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DCCCXIV

Confirmation de la cession faite par Guy de La Trémoïlle, seigneur de Sully, à son oncle Guillaume Guenant, sr des Bordes, des terres et châtellenies de Brillac et de Rochemaux près Charroux, dont Jean de Bourbon, comte de la Marche, avait fait don, peu de temps auparavant, audit sr de La Trémoïlle1.

  • B AN JJ. 150, n° 76 fol. 39 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 224-229
D'après a.

Karolus, Dei gratia Francorum rex. Universis presentes litteras [inspecturis, salutem in Domino. Notum facimus] universis, tam presentibus quam futuris, nos litteras dilecti et fidelis consiliarii et cambellani nostri, Guidonis domini de la Tremoillia et de Suliaco, nobis, pro parte dilecti et fidelis militis et cambellani nostri, Guillelmi Guenant, domini de Bordis et de Albo in Bicturia, in eisdem nominati, exhibitas vidisse, formam que sequitur continentes :
Guy seigneur de La Tremoïlle et de Suilly2, à touz ceulx [qui] orront et verront ces presentes lettres, salut. Savoir faisons que nous, de nostre propre mouvement, certaine science et ferme propos, pour certaines et justes causes qui à ce nous ont meu et meuvent, et en especial pour la conjunction de lignage qui est entre nostre très chier et très amé oncle messire Guillaume Guenant, chevalier, seigneur des Bordes et du Blanc3, et nous, à nostre dit [p. 225] oncle avons donné et donnons à tousjours, pour lui et les siens, pour don irrévocable fait entre vifs, sanz4 esperance ou voulenté de povoir et avoir droit d'aucune chose y reclamer ou demander dores en avant, tout le droit et action que avons et povons avoir, en quel[que] maniere ou par quelque cause ou occasion que ce soit, ès terres et chastellenies de Brillac et Rochemeou, et ès appartenances et appendences quelconques, à nous appartenans à cause et par le moyen de certain don des dictes choses à nous fait, n'a pas longtemps, par noble et puissant seigneur messire Jehan [de] Bourbon5, conte de la Marche et de Vendosme et de Castres, comme ce puet plainement apparoir par les lettres du dit seigneur, à nous sur ce données, des quelles la teneur s'ensuyt :
Jehan de Bourbon, conte de la Marche, de Vendosme et de Castres. A touz ceulx qui ces lettres verront, presens et avenir, salut. Savoir faisons que nous, considerans les bons, grans et notables services à nous faiz par nostre très cher et très amé cousin, messire Guy seigneur de La Tremoïlle et de Suly, et considerans aussi le grant amour et affection qu'il a tousjours eu et a continuelment envers nous, [à nous] servir et complaire en touz noz affaires et besoingnes, et pour ce nous reputons et tenons estre grandement tenus à le congnoistre, dont nous voulons à nostre povoir acroistre noz fiez de homages de personnes notables et souffisans, en especial de gens de nostre sang et linage, desirans bailler et donner à nostre dit cousin terre dessoubz nous, dont il soit nostre homme, afin qu'il soit plus [p. 226] tenus et astrains de continuer envers nous sa bonne affection et ses bons services, à icellui nostre cousin, pour lui, ses hoirs, successeurs et aians cause, pour les consideracions dessus dictes et autres pluseurs grandes causes et raisons, avons donné et donnons, de grace especial par ces presentes, purement et absolument, en pure et simple donacion faicte entre les vifs, pour nous, noz hoirs, successeurs et aians cause à tousjours mais perpetuelment, tout le droit et action qui nous avient, doit ou puet estre advenu et appartenir ès terres et chastellenies de Brillac et de Rochemeou, et ès appartenances et appendences quelconques, en quelque partie ou maniere que ce soit, pour le fait, cause et occasion de la rebellion et forfaiture de messire Imbert Guy6, chevalier, jadiz seigneur des diz lieux, le quel tint en son vivant le parti des Anglois; les quelles terres et appartenances dessus dictes meuvent de nostre fief, à cause de noz chasteaux et chastellenies du Dorat et de Charroz ; à les tenir par nostre dit consin, ses successeurs et aians cause, de nous, noz hoirs, successeurs et aians cause, en foy et hommage, ressort et souveraineté, en la forme et maniere que le tenoit en son vivant ledit messire Ymbert et que tenues les avoient ses predecesseurs