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MCCXVII

Rémission octroyée à Jean Vignault, écuyer de la compagnie de Jean de Lezay, sr des Marais, coupable du meurtre d’un charretier qui l’avait outragé et frappé, parce qu’il lui reprochait d’avoir brutalisé un jeune page.

  • B AN JJ. 185, n° 257, fol. 182
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 259-262
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehan Vignault1, escuier, contenant que, comme ledit suppliant se soit employé en nostre service ou fait de la guerre et mesmement au recouvrement de nostre pays et duchié de Guienne, en la compaignie de nostre très chier et amé cousin le conte [p. 260] d’Angoulesme2, ouquel voiage il nous a servi comme archier soubz la lance de nostre amé et feal Jehan de Lezay, chevalier, seigneur des Maroys3, durant lequel temps et lui estant en nostre dit service, le mercredi avant les Rogacions derrenierement passées, icellui suppliant, estant en la ville de Liborne, vit ung jeune page à cheval qui demouroit avec nostre amé et feal Pierre Maintrole4, chevalier, lequel cheval rua contre les chevaulx d’un charretier [p. 261] qui estoit en la rue, et à ceste cause icellui charretier, sans ce que ledit cheval dudit page eust frappé les chevaulx dudit charretier, frappa ledit page d’un fouet et de la verge d’icellui par le visage, tellement qu’il le fist seigner. Et lors ledit suppliant, qui cognoissoit ledit page, dist audit charretier qu’il estoit meschant homme de frapper ainsi ledit page, qui estoit jeune enfant de treze à xiiii. ans, veu que son cheval n’avoit aucunement blecié les siens. Et adonc ung autre charretier dont il ne scet le nom, entreprinst les parolles et dist à icellui suppliant qu’il ne demouroit point pour lui et qu’il luy en feroit autant, se mestier estoit, ou parolles semblables, en disant lesquelles parolles, icellui charretier frappa icellui suppliant du poing et d’un baston qu’il tenoist en sa main parmy la teste, tellement qu’il le cuida tumber à terre. Et pour ce ledit suppliant, esmeu et eschauffé à l’occasion dudit coup et des parolles que lui avoit dictes ledit charretier, tira sa dague et d’icelle frappa icellui charretier ung cop par la poitrine, et incontinent ou tantost après il ala de vie à trespassement. A l’occasion du quel cop ainsi avenu que dit est, ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du pays et n’y oseroit jamais retourner, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties. Et pour ce nous a humblement fait supplier et requerir que, attendu ce que dit est, que il fut esmeu de parler audit charretier qui avoit frappé ledit page, parce qu’il le cognoissoit, et aussi ledit Maintrolle, son maistre, et estoient icellui Maintrolle et ledit de Lezey, soubz lequel estoit archier ledit suppliant, parens et affins, que l’autre charretier qui entreprint lesdictes parolles et ledit suppliant frappa fut agresseur et frappa le premier icellui suppliant, par quoy il fut eschauffé et esmeu de le frapper de ladicte dague, qu’il n’avoit aucune inimitié à icellui charretier et est la chose advenue de chaude cole, que ledit suppliant s’est employé en nostre service et s’est [p. 262] tousjours bien et doulcement gouverné, sans avoir fait ou commis ne esté actaint d’aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, il nous plaise nos dictes grace et misericorde luy impartir. Pour quoy nous, les choses dessus dictes considerées, voulans misericorde estre preferée à rigueur de justice, audit suppliant ou cas dessus dit avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Poictiers, ou mois de decembre l’an de grace mil cccc. cinquante et ung, et de nostre règne le xxxe.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Daniel. — Visa. Contentor. Chaligaut.


1 On trouve au xve siècle une famille Vignault établie dans la Gâtine, qui a donné son nom au lieu de la Vignauderie, commune de Vautebis. Ce domaine était possédé en 1452 par Robin Vignaut (Archives de la Barre II, p. 165). Le 15 décembre 1415, Jean Vignault, valet, rendit aveu, à cause de sa femme, Jeanne Jourdain, d’un fief vulgairement appelé le Champ du Tertre et autres terres en dépendant, tenus à hommage lige du château de Parthenay, ledit acte passé sous le sceau aux contrats des seigneuries de Faye et Aubigny, appartenant à Renaud de Vivonne. (Arch. nat., R1* 190, fol. 218 v°, 280 v°.)

2 Jean, dit le Bon, comte d’Angoulême, né le 26 juin 1404, mort le 30 août 1467, second fils de Louis Ier, duc d’Orléans, et de Valentine de Milan.

3 Jean III de Lezay, chevalier, sr des Marais, fils de Jean II et de Louise des Granges. En juin 1434, il était sous la tutelle de sa mère, avec Jacques son frère aîné, décédé peu après, Héliot son cadet, et Marie sa sœur, et en 1442 sous la garde d’Hélie Du Bois, second mari de Louise des Granges. Il rendit hommage pour sa terre des Marais aux évêques de Poitiers, le 2 février 1457, le 13 juillet 1462, le 29 janvier 1479 et le 8 mai 1482. Louis XI le retint en qualité de son chambellan, par lettres données au Mans, le 20 janvier 1468 n.s., et un acte du même jour lui donna entrée au Conseil d’État (orig., Arch. nat., T. 110). Le même carton contient, en outre, un grand nombre d’aveux et dénombrements, actes de foi et hommage, contrats de vente, d’échange, etc., par lui baillés ou reçus, tant depuis sa majorité que pendant sa tutelle. Jean de Lezay fit son testament au château des Marais, le 1er juillet 1481. Il avait épousé Catherine du Retail, dont il eut deux fils, Jean IV et Marc, et trois filles.

4 Cette famille noble était établie aux xive et xve siècles dans la région de Saint-Maixent, aux environs de Niort et de Chizé. Pierre, fils de Jean Maintrole, chevalier, et de Marie Claveau, possédait des maisons à Saint-Maixent, pour lesquelles il devait hommage à l’abbaye. (Acte du 1er août 1443, Arch. hist. du Poitou, t. XVIII, p. 151, note.) Son aïeul, nommé aussi Jean, écuyer, avait épousé Jeanne de Torsay ; il rendit aveu de son fief de la Coussaye, mouvant du château de Saint-Maixent, le 5 novembre 1408 (Arch. nat., R1* 217, p. 958), et le 10 mai 1419 (P. 1145, fol. 113 v°). Il était aussi seigneur de Salles et de la Maintrolière, dans la même mouvance (actes des 7 novembre et 7 décembre 1418, P. 1144, fol. 36 et 43 v°). De Jean II, père de Pierre, on possède des hommages du 10 mars 1438 n.s., pour son hôtel de Genouillé, tenu du château de Chizé, et pour ses hébergements de la Métairie, de la Maintrolière, de la Prévôté, etc., mouvant de Saint-Maixent. (P. 5531, nos 386, 393.) Le 18 juin 1436, il conclut, au nom de sa femme, Marie Claveau, un accord avec l’abbé et le couvent de Saint-Liguaire, près Niort, au sujet d’un fossé ou canal, sis près du moulin de la Roussille, tenant d’une part au bois du Cloudis, d’autre à la rivière appelée la Roussille et par devant au grand cours ancien de la Sèvre. Ce fossé, que les religieux prétendaient avoir le droit de tenir ouvert et d’y faire passer des petits bateaux, nuisait à ses moulins de la Tiffardière. L’abbé de Saint-Liguaire consentit à ce qu’il fût désormais fermé. Cet accord fut entériné au Parlement, le 6 octobre suivant. (Arch. nat., X1c 152, n° 58.)