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MCLIII

Abolition donnée en faveur de Briand de Quercy, lieutenant de Touffou, Jean de Quercy, François Goffier, Jean Burtin, Jean Benoist, Michel Guedas, Jean Boere et Jean du Loquet, natifs de Bretagne. En représailles de ce que les officiers royaux en Poitou avaient emmené prisonniers à Montaigu des habitants des Marches communes de Bretagne et de Poitou, ils avaient enfermé au château de Touffou des sujets poitevins.

  • B AN JJ. 179, n° 78, fol. 42 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 48-50
D'après a.

Charles, etc. A tous ceulx qui ces presentes lettres verront, salut. Receue avons l’umble supplicacion de Brient de Quercy, Jehan de Quercy1, François Goffier, Jehan Burtin, Jehan Benoist, Michel Guedas, Jehan Boere et Jehan du Loquet, natifz du païs de Bretaigne, contenant que, à l’occasion de ce que aucuns noz officiers puis certain temps ença ont [p. 49] prins certains des habitans en la Marche de Bretaigne et Poictou, avantagière de Bretaigne et commune de Bretaigne et de Poictou, et iceulx menez et tenuz prisonniers à Montagu, soubz umbre de ce qu’ilz disoient que les habitans de ladicte marche devoient contribuer aux tailles mises sus et imposées de par nous, comme faisoient et font noz subgiez dudit païs de Poictou, et qu’ilz estoient de ce faire refusans, et que par la coustume de ladicte marche, quant aucuns noz officiers faisoient telz exploiz, les officiers de nostre très chier et très amé nepveu le duc de Bretaigne povoient semblablement prendre par manière de revanche et jusques à restitucion autres habitans en la marche avantagière de Poictou2, les diz supplians ont puis peu de temps ença prins en nostre dit pays certains habitans en icelluy, et iceulx menez et tenuz prisonniers ou chastel de Toufou, dont ledit Brient de Quercy estoit lieutenant. Depuis lesquelles choses ainsi faictes et advenues et pour occasion d’icelles, ledit Brient par aucuns [p. 50] noz officiers oudit païs de Poictou a esté prins et arresté, et pour se rendre à certain jour à lui assigné en nostre court de Parlement, pour illec respondre à nostre procureur general à telles fins et conclusions que contre lui il vouldroit dire et aleguer, a baillé caucion de cinq cens escuz3. Et combien que en faisant les choses dessus dictes les diz supplians ne cuidassent, attendue la dicte coustume notoirement et de long temps gardée en icelle marche, aucunement mesprendre, neantmoins ilz doubtent que, ores ou pour le temps avenir, nostre dit procureur, à l’occasion de ce que dit est, leur voulsist faire aucune question ou demande et les mettre en grans involucions de procès, et tendre contre eulx à grans fins, qui seroit, s’ainsi estoit, en leur très grant grief, prejudice et dommaige, si comme ilz dient, humblement requerans sur ce nostre grace leur estre impartie. Pour ce est il que nous, ces choses considerées et en faveur et contemplacion de nostre dit nepveu, qui sur ce nous a supplié et requis, ausdiz supplians oudit cas avons remis, quicté, pardonné et aboly, etc. Si donnons en mandement par ces mesmes presentes à nostre seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné aux Montilz lez Tours, le xiiiie jour de fevrier l’an de grace mil cccc. quarante sept, et de nostre règne le xxvie.

Ainsi signé : Par le roy en son conseil. E. Chevalier.