de nous et de noz predecesseurs ; et desjà nous en a fait nostre dit cousin foy et homage, à quoy nous l'avons receu. Si mandons à nostre amé et féal conseiller et seneschal de Belac, Remond Ducher et Jehan Dargaut, receveur de noz chastellenies dessus dictes du Dorat et Charroz7, et à touz noz autres justiciers et subgiez quelconques, [p. 227] presens et avenir, leurs lieux tenans, et à chascun d'eulx, si comme à lui appartendra, que de nostre present don facent et laissent joïr paisiblement nostre dit cousin, ses hoirs, successeurs et aians cause, et en mettent ou facent mettre en la main de nostre dit cousin ou en la main de son certain commandement, en son nom et pour lui, toutes et singulieres choses dessus dictes pleinement au delivre, non obstant que les terres et choses dessus dictes, depuis le temps des dictes rebellions et forfaiture, aient esté longuement en l'ordinaire de nostre recepte de noz dictes chastellenies du Dorat et de Charroz ; de la quelle recepte par le bail et tradicion de ces lettres nous les ostons et mettons hors du tout, et en saisissons nostre dit cousin, non obstant aussi que de ces choses la prisée ou value ne soit cy declarée ou specifiée, jasoit ce que, se prisée en estoit faicte, elle feust trouvée estre excessive et plus grande que ne dient les droiz parlans des donacions. Et voulons expressement que nostre present don soit à nostre dit cousin et à ses hoirs, successeurs et aians cause, de autel force et value que se la dicte prisée en feust au juste en ces lettres specifiée. Et afin que ce soit ferme chose et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces lettres, faites et données à Paris, le XVIIe jour de mars l'an de grace mil CCC IIIIXX et quatre. — Et estoient et sont dessoubz en marge les dictes lettres ainsi signées : Par monseigneur le conte, G. Hangie.
Promettans en bonne foy et soubz l'obligacion de touz noz biens meubles et immeubles, presens et avenir quelconques, la dicte [cession] avoir et tenir ferme, estable, agreable à tous jours par nous et noz hoirs, et les aians cause [p. 228] de nous, et non venir ne souffrir venir alencontre, par quelque voie ou maniere que ce soit. Et en oultre de la foy et hommage en quoy nous estions [tenus] envers mon dit seigneur de la Marche, à cause et par raison des dictes choses dessus exprimées et declarées, et à nostre dit oncle ainsi données, nous en sommes desmis, devestu et dessaisis, et encores par ces presentes, pour nous devestir, demettre et dessaisir de la dicte foy et hommage à mon dit seigneur de la Marche, avons faiz, ordonnez, constituez et establiz noz procureurs generaulx et messages especiaulx Jehan de Frugières, autrement dit Galois, Perrot d'Argenton, Jehan Meynart8, Jehan Choucart et messire Ymbert de Brillac, prestre, et chascun d'eulx, en leur donnant povoir de ce faire, et en suppliant mon dit seigneur que la dicte demission il lui plaise prendre et le dit nostre oncle prendre et recevoir à sa foy et hommage des dictes choses, ainsi et par la maniere que nous estions paravant la dicte dessaisicion. En tesmoin de ce, nous avons mis nostre seel à ces presentes, faictes et données le premier jour de juing l'an mil CCC IIIIXX et cinq.
Quasquidem litteras suprascriptas ac omnia et singula in eisdem contenta, ratas habentes atque gratas, ipsasque de nostris auctoritate regia et speciali gracia laudamus, ratifficamus, approbamus, ac eciam tenore presentium confirmamus, si et in quantum dictus dominus de Bordis contentis in litteris suprascriptis pacifice et debite usus [p. 229] fuerit et gavisus. Mandantes dilectis et fidelibus gentibus compotorum nostrorum et thesaurariis nostris Parisius, ceterisque justiciariis et officiariis nostris presentibus et futuris, vel eorum locatenentibus et cuilibet eorumdem, prout ad eum pertinuerit, quatinus dictum dominum de Bordis nostra presenti confirmacione uti et gaudere pacifice faciant et permittant, ipsum in contrarium nullathenus molestando seu molestari a quoquam permittendo. Quod ut robur et stabile perpetuo perseveret, presentes litteras sigilli nostri fecimus appensione muniri. Salvo tamen in omnibus jure nostro et quolibet alieno. Datum Parisius, mense marcii anno Domini millesimo CCC nonagesimo quinto, regni vero nostri XVI°.
