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MCLXXX

Rémission en faveur de Simon Pingreau, de Pozay-le-Vieux, prisonnier à la Roche-Pozay, comme complice d’un homicide commis par Mathurin et Gilles Bournigalle avec lesquels il se rendait au siège de Fougères, quand ils furent attaqués à Ligueil par une troupe armée.

  • B AN JJ. 179, n° 327, fol. 186 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 143-146
D'après a.

Charles, etc. Savoir, etc. nous avoir receue l’umble supplicacion des parens et amis charnelz de Symon Pingreau, povre homme, laboureur, parroissien de Pozay le Vieil, en la terre de la Roche de Pozay, chargié de jeune femme et de cinq petiz enfans, à present detenu ès prisons de la Roche dudit Pozay, contenant comme ledit Symon nous a par longtemps bien, vaillamment et loyaument, au mieulx qu’il a peu, servy en noz guerres contre noz adversaires, tant à Pontoise1 que à Tartas, en Almaigne que ailleurs en plusieurs lieux, et que puis quatre ans ença ung gentilhomme nommé Mery (sic) est alé de vie à trespassement, delaissiez deux ses filz, l’un nommé Mathelin Robin et l’autre Gilet Robin, ditz les Bournigalles, qui aussi nous ont par longtemps bien et vaillamment servy en nos dictes guerres et obey à noz mandemens des nobles, quant les avons faiz ; lesquelz Mathelin et Gilet les Bournigalles sont cheuz et encouruz en grant povreté, [p. 144] tant à cause des fraiz et despenses qu’ilz ont faictes en nostre dit service que autrement, et telement que par povreté ilz ont esté astrains de vendre leurs heritages et d’eulx absenter du païs de Touraine, et eulx en aler demourer ou païs de Brie. Et combien qu’ilz se feussent ainsi esloingniez de nostre dit païs de Touraine et eulx en alez demourer oudit païs de Brie, et en icellui mené leurs femmes, enfans et biens meubles, toutesvoies ilz ont souvent frequenté et repairé en nostre dit païs de Touraine et se sont fort acointiez dudit Symon Pingreau, à cause de ce qu’il est parent et lignagier de leurs dictes femmes et enfans. Et pour ce qu’ilz estoient de mauvaise fame et renommée, et que ledit Symon repairoit ainsi avecques eulx, icelui a esté puis deux ans ença pris et emprisonné audit lieu de la Roche de Pozay et semblablement ès prisons de Plainmartin. Et pour ce qu’il a esté trouvé innocent et non coulpable de ce dont on accusoit lui et lesdiz Bornigalles, il a esté mis hors et delivré des dictes prisons à son honneur. Et toutesvoies, à cause desdiz emprisonnemens, il a despendu ses biens et chevance, telement qu’il lui a convenu vendre ses beufz et autres ses biens ; et à ceste cause sont cheuz aussi sesdiz femmes et enfans en grant povreté et neccessité, et comme en mendicité. Et depuis qu’il a esté ainsi mis hors et delivré desdictes prisons, est avenu qu’il s’est trouvé puis Pasques ença avecques lesdiz Mathelin et Gilet, ditz les Bournigalles, près Villedieu, lesquelz lui dirent qu’ilz avoient oy dire que le siège devoit estre mis devant Fougières2, et qu’ilz avoient entencion de y aller, et que, [p. 145] s’il vouloit aler avecques eulx, ilz y pourroient beaucoup gaignier. A quoy le dit Simon respondi qu’il n’y iroit point et qu’il avoit promis que jamais ne iroit en leur compaignie, pour ce que, pour suir leur dicte compaignie, il avoit jà esté trop endommagié. Et neantmoins le ennortèrent telement par belles parolles et promesses que il consenti et leur accorda qu’il iroit avecques eulx. Et tantost après partirent eulx trois ensemble et prindrent leur chemin tirant ou païs de Bretaigne. Et en exploictant leur dit chemin, ou mois de may derrenierement passé, se trouvèrent ou païs de Touraine, en la terre de Ligueil, en laquelle arrivèrent sur eulx dix compaignons armez et embastonnez, qui leur vouldrent courir sus ; ausquelz dix compaignons, ainsi armez et embastonnez, ledit Symon et lesdiz Mathelin et Gilet ditz les Bournigalles prièrent qu’ilz ne leur voulsissent faire aucun destourbier ne empeschement en leur dit chemin, et qu’ilz aloient eulx emploier ou fait de la guerre contre les Anglois devant Fougières. Et en ce disant, survindrent trois autres compaignons armez et embastonnez ; lesquelz dix et trois compaignons ainsi armez et embastonnez assillèrent lesdiz Symon, Mathelin et Gilet, ditz les Bournigalles, et leur coururent sustant de leurs diz bastons et armes que de pierres, telement que ledit Mathelin Robin, dit Bournigalle, qui avoit une espée en sa main cheist à terre ; et quant ledit Gilet, son frère, qui aussi avoit une espée, le vist, il dist à ung qui le tenoit qu’il le laissast ou qu’il le tueroit. Et pour ce qu’il n’en voult riens faire, ledit Gilet le tua d’un coup qu’il lui bailla de sa dicte espée sur la teste. Et tantost lesdiz autres compaignons, qui estoient douze, vindrent [p. 146] tous fraper sur ledit Gilet telement qu’ilz le tuèrent incontinent, et prindrent ledit Mathelin qui estoit très fort blecié et le menèrent ès prisons dudit lieu de Ligueil ; et ledit Symon se deffendi telement qu’il escheva le dangier d’eulx et s’en alla en son hostel audit lieu de Pozay. Et tantost après furent audit lieu de Pozay les nouvelles dudit conflict et dudit meurdre qui avoit esté fait, et ce venu à la congnoissance des officiers de la justice dudit lieu, iceulx le prinrent et mirent ès dictes prisons où il est encores de present detenu en grant povreté et misère. Et combien qu’il n’ait fait en sa personne ledit meurdre, qu’il n’en soit cause principal et que lesdiz treize compaignons aient esté premiers aggresseurs et qu’ilz aient couru sus ausdiz Symon, Mathelin et Gilet, sans ce qu’ilz leur mesfeissent ne demandassent riens, et que ce que iceulx Symon, Mathelin et Gilet ont fait ait esté en leurs corps defendant contre lesdiz treize compaignons, toutesvoies ledit Symon et ses diz parens et amis supplians, doubtent rigueur de justice et que on vueille rigoreusement proceder à l’encontre de la personne dudit suppliant et de ses biens, et que par ce s’en ensuive sa desercion totale, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce prealablement impartiz, si comme dient lesdiz supplians, humblement requerans iceulx. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, en faveur mesmement et recongnoissance des bons et agreables services que ledit Symon nous a faiz le temps passé en noz guerres, et pour pitié de sa dicte femme et enfans, à icellui Symon Pingreau avons quicté, remis et pardonné. Si donnons en mandement au bailli de Touraine et des ressors et Exempcions d’Anjou et du Maine, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Chinon, ou moys de juing l’an de grace mil cccc. quarante neuf, et de nostre règne le xxviie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Machet. — Visa. Contentor. E. Froment.


