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MCLX

Permission à Olivier Guillaume, étudiant en l’Université de Poitiers, de relever et de porter le nom de Lesparre qui était celui de ses ancêtres maternels.

  • B AN JJ. 179, n° 222, fol. 125
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 73-76
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receu l’umble supplicacion de nostre bien amé maistre Olivier Guillaume, bachellier en lois, estudient en l’Université [p. 74] de Poictiers, contenant que feuz Pierre, Bernard et Guillaume de Lesparre, frères, estoient en leur vivant chevaliers et furent, lxx. ans a ou environ, tuez par les Anglois, à la prise qu’ilz firent dès lors du chastel de Bouteville1 ou païs d’Angoumois, et ne demoura d’eulx aucuns hoirs, excepté dudit Pierre de Lesparre, duquel yssy ung nommé Geoffroy, et d’iceluy Geoffroy et de mariage descendy après une fille, nommée Valence, laquelle fut conjoincte par mariage avec Jehan Guillaume, clerc, bourgois de la Rochelle, desquelz et de mariage descendy ledit suppliant, et sont les diz Jehan Guillaume et Valence de Lesparre, ses père et mère, alez de vie à trespassement, delaissans icelui suppliant leur filz et heritier seul et pour le tout ; auquel par les degrez et moyens dessus declarez competent et appartiennent les biens demourez des decès desdiz chevaliers, et les tient et posside paisiblement. Et pour ce qu’il n’y a aucun hoir masle ne autre du nom et armes de Lesparre2, ledit suppliant prendroit voulentiers lesdiz [p. 75] nom et armes et delaisseroit le surnom de Guillaume ; mais il ne l’oseroit faire, doubtant que ce lui tournast à reprouche ou blasme, comme il dit, humblement requerant nostre grace et provision. Pour ce est il que nous, ce consideré, audit suppliant avons ou dit cas donné et octroyé, donnons et octroyons, de grace especial par ces presentes, congié et licence de prendre et porter les nom et armes de Lesparre et de laissier ledit surnom de Guillaume, et que doresenavant lui et les siens se puissent surnommer de Lesparre3, sans ce que ce leur tourne à dommaige, charge ou prejudice, ne que aucune chose leur en soit ou puist estre imputée ou demandée, ores ne ou temps avenir, en quelque manière que ce soit, pourveu toutes voyes qu’il n’y ait autre, en nostre obeissance, heritier ou successeur des diz frères. Si donnons en mandement par ces dictes presentes aux seneschal de Xanctonge et gouverneur de la Rochelle et à tous noz autres justiciers, ou à leurs lieuxtenans, presens et avenir, et à chascun d’eulx, si comme à lui appartendra, que ledit suppliant et les siens facent, seuffrent et laissent joir et user paisiblement de noz presens grace et octroy, sans leur faire ne souffrir estre fait aucun empeschement ou destourbier au contraire, ainçois se fait, mis ou donné leur estoit ou temps avenir, le mettent ou facent mettre tantost [p. 76] et sans delay au premier estat et deu. Et afin, etc., nous avons, etc. Sauf, etc. Donné aux Montilz lez Tours, ou mois de may l’an de grace mil cccc. xlviii, et de nostre règne le xxvie.

Ainsi signé : Par le roy, vous, l’evesque de Maillezays4, le sire de Pressigny et autres presens. De La Loere. — Visa. Contentor. E. Froment.


1 « lxx ans ou environ », c’est-à-dire vers l’année 1378. On sait qu’à cette date Bouteville était au pouvoir des Anglais. Eliot de Plassac, qui y commandait une garnison anglo-gasconne forte de cent vingt lances, faisait souvent des courses aux environs et dévastait tout le pays entre Saint-Jean-d’Angély et la Rochelle. Les seigneurs de Thors, de Pouzauges, Jacques de Surgères, Perceval de Cologne et autres seigneurs de Poitou et de Saintonge, résolus de mettre fin à ces pillages, attirèrent les Anglais devant la Rochelle par un stratagème et firent contre eux une sortie, à la tête de deux cents lances. La lutte fut sérieuse et donna lieu à une mêlée sanglante. Eliot de Plassac, complètement battu, fut fait prisonnier et peu des siens parvinrent à se sauver. A la suite de ce combat, Bouteville tomba au pouvoir des Français. Cet événement eut lieu en 1379, d’après Froissart. (Edit. S. Luce et Raynaud, t. IX, p. 122-124.) Bouteville ne tarda pas d’ailleurs à être occupée de nouveau par les Anglais. (Cf. notre t. V, Arch. hist. du Poitou, XXI, p. 254, note 2.) Ce fut peut-être lors de cette reprise que les trois frères de Lesparre trouvèrent la mort. On n’a point trouvé d’autres renseignements sur ces personnages restés fidèles à la cause française, alors que le chef de leur famille était au service de l’Angleterre en Guyenne.

