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DCCCXI

Rémission accordée à Aimery Alexandre, écuyer, et à ses amis et complices, Etienne de la Grève et Jean Soreau, qui s'étaient introduits de nuit dans l'hôtel de Jeanne Bastard, veuve de Simon de Saint-Maixent, et lui avaient enlevé par violence un coffre fermé à clef et un sac. Ledit Alexandre était neveu et héritier de Simon de Saint-Maixent, et voulait se mettre en possession des titres de cette succession que détenait à tort la veuve de son oncle.

  • B AN JJ. 149, n° 82, fol. 59 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 219-222
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, à nous avoir esté exposé humblement de la partie des amis charnelz de Aymery Alexandre, escuier du pays de Poitou, que comme feu Simon de Saint Maixent1, oncle du dit Aymery, soit depuis un po alé de vie à trespassement, delaissiez Jehanne Bastarde, sa femme, et le dit Aymery, son nepveu et son heritier pour le tout, en ce qui regardoit le branchage de la mere dudit deffunt, auquel aussi le dit deffunt avoit donné tous ses acquez et la tierce partie de ses propres heritages, et pour ce que la dicte Jehanne detenoit et receloit les lettres et tiltres des heritages, conquès et autres droiz du dit deffunt, son mary, les quelles ou partie d'icelles appartenoient audit Aymery, pour cause de la donation et succession dessus dicte, et autrement le dit Aymery eust prié à Estiene de la [p. 220] Greve2 et Jehan Soreau, jeunes hommes qui estoient ses amis et accointes, qu'il le voulsissent aidiez et acompaigner à aler querir et avoir les dictes lettres, les quelz le lui eussent accordé. Et pour ce, ycelui Aymeri et les deux jeunes hommes dessus diz, garniz d'espées ou cousteaux, le lundi après la Trenité derrenierement passée, avant le jour, se feussent transportez au lieu et hebergement de la Gorrinere, où demouroit et demeure la dicte vefve, lequel fu du dit deffunt et appartient à present, pour certaine porcion, à ycelui Aymeri, et en ycelui hebergement eussent drecié une eschielle contre une fenestre d'une garde robe, par laquelle le dit Aymeri feust entrez en la dicte garde robe, cuidant que icelles lettres y feussent, et pour ce qu'il ne les y trouva, entra depuis en la chambre où estoit couchée la dicte Jehanne, et eust ouvert l'uis à ses compaignons dessus diz, qui après lui y feussent entrez et eussent cerchié ou lit d'icelle Jehanne, ou elle estoit couchée, cuidans y trouver les dictes lettres, ou quel il eussent trouvé et prins un coffre ou forcier fermé a clef, que le dit Aymery emporta, sanz le ouvrir ne savoir qu'il avoit dedens, jusques il fu en son hostel ; et aussi prindrent en ycelui hostel un sac où il avoit pluseurs lettres qu'il enporterent. En faisant les quelles choses, la dicte Jehanne eust esté un po escratignée et hurtée en un de ses bras au taillant de l'espée du dit Soreau, qu'il avoit traicte pour doubte que par ceulz de l'ostel ne feussent injuriez, sanz ce que icelui Soreau ne autre la ferist ne bleçast aucunement à escient, et aussi n'y ot il point en ce de sanc, greve ou enorme bleceure; et aussi fu feru par le dit Aymery du plat de son espée l'un des gens ou varlès de la dicte Jehanne, sanz ce qu'il lui feist sanc ne plaie, [p. 221] et sanz ce que à personne ne à aucunes autres femmes qui estoient avec elle en sa chambre feust faicte autre bleceure ne bateure aucune. Le quel Aymery et ses compaignons retournez en son hostel, qui estoit distant de demie lieue ou environ du dit hebergement, ycelui Aymeri ouvri ledit forcier et en osta la serrure, et y trouva jusques à la somme de deux cens dix livres tournois en monnoie et la valeur de dix livres ou environ en joyaux, et aucunes lettres qui appartenoient au dit Aymery. Et depuis, rendi et restitua le dit Aymeri à ycelle Jehanne toute la dicte finance, en la propre espesse que prise avoit esté, et tous les diz joyaux, et aussi les lettres qui la touchoient, sanz ce que riens il en alienast ne retenist, exepté aucunes lettres qui lui touchoient et aucunes autres qui demourerent en debat entre lui et la dicte Jehanne, pour ce que chacun les disoit à lui appartenir; et sur toutes ces choses s'est tenue pour contente et satisfaicte la dicte vefve, en la presence de pluseurs personnes, et en a quicté le dit Aymeri. Toutesvoies ycelui Aymeri et ses amis se doubtent que, pour cause de ces choses et qu'elles ont esté faictes par nuit, par la maniere que dit est, et pour la maniere du faire et ce qui s'en est ensuy, l'en y peust ou voulsist noter contre lui crime ou delit et qu'il en peust avoir empeschement par justice en son corps ou en ses biens, se par nous ne lui estoit sur ce impartie nostre grace et misericorde, si comme dient yceulx exposans, en nous humblement suppliant que, ces choses considerées et que le dit Aymery est bien jeunes homs, chargié de jeune femme, damoiselle, et d'enfans, lequel toute sa vie en autres choses a esté de bonne vie et renommée, sanz ce que oncques mais feust repris d'aucun villain blasme, et que partie s'est tenue pour contente sur ces choses, comme dit est, et si est le dit Aymery nobles homs, taillé de nous loyalment servir en noz guerres, ès queles son pere et ses parens ont loyaument servi nous et noz predecesseurs ès temps passez, que sur celui vueillons [p. 222] gracieusement pourvoir. Pour quoy nous, ces choses considérées, etc., au dit Aymeri ou cas dessusdit avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement au gouverneur de la Rochelle et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, le XIIe jour de fevrier l'an de grace mil CCC IIIIXX et quinze, et de nostre regne le XVIe.
Trousseau. — Par le roy en ses requestes, presens (sic) le grant conseil. Chaligaut. Semblable remission pour Jehan Soreau, et signée pareillement. Autre semblable et pareillement signée pour Estiene de la Greve.


1 Un membre de cette famille possédait à cette époque l'hébergement de la Séguinière, en la paroisse de Secondigny. Jean de Saint-Maixent, à cause de sa femme Perrette de Fontenioux, rendit aveu, le 24 juin 1402, à Jean Larchevêque, seigneur de Parthenay, pour ce fief consistant en une borderie de terre herbergée, avec droit de basse justice. (Arch. nat., R1* 190, fol. 104 v°.)
2 Au mois d'août 1386, Etienne de la Grève avait obtenu une première fois des lettres de rémission à la suite d'un meurtre commis sur la personne de Nicolas Barré, à la Flaivière, paroisse de Vairé. (Vol. précédent, p. 301.)