1 La famille bretonne de Quercy, aliàs de Kersy, possédait dans l’évêché de Nantes les seigneuries de la Juliennaye, paroisse de Saint-Étienne de Montluc, de Boiscorbeau, paroisse de Cheix, de la Haye-Pallée, paroisse de Mouzillon, de la Gohardière, paroisse de Gorges, etc. (Potier de Courcy, Nobiliaire de Bretagne, in-4°, t. II, p. 130.) Briand de Quercy, écuyer, capitaine du château de Touffou (cne Le Bignon, canton d’Aigrefeuille, Loire-Inférieure), avait épousé une poitevine, Annette Rataut, qui, entre autres biens, lui avait apporté la moitié de la terre de Faye-sur-Ardin ; l’autre partie appartenait à Huguet Rataut, son frère. Ils l’avaient eue en don de Jean Rataut, écuyer, seigneur dudit Faye, lequel, au moment d’entrer dans l’ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem à Rhodes, avait abandonné ses biens à Huguet et à sa sœur, sauf une rente annuelle de vingt écus d’or constituée au profit de Pierre Paën, ou Payen, écuyer, seigneur de Chauray. Les nouveaux possesseurs ne lui ayant pas payé les arrérages de cette rente, celui-ci fit saisir la terre de Faye, l’an 1461. (A. Richard, Arch. du château de la Barre, t. II, p. 299.) Parmi les signataires d’un acte nommant des députés pour porter plainte à Rome contre l’évêque de Nantes, de la part de plusieurs de ses sujets, à l’instigation du duc de Bretagne, le 8 février 1471, on relève les noms de Jean de Quercy, seigneur de la Juliennaye, et de René de Quercy. (Dom Morice, Hist. de Bretagne, in-fol. Preuves, t. III, col. 233, 234.)

2 Ces lettres d’abolition furent accordées au cours de négociations entre le roi de France et François Ier, duc de Bretagne, au sujet des Marches communes de Poitou et de Bretagne. Un an auparavant, Jean Rabateau, président au Parlement, et plusieurs autres, avaient reçu commission du roi, « pour enquérir o les gens du duc, et eulx informer des droiz, coustumes et statuz anciens de la dite Marche, et comment les habitants en icelle avoient accoustumé d’estre trectez et gouvernez, et des limites des Marches, et aussy des sorprinses qui avoient esté faictes, tant d’une part que d’autre, par les gens, officiers, vassaulx et subgetz d’une et autre part, sur les droiz, prerogatives, franchises, libertez et gouvernemens anciens de la dite Marche, et faire tout reparer, amender et mettre au premier et ancien estat, et en desclerer le droit d’un chacun au regart desdites Marches, ainsi que de raison ». Au commencement de l’année 1448, le duc de Bretagne vint trouver le roi à Angers, dans le but de mettre fin au conflit. Charles VII avait alors grand intérêt à se ménager l’alliance de François et se montra disposé aux concessions. L’abolition octroyée aux officiers bretons en est un témoignage évident. Dom Taillandier dit que l’ordre fut donné alors de ne plus comprendre les habitants des Marches dans la perception des aides. Mais cet arrangement ne fut sans doute que temporaire, car l’affaire des limites des deux pays et des droits et franchises prétendus par les habitants des Marches communes firent de nouveau l’objet de remontrances adressées par des ambassadeurs bretons à Louis XI, le 19 septembre 1462. (Cf. H. Daniel-Lacombe, L’hôte de Jeanne d’Arc à Poitiers, maître Jean Rabateau. Paris, Niort, 1895, in-8°, p. 158, 159.)

3 L’arrestation de Briand de Quercy et de ses compagnons avait eu lieu régulièrement et sur l’ordre du roi, comme on le voit par l’extrait de compte qui suit : « Payé au Trésor du roi la somme de iiiixxx. livres tournois, sur descharge escripte le dernier decembre l’an mil cccc.xlvii, par maistres Hugues de Conzay, lieutenant du seneschal de Poictou, et Jehan Chevredens, procureur du roy nostre sire oudit païs de Poictou, pour la despense d’eulx et de xxx. hommes de guerre de une compaignie, pour mettre à execucion certaines lettres du roy nostredit seigneur, pour prandre prisonniers le cappitaine de Touffou et plusieurs autres dudit païs qui avoient commis certains abuz et fait plusieurs entreprinses contre les subgiez du roy, demourans ès marches du pays de Bretaigne, et pour mettre la place de la Grève en l’obeissance dudit seigneur. » (Arch. hist. du Poitou, t. XXXI, p. 160.)