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MCXCIX

Rémission en faveur de Jean Delacroix, avocat de Poitiers, coupable de [p. 204] vol au détriment de Jean Genoillac, marchand de cette ville.

  • B AN JJ. 185, n° 28, fol. 22 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 203-206
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehan Delacroix, demourant en nostre ville de Poictiers, contenant que, environ la feste de saincte Katherine derrenière passée, à ung jour de mardi, en s’en venant de l’eschevinaige de Poictiers où il plaidoioit contre ung nommé Jehan Caillaut, et en passant par devant la maison de Jehan Genoillac1, marchant, demourant en ladicte ville, fut appellé par deux clercs de la maison d’icellui Genoillac, l’un nommé Pierre et l’autre nommé Colin, et lui dirent qu’il vensist parler à eulx. Et après que ledit suppliant fut devers eulx, lui demandèrent dont il venoit. Et icellui suppliant leur respondist qu’il venoit de l’eschevinaige. Et adonc iceulx deux clercs lui dirent que maistre Jehan Genoillac avoit dit que on se donnast garde de lui, mais que, s’il vouloit, qu’il n’en parleroit pas pour neant, en lui demandant s’il avoit point de coffre en sa maison, fermant à clef. Ausquelx icellui suppliant respondy qu’il n’en avoit point, qui ne lui feist besoing ; mais avoit une pippe qui fermoit à clef. Et lors lesdis deux clercs demandèrent de rechief audit suppliant s’il les encuseroit point de chose qu’ilz lui deissent. Lequel leur respondit que non. Et alors lui dirent qu’ilz lui livreroient quatre balles de poyvre qu’il emporteroit en sa maison, et qu’il venist le landemain bien matin, et qu’il n’y faillist [p. 205] point, comment qu’il fust ; et lui baillèrent cent solz et ung quarteron de pouldre fine. Et tantost après son partement, l’un desdis clercs cedit jour ala en l’ostel dudit suppliant visiter la pippe dont ilz avoient parlé ; laquelle leur sembla bonne pour ce qu’ilz en avoient à besoingner. Et ce fait, ledit suppliant, desplaisant des parolles que lesdis clercs lui avoient dictes que ledit Genoillac avoit dictes de lui, en le chargant de son honneur, tempté de l’ennemy, se consenty et accorda aux choses dont iceulx clercs lui avoient parlé, et s’en party, pensant ausdictes parolles. Et le landemain à matin, qui fut jour de mercredi, ledit suppliant s’en vint en l’ostel dudit Genoillac, auquel il trouva lesdis deux clercs en la boutique, lesquelz le firent entrer en icelle. Et quant il y fut, le chargèrent d’une balle de poyvre, en lui disant qu’il retournast le landemain et qu’il en auroit une autre et en auroit jusques à quatre balles, qui font deux charges ; laquelle balle ledit suppliant emporta et une pièce de boucassin et unes bouges2, qu’il print oudit hostel. Et ce mesme jour, l’un d’iceulx clercs porta en ladicte pippe plusieurs marchandises de toutes sortes. Lesquelles balle et marchandises et autres choses ainsi prinses en l’ostel dudit Genoillac, et emportées et mises en l’ostel dudit suppliant, y ont esté trouvées, prinses et emportées par le prevost de ladicte ville de Poictiers, et toutes rendues et restituées audit Genoillac, reservé une pièce de fustaine et une goume3 d’aguilles, qui autres fois et paravant ce fait, avoient esté baillées par ung nommé François Colin, clerc, audit suppliant, dont il a composé et accordé audit Genoillac. Pour occasion desquelles choses, ledit suppliant doubte que justice ne le vueille ores ou pour le temps avenir contre lui rigoureusement proceder, [p. 206] par pugnicion corporelle ou autrement, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, si comme il dit, humblement requerant que, attendu que les choses dessus dictes ou la pluspart ont esté rendues et restituées audit Genoillac, et que en tous autres cas il a esté tousjours de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sans jamais avoir esté actaint d’aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, nous lui vueillons sur ce impartir nos dites grace et misericorde. Pour ce est il que nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, à icellui suppliant, ou cas dessus dit, avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou mois de fevrier l’an de grace mil cccc. cinquante, et de nostre règne le xxixe.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Rolant. — Visa. Contentor. Chaligaut.


1 Ce nom, que l’on trouve le plus souvent sous la forme Janoilhac, était celui d’une notable famille bourgeoise de Poitiers, dont plusieurs membres furent honorés de charges municipales. Jean Genoillac avait épousé Marie de Vauconcourt, fille de Guillaume de Vauconcourt, échevin de Poitiers, mort en 1444, et de Jeanne Galland. Sentence de la sénéchaussée de Poitou rendue contre celle-ci, Guillot, son frère, et Guillaume Boylesve, au profit des chapelains de Saint-Hilaire-le-Grand, touchant une rente de 45 sous. (Arch. de la Vienne, G. 1064.)

2 « Boucassin » étoffe de coton ou de lin ; « bouges », sac de cuir, valise.

3 « Goume » aliàs « gomme », ballot. (Voir F. Godefroy, Dict. de l’anc. langue franc., v° Gomme.)