'Anjou, et par son testament, daté du 11 mars 1422 n. s., il en disposa, ainsi que des terres de la Chapelle-Belloin, de Claunay, la Lande, Beauregard, etc., en faveur dudit Jean de Cramaut, qui hérita d'ailleurs de la presque totalité des biens considérables de son oncle. Dans le cas où celui-ci mourrait sans enfants, et c'était une éventualité sur laquelle le patriarche d'Alexandrie ne pouvait guère conserver d'illusions, alors qu'il dictait ses dernières volontés (son neveu n'avait pas encore de progéniture et approchait de la soixantaine), il était stipulé que les terres et seigneuries ci-dessus deviendraient la propriété des évêques de Poitiers, « cum de eodem episcopatu quamplura bona habuerim et quotidie habeam », déclare le testateur.. Si l'évêque ne pouvait obtenir l'amortissement, les terres seraient vendues avec solennité par les exécuteurs testamentaires et les sommes en provenant employées à l'achat de bonnes dîmes ou d'autres domaines au profit de l'évêché. (Arch. nat., X1A 8604, fol. 91.)
3 Aux renseignements contenus dans une note précédente sur différents membres de la famille du Saut ou du Sault, dans la seconde moitié du XIVe siècle (tome III, p. 366), on peut ajouter que Geoffroy du Sault étant en procès contre Guillaume du Chillou, et l'affaire ayant été portée du sénéchal de Poitou devant la cour de Parlement, les parties se désistèrent par un accord amiable daté du 9 mai 1380. (Arch. nat., X1C 40.)
4 Bobert de Dreux, VIe du nom, de la branche de Beu, seigneur de Beu et de Villiers, né vers l'an 1347, fut premier chambellan de Louis II, roi de Sicile et duc d'Anjou, qui l'établit capitaine et châtelain de la ville de Tarente par lettres du 1er août 1391. Il vendit la terre de Beu au vicomte d'Acy, et mourut sans postérité. Il avait épousé Yolande de Trie, décédée en 1428. (Le P. Anselme, Hist. généal., t. I, p. 435.)
5 Pierre de Giac, chancelier du duc de Berry en 1371, puis chancelier de France en 1383. (Voy. notre vol. précédent, p. 309, note.) Son fils, Louis de Giac, obtint Vouillé en don du duc de Berry, antérieurement au 10 mai 1385, suivant Besly, Arch. hist. du Poitou, t. IX, p. 264.)
6 Pierre Fresnel, évêque de Meaux, du 10 novembre 1391 au 20 août 1409 ; Jean Canard, évêque d'Arras de 1391 ou 1392 au 7 octobre 1407, était en même temps chancelier du duc de Bourgogne.
7 Oudart de Moulins, président à la chambre des comptes de Paris.