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MCLXXXIV

Rémission en faveur de Lucas Pinaudeau et ses trois fils, et Jean Pinaudeau, son cousin, demeurant à la Pêcherie, paroisse de Vouzailles, qui avaient en se défendant frappé mortellement Jean Catherineau, d’Ayron.

  • B AN JJ. 184, n° 21, fol. 13
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 155-157
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et advenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Lucas Pinaudeau, l’aisné, Pierre et Jehan Pinaudeaux et Thevenon Pinaudeau1, filz dudit Lucas, et Jehan Pinaudeau, cousin et varlet dudit Lucas, et ses enffans, demourans à la Pescherie, en la paroisse de Vousailles, en la chastellerie de Myrebeau, contenant que, le xxve jour de juillet derrenier passé, eulx estans ensemble, excepté ledit Thevenon, en ung champ de terre près [p. 156] dudit