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MCLIX

Rémission pour Jean Valat, meunier du moulin de la Roche à N.-D. de Plaisance, en la châtellenie de Montmorillon, d’abord détenu pour avoir frappé une femme grosse qui avorta à la suite de ses coups, puis évadé des prisons dudit lieu de Plaisance.

  • B AN JJ. 179, n° 226, fol. 127
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 71-73
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehan Valat, demourant au lieu de Nostre Dame de Plaisance en la chastellenie de Montmorillon, en nostre païs de Poictou, contenant que, puis dix mois ença ou environ, à ung jour de mardi, lui estant audit lieu de Plaisance, vint devers lui ung jeune enfant, filz de ung nommé Jehan de Sufferte le jeune, demourant en la parroisse de Soget, lequel lui dist que la femme dudit de Sufferte, sa mère, estoit au molin appellé le molin de la Roche, dont estoit mousnier ledit suppliant, et vouloit mouldre du blé. Lequel suppliant y vint et y trouva ladicte femme dudit Jehan Sufferte, nommée Perrete, à laquelle il demanda combien elle avoit de blé, et [p. 72] icelle respondy qu’elle en avoit viii. boisseaulx seulement. Et pour ce que à icelui suppliant sembla de prime face, à veoir icelui blé, qu’elle en avoit plus, et aussi qu’il la tenoit pour suspecte, et à celle cause qu’elle eust prins de son blé, mesmement que la commune renommée estoit et est qu’elle prenoit voulentiers de l’autruy, et aussi femme diffamée et mal renommée, mesura ledit blé qu’elle disoit n’y avoir que huit boesseaulx, et il y en avoit bien unze ; de quoy se sourdirent parolles entre ledit suppliant et icelle Perrete, et telement que icelui suppliant, non cuidant qu’elle feust grosse, lui bailla deux ou trois coups de baston, et advint que le jeudi ou vendredi ensuivant, elle acoucha d’enfant qui, comme l’en dit, fut ondoyé à l’ostel, et après ce ala de vie à trespassement. Pou de temps après lequel trespassement, les femmes (sic), parens et amys de ladicte Perrete se sont faiz partie contre ledit suppliant, disans que par le moyen de ladicte bateure son fruit avoit esté pery et estoit acouchée davant le terme ; et telement fut procédé contre lui que il fut mis prisonnier ès prisons dudit lieu de Plaisance, où il a esté traicté moult rigoureusement en fers et en seps au long de l’iver à moult grant povreté et misère, et qui plus est, l’ont fait garder à ses despens bien deux mois ; à laquelle cause il despendy presque tout le sien. Et finablement, pour les grans durtez qu’ilz lui ont faictes et tant de l’avoir fait gehainner par trois foiz, combien qu’il n’en ait riens confessé, que autrement, environ la my karesme derrenierement passée, il a trouvé manière de yssir desdictes prisons, supposé qu’il eust baillé pleiges de non en partir, si non par congié de justice. Pour occasion de laquelle bateure et aussi d’estre party desdictes prisons, il doubte de rechief estre rigoureusement traicté par justice, s’il puet estre de nouvel prins et apprehendé, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, si comme il dit, humblement requerant que, attendu que il est prest de raemplir lesdictes [p. 73] prisons et est chargié de femme et enfans, qu’il a tout son temps esté et encores est homme de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sans oncques avoir esté actaint ne convaincu d’aucun autre vilain cas, blasme ou reprouche, si non que dès pieça il eut certaines parolles à ung nommé Joly, et telement que icelui Joly tira à moitié sa dague pour le vouloir frapper, et ledit suppliant doubtant que l’autre le frappast premier, en soy defendant lui bailla d’un coustel au costé de l’estommac, dont il ala de vie à trespassement, et d’icelui cas il obtint noz lettres de grace et remission1, et en a esté purgié, nous lui vueillons d’icelle bateure faicte par la manière que dit est en la personne de ladicte Perrete, et de la rompture desdictes prisons, impartir nos dictes grace et misericorde. Pour ce est il que nous, voulans en ceste partie misericorde estre preferée à rigueur de justice, à icelui suppliant, etc. avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces mesmes presentes au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou mois de may l’an de grace mil cccc. quarante et huit, et de nostre règne le xxvie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. A. Dubeuf. — Visa. Contentor. E. Froment.


1 Ces lettres n’ont pas été enregistrées au Trésor des chartes.