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MCCXIV

Rémission en faveur de Barnabé de La Fossadière, détenu dans les prisons du Bourg-Archambault pour un meurtre commis, dix ou douze ans auparavant, sur un de ses voisins, nommé Jean de Bonneuil, qui ruinait son père en procès.

  • B AN JJ. 185, n° 244, fol. 174 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 249-251
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Bernabé de La Fossadière, povre homme de labour, chargié de femme et d’enfans, contenant que, dix ou douze ans a ou environ, certain procès estoit meu en la justice du Bourg aux Chambaux, entre Jehan de Bonneul, demandeur, d’une part, et Pasquet de la Fossadière, père dudit suppliant, defendeur, d’autre, à l’occasion du quel procès se meu grant hayne entre le père d’icellui suppliant et ledit de Bonneul, et tellement que ledit Pasquet dist par pluseurs foiz audit suppliant, son filz, qui lors estoit jeune de vint et deux à vint et trois ans, que icellui de Bonneul le molestoit et tenoit en procès sans cause, et jà lui avoit tenu par l’espace de six ou sept ans et lui fait despendre tout le sien, en lui requerant que il lui donnast provision. Lequel suppliant, veant que ledit de Bonneul ne se vouloit deporter de molester sondit père, et en voulant complaire à icellui son père, ung certain jour, icellui suppliant estant au labour en une pièce de terre, et ledit de Bonneul labouroit en une autre près d’ilec, vint à memoire audit suppliant ce que son père lui avoit dit, et delaissa sondit labourage et s’en ala vers ledit Bonneul. Et quant il fut près de lui, print en son chemin ung baston de couldre en sa main, dont icellui suppliant le frappa dudit baston parmy les jambes deux ou trois cops, tellement [p. 250] que ledit de Bonneul de l’un des diz cops, et croit que ce fut du premier, il chey à terre. Et lors ledit suppliant le laissa et s’en retourna labourer ainsi qu’il faisoit paravant, et devers le soir s’en retourna à l’ostel de sondit père. Mais icellui de Bonneul ne parti de toute la nuit et jusques au matin que on le ala querir en une charète du champ où il avoit esté batu, et cinq ou six jours après, par faulte de bon gouvernement ou autrement, ala de vie à trespassement. A l’occasion duquel cas ainsi avenu que dit est, ledit suppliant fut prins prisonnier et mis ès prisons dudit lieu de Bourg aux Chambaux, où il demoura deux mois ou environ, et après qu’il fut en fers par les piez et par les mains et en prison basse, trouva moyen et façon de s’en saillir et se transporta en l’eglise dudit lieu, et print les cordes des cloches d’icelle eglise et se descendi aux fossez de la forteresse, et d’ilec s’en ala à Poictiers, où il a demouré cinq ou six ans, et depuis s’est transporté de lieu en autre jusques puis pou de temps ença que, en revenant de Romme, où il estoit alé principalement pour soy confesser dudit cas, il s’est retourné en son hostel, ouquel il a esté de rechief prins et mis ès prisons dudit lieu de Bourg aux Chambaux, à l’occasion dudit cas, où il est à present detenu prisonnier à grant misère et povreté, et èsquelles il est en voye de miserablement finer ses jours, se nostre grace et misericorde ne lui sont sur ce imparties. Et pour ce nous a humblement fait supplier et requerir que, attendu que quant il baty ledit feu Bonneul il estoit jeune et aussi ne le cuidoit il pas tuer, car il ne le bati que par les jambes, dont il ne devoit point mourir, et est vraysemblable que, s’il eust esté bien gouverné, il ne fut point mort, que en tous autres cas il s’est bien et doulcement gouverné, sans avoir esté actaint d’aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, le long temps que a que ledit cas avint, nous lui vueillons nos dictes grace et misericorde impartir. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans [p. 251] misericorde estre preferée à rigueur de justice, audit suppliant ou cas dessus dit avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Saint Maixent, ou mois de novembre l’an de grace mil cccc. cinquante et ung, et de nostre règne le xxxme.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Daniel. — Visa. Contentor. Chaligaut.