Per regem, vobis, patriarcha Alexandrie9, domino Almarico de Ordeomonte10 et pluribus aliis presentibus. — Canteleu.


1 Ce texte a été édité une première fois par M. le duc de La Trémoïlle, dans son ouvrage Livre de comptes. Guy de La Trémoïlle et Marie de Sully. Nantes, in-4°, 1887, p. 200.
2 Il a été souvent question de ce personnage dans nos précédents volumes et dans celui-ci. Signalons seulement les nouveaux documents le concernant qui se trouvent dans une récente publication de M. le duc de La Trémoïlle : Les La Trémoïlle pendant cinq siècles. Tome Ier, Guy VI et Georges, Nantes, in-4°, 1890.
3 Le Blanc avait été donné à Guy VI et à Guillaume de La Trémoïlle, par lettres de décembre 1370, imprimées dans notre tome IV, p. 83-87. En cet endroit se trouve une assez longue notice biographique sur Guillaume Guenant, sr des Bordes ; nous n'avons rien à y ajouter. Ce personnage est mentionné d'ailleurs en plusieurs autres passages des tomes III et IV. Sa sœur Radegonde avait épousé Guy V de La Trémoïlle, père de Guy VI, Guillaume et Pierre.
4 Le texte du registre est « soubz », ce qui donne un contresens.
5 Jean Ier de Bourbon, second fils de Jacques Ier, comte de la Marche, et de Jean de Châtillon-Saint-Pol, devint comte de la Marche par suite de la mort de son frère aîné Pierre, qui périt avec son père à la bataille de Brignais (6 avril 1362), ou quelques jours après. Jean était décédé lui-même, le 11 juin 1393, et fut remplacé par Jacques II, son fils aîné.
6 Sur Imbert Guy, chevalier, cf. le tome III de notre recueil, p. 238, 239, 425, et le tome V, p. 132, où il est question de la confiscation de ses biens et de ceux de Thomasse de Maillé, sa femme.
7 Quand Anne de Bourbon, fille aîné de Jean Ier comte de la Marche, épousa le comte de Montpensier, fils de Jean duc de Berry, comte de Poitou, elle eut en dot ces châtellenies et terres de Bellac, Charroux, le Dorat, Saint-Germain, Rançon, Champagnac et Calais. Perrot Guyot en était gouverneur pour cette dame le 24 septembre 1398 et le 22 décembre 1402. (Coll. dom Fonteneau, t. XXIV, p. 489, 495.) Anne, étant devenue veuve, se remaria avec Louis comte palatin du Rhin, duc en Bavière, dont elle eut un fils, Louis, auquel ces terres appartinrent après la mort de sa mère. C'est ainsi que, le 1er septembre 1408, ce comte palatin institua le même Perrot Guyot sénéchal et gouverneur de Bellac, Charroux, etc., au nom de son fils. (Idem, t. I, p. 15.)
8 Jean Maynart, seigneur du Fenouiller, épousa Jeanne Robert, dont il eut Jean, Guillaume et Margot, qui était veuve de Pierre Vignerot, le 23 mai 1430. Son fils aîné Jean, surnommé Poitou, était écuyer du duc de Berry. Ce prince le maria avec Jeanne Ancelon, fille de Regnaut, sr de la Gaudinière, après avoir donné ordre à Pernelle Voyer, dame de l'Isle-Bernard, qui avait la garde de celle-ci, de la remettre entre les mains d'Etienne de Loypeau, évêque de Luçon, son aumônier. Le contrat est du 12 décembre 1402 et le mariage eut lieu en janvier 1403. Jean Maynart rendit un aveu de la seigneurie de la Cornetière; à cause de sa femme, en 1409. (Cf. Beauchet-Filleau, Dict. des familles du Poitou, anc. édit., t. II, p. 382, et nouv. édit., t. I, p. 65.)
9 Simon de Cramaut.
10 Amaury d'Orgemont, seigneur de Chantilly, fils du chancelier Pierre d'Orgemont et de Marguerite de Voisines, fut maître des requêtes de l'hôtel par lettres du 6 août 1380, chancelier du duc d'Orléans, membre du grand conseil du roi, premier maître des comptes lai, ambassadeur en Angleterre avec l'évêque de Noyon, pour y conduire Isabelle, fille de Charles VI, en 1396, etc. Il mourut le 11 juillet 1400. (Le P. Anselme, Hist. généal., t. VI, p. 338.)