2 Florimond, sire de Lesparre (cf. notre t. IV, Arch. hist. du Poitou, XIX, p. 389), le dernier « des nom et armes », était mort à Bordeaux, vers 1395, sans héritier direct. Son successeur à la baronnie de Lesparre fut Bermond-Arnaud de Preyssac, soudan de Latrau, dont la fille unique, Isabelle, fut mariée en 1408 à Bertrand, baron de Montferrand, sénéchal de Guyenne pour les Anglais. Leur fils, Pierre de Montferrand, héritier de la seigneurie de Lesparre et du soudanat de Latrau, fut aussi sénéchal de Guyenne. Il fut décapité à Poitiers, l’an 1454, lors de la seconde conquête de Bordeaux, parce que, ayant prêté serment à Charles VII après la première soumission de la Guyenne à la France, il avait repris les armes pour le roi d’Angleterre. Confisquée alors définitivement, la baronnie de Lesparre, mouvant du duché de Guyenne, fut donnée par Charles VII d’abord à Prégent de Coëtivy (lettres datées de Jumièges, janvier 1450 n.s., JJ. 180, n° 19, fol. 8), puis à Arnaud-Amanieu d’Albret, seigneur d’Orval, qui en fit hommage au roi dès le 1er décembre 1453. (Arch. nat., P. 5661, cote iiM viiic xxxii.)

3 Un François de Lesparre, écuyer, sans doute fils d’Olivier-Guillaume, était en 1471 premier panetier du duc de Guyenne, frère de Louis XI. Voy. quittance pour ses gages du mois de septembre, délivrée par lui à Jean Gaudète, trésorier des guerres, le 30 septembre 1471. (Bibl. nat., ms. fr. 28179, Pièces orig. 1695.)

4 Thibaut de Lucé aurait été évêque de Maillezais de 1438 à 1453 environ, suivant la Gallia christiana, qui ne donne sur ce personnage que des renseignements très vagues. (Tome II, col. 1373.) Dans un acte du 6 janvier 1425, il est qualifié secrétaire du roi. M. de Beaucourt, parlant des membres influents du grand conseil de Charles VII, dit que Guillaume de Lucé, évêque de Maillezais, disparut de la scène en août 1436 et qu’il fut remplacé par son frère Thibaut, « qui lui succéda également sur son siège épiscopal ». A partir de décembre 1440, Thibaut de Lucé remplit, avec Tanguy du Chastel, les fonctions de général des finances en Languedoc. En janvier 1446, il présida à Meaux une assemblée des députés de plusieurs bonnes villes situées au nord de la Seine et de l’Oise, et fut chargé, par lettres du 27 août 1448, avec Bertrand de Beauvau et le sire de Gaucourt, de conclure avec les ambassadeurs du duc Sigismond d’Autriche un traité d’alliance perpétuelle. Au mois de février 1450, Charles VII donna mission à l’évêque de Maillezais d’aller faire connaître au dauphin, retiré à Grenoble, ses intentions touchant le mariage de ce prince avec Charlotte de Savoie. Enfin le nom de Thibaut de Lucé figure encore parmi les membres du grand conseil, au bas de l’ordonnance relative à la réorganisation du Parlement, rendue aux Montils-lès-Tours, avril 1454. (Hist. de Charles VII, t. II, p. 80 ; III, p. 424, 465 ; IV, p. 369, 418 ; V, p. 139 ; VI, p. 26.) Citons encore un acte inédit concernant le même personnage. Par acte daté du 11 mars 1439 n.s., Jacques de Chabannes, sénéchal de Toulouse, reconnaît avoir reçu de mons. l’évêque de Maillezais, conseiller du roi, trois scellés que Charles VII a ordonné de lui bailler, touchant le château de Domme, le premier du bâtard « de Pellevesin », promettant de garder bien et loyalement ledit château et de le rendre au roi à toute réquisition, les deux autres du sieur de Laigle et du « sieur de Pellevesin », père dudit bâtard, qui se portent garants de l’exécution de ladite promesse. (Arch. nat., J. 400, n° 75.)