1 Sans doute au siège de Pontoise, commencé en juin 1441 ; il dura près de quatre mois et se termina, le 19 septembre, par l’assaut de la place et la défaite complète des Anglais.

2 François de Surienne, dit l’Aragonais, capitaine alors au service du roi d’Angleterre, avait surpris traîtreusement Fougères, dans la nuit du 23 au 24 mars 1449, pillé la ville et infligé aux habitants les traitements les plus barbares. Il n’est donc point surprenant qu’à Pâques de cette année il fût question de mettre le siège devant cette place. L’opération toutefois n’eut lieu que six mois plus tard. La ville fut investie, le 5 octobre, par Pierre de Bretagne, qui fut bientôt secouru par le duc François, son frère, et par le connétable de Richemont. Les travaux d’approche furent menés rapidement, on ouvrit plusieurs brèches, et quand tout fut prêt pour l’assaut, Surienne demanda à capituler, ce qui lui fut accordé ; il rendit la ville au duc de Bretagne, le 5 novembre 1449, et il abandonna les Anglais pour se mettre au service de Charles VII. (E. Cosneau, Le Connétable de Richemont, p. 394, 402, 403.) Louis XI le créa bailli de Chartres, au mois d’octobre ou de novembre 1461. (Anc. mém. L de la Chambre des comptes, fol. 167, Arch. nat., invent. PP. 118.)