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DCCCXXXVIII

Ratification des lettres par lesquelles le connétable Du Guesclin, en vertu du traité de reddition du fort de Gençay, maintient la femme et la fille de messire d'Agorissart, seigneur et capitaine dudit lieu de Gençay, en possession et jouissance des biens et héritages qu'elles tenaient en Poitou, pendant l'occupation anglaise.

  • B AN JJ, 153, n° 94, fol. 46
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 291-292
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir veu les lettres de feu nostre très chier seigneur et pere que Dieux absoille, contenans la fourme qui ensuit :
Charles, par la grace de Dieu, etc. Bertran Du Guesclin, conte de Longueville et connestable de France, etc.1
Lesquelles lettres dessus transcriptes et toutes les choses contenues en ycelles, nous ayans fermes et agreables, ycelles loons, gréons, ratifiions et approuvons, et par la teneur de ces présentes confermons. Et d'abundant, de nostre certaine science et auctorité royal, plaine puissance et grace especial, à la contemplacion de nostre très chier et très amé filz le roi d'Angleterre, qui sur ce nous a moult affectueusement et instanment prié et requis, la dicte dame de Mortemer2, avons relevée et relevons, par ces [p. 292] mesmes noz lettres, du temps qu'elle a demouré en Angleterre, durant la guerre de nous et des Anglois, ou autrement, commant que ce soit, qui à elle ou à ses hoirs pourroit ou devroit en aucune maniere nuyre ou empeschier l'enterinement et execucion des dictes lettres dessus transcriptes ou l'effect d'icelles; et ly donnons de nouvel, se mestier est, toutes les dessus dictes terres, chasteaux et revenues et autres possessions quelconques, dont mencion est faicte en ycelles lettres, non obstans quelconques dons ou graces par nous ou autres faictes ou à faire d'iceulx à quelconque personne que ce soit. Si donnons en mandement à tous les justiciers, officiers et subgiez de nostre royaume, presens et avenir, ou à leurs lieuxtenans et à chascun d'eulx, si comme à lui appartendra, que la dicte dame de Mortemer et ses hoirs et successeurs facent et laissent joir et user paisiblement et perpetuelment de nostre presente ratifficacion, approbacion, grace especial, relevement et don de nouvel des choses dessus dictes, et des prouffis, revenues et emolumens d'icelles, desquelles les dictes lettres dessus transcriptes font mencion, selon leur forme et teneur, cessant tout contredit et empeschement. Et que ce soit ferme et estable chose à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces présentes. Sauf en autres choses nostre droit et l'autruy en toutes. Donné à Paris, ou moys de janvier l'an de grace mil CCC IIIIXX et XVII, et le XVIIIe de nostre regne. Par le roy, en son conseil. Gontier.


1 Suivent les lettres de Du Guesclin, données « devant ledit fort de Gençay, le XVIIe jour de fevrier l'an mil CCC LXXIIII », 1375 n. s., et la confirmation de Charles V, datée de Paris le 22 février suivant, imprimées dans notre t. IV, p. 365-367.
2 Radegonde Béchet avait épousé : 1° Arnaud d'Ambleville ; 2° Guy Sénéchal, seigneur de Mortemer; 3° un chevalier anglais, Adam Chel, seigneur d'Agorisses, qui joua un grand rôle en Poitou pendant la domination anglaise et sut conserver la forteresse de Gençay plus de deux ans encore après que Du Guesclin eut reconquis notre province. (Voy. notre IVe volume, p. 42 note et 58 note.) Après la capitulation de cette ville, Radegonde suivit son mari en Angleterre, et lorsque celui-ci fut mort, elle paraît s'être fixée à Bordeaux, si l'on en juge par les actes que nous allons citer et qui prouvent qu'elle continua à jouir d'une grande faveur auprès des rois d'Angleterre. Richard II lui fit don, le 26 mars 1384, du quart des droits de marché à Bordeaux et de la coutume appelée le Ysshac dans la même ville, par autres lettres du 23 août suivant. Ces concessions lui furent confirmées le 22 octobre 1399, et de nouveau le 12 juillet 1407. (T. Carte, Catalogue des rôles gascons, in-folio, t. I, p. 173, 181 ) On voit qu'elle n'avait point renoncé à ses possessions de Poitou, et en particulier à la seigneurie de Gençay, malgré l'abandon que sa fille du second lit, Catherine Sénéchal, dame de Mortemer, mariée à Etienne d'Avantois, chevalier, avait fait de ses droits sur cette terre, en 1390, en faveur de Jean duc de Berry (ci-dessus, p. 17, note 1). Cependant elle ne paraît pas être parvenue à faire admettre ses prétentions. Le 8 décembre 1404 encore, le roi d'Angleterre donna permission à Radegonde Béchet d'aller en France traiter avec le duc de Berry de l'injuste détention du château de Gençay. (T. Carte, op. cit., t. I, p. 188.)