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MCLXXXI

Permission de parachever la fortification du prieuré de Vaux en la vicomté de Châtellerault, membre dépendant de l’abbaye de Saint-Denis en France.

  • B AN JJ. 179, n° 336, fol. 191
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 147-149
D'après a.

Charles, etc. Savoir, etc. nous avoir receu l’umble supplicacion de noz bien amez les religieux, prieur et convent du prieuré de Vaulx, de l’ordre de Saint Benoist, menbre deppendant de l’abbaye de monsieur Saint Denis en France, estant en la viconté de Chastelerault1, contenant que ledit prieuré fut anciennement fondé par noz predecesseurs roys de France bien et notablement, et y ont les diz supplians justice et juridiction haulte, moienne et basse, et plusieurs autres beaulx droiz et noblesses à eulx laissées et baillées par nosdiz predecesseurs, et bel et [p. 148] notable temporel. Et pour ce que, durant les guerres qui ont esté et duré le temps passé en nostre dit royaume, les gens de guerre qui tenoient les champs faisoient plusieurs grans maulx ausdiz supplians et à leurs hommes, iceulx supplians, voulans obvier à la destruction d’eulx et de ladicte eglise, commancèrent aucunement à fortiffier icelle leur eglise, et par le moyen de la dicte fortifficacion, qui encores n’est parfaicte, se sont preservez durant lesdictes guerres desdictes pilleries et maulx au mieulx qu’ilz ont peu. Mais pour ce qu’ilz n’ont point eu de nous de congié de faire ladicte fortifficacion, ilz doubtent que ou temps avenir on vueille [leur] imputer avoir mesprins envers nous et leur faire demolir ladicte fortifficacion et tendre à l’encontre d’eulx à aucunes amendes, et aussi que on les vueille contraindre à prendre et avoir capitaine en leur dit prieuré, sans leur gré et consentement, qui seroit en leur très grant prejudice et dommaige, comme ilz dient, requerans humblement que, attendu que leur dit prieuré est de fondacion royal, que ce qu’ilz y ont fait a esté pour la conservacion d’eulx, de leurs diz hommes et de leurs biens, et sans vouloir prejudicier à noz droiz, il nous plaise sur ce leur impartir nostre grace. Pour ce est il que nous, ces choses considerées et aussi en l’onneur de Dieu et de mondit sieur saint Denis, dont deppend ledit prieuré, auquel avons singulière devocion, et à ce que soyons participans ès prières, oraisons et biensfaiz en ladicte eglise, avons eu et avons agreable tout ce qui a esté fait en ladicte fortifficacion par lesdiz supplians de tout le temps passé jusques à present. Et de plus ample grace avons ausdiz supplians donné et octroyé, donnons et octroions de grace especial, pleine puissance et auctorité royal, par cesdictes presentes, congié et licence de parachever de fortiffier ledit prieuré de Vaulx de muraille, tours, creneaulx, machecoleiz, foussez, pont leveiz, boulevars et autres choses necessaires et convenables à ladicte [p. 149] fortifficacion ; pourveu toutesvoies que à ce se consente le seigneur feodal et que, se leurs diz hommes sont tenuz faire guet et garde autre part, ilz le y feront nonobstant ladicte fortifficacion. Et en oultre leur avons octroié et octroions, de nostre dicte grace, que eulx et leurs successeurs puissent mettre et ordonner capitaine en leur dit prieuré, tel qu’il leur plaira, à telz gages et prouffiz que bon leur semblera, pourveu que le capitaine sera tenu d’en avoir et prendre lettres de don et institucion de nous, et qu’il sera tenu d’en faire le serement ès mains de noz officiers, et autrement n’y sera receu. Si donnons en mandement par cesdictes presentes aux bailliz de Touraine et seneschal de Poictou, et à tous noz autres justiciers, ou à leurs lieuxtenans et à chascun d’eulx, si comme à lui appartendra, que lesdiz supplians et leurs successeurs oudit prieuré facent, seuffrent et laissent joir et user paisiblement de nostre presente grace, congié et octroy, sans leur faire ne souffrir estre fait aucun empeschement ou destourbier au contraire, tant pour ce qu’ilz ont fait en ladicte fortifficacion avant nos dictes lettres de grace, que autrement ; ainçois, se fait, mis ou donné leur estoit en aucune manière, si le mettent ou facent mettre sans delay au premier estat et deu. Et afin, etc. Donné aux Roches Tranchelion, ou mois de juing l’an de grace mil cccc. quarante et neuf, et de nostre règne le xxviie.

Ainsi signé : Par le roy en son conseil. J. de Laloère. — Visa. Contentor. E. Froment.


1 Le prieuré de Vaux ou Saint-Denis-en-Vaux, prioratus Sancti Dyonisii in Vallibus, resta dépendant de l’abbaye de Saint-Denis près Paris jusqu’en 1682 ; à cette époque il fut uni au séminaire d’Autun. Onze documents des xiiie et xive siècles, extraits du Cartulaire blanc de Saint-Denis, t. II, p. 432 (Arch. nat. LL. 1158), concernant ce prieuré, ont été publiés dans les Archives historiques du Poitou, t. VII, p. 346 et suiv. L’original des lettres patentes de Charles VII, de juin 1449, était conservé autrefois dans les archives de l’abbaye de Saint-Denis, ainsi qu’une confirmation du même roi, datée du 2 avril 1451 n.s., et l’entérinement de ces deux actes par arrêt du sénéchal de Poitou, du 5 mai 1451. (Inventaire des chartes de l’abbaye de Saint-Denis, rédigé en 1688, in-fol., t. IV, Arch. nat., LL. 1192, p. 778.) Le nom du prieur de Vaux, au milieu du xve siècle, est indiqué par un autre document mentionné en ces termes dans le même recueil : « Comptes de recettes et de dépenses de la fabrique de l’église paroissiale de Notre-Dame-de-Vaux (dont la cure était à la nomination dudit prieur), depuis le 5 janvier 1451 jusqu’au jour saint Simon et saint Jude 1455, rendus par devant frère Jehan Huot, prieur du prieuré de Saint-Denis en Vaux, assisté de Me Jehan Tautin, prêtre et vice-gérant de la cour ecclésiastique dudit prieuré, par luy commis, signés au dos d’iceux par ledit Tautin, le 28e octobre. » (Id., p. 803.) Il est nommé par M. l’abbé Lalanne, sans doute par erreur, « Jean Hénot ». C’est à l’occasion d’un procès que lui avait intenté Charles d’Anjou, comte du Maine, vicomte de Châtellerault, procès qui se termina par une sentence arbitrale, rendue à Poitiers, le 11 juin 1463, et donnant gain de cause à ce dernier. Le prieur de Vaux était condamné, entre autres choses, à faire démolir les fortifications élevées sans la permission du vicomte, et à supprimer les foires et marchés qu’il tenait audit lieu, malgré les défenses qui lui avaient été faites à plusieurs reprises. (Lalanne, Histoire de Châtellerault, 1859, in-8°, t. I, p. 294-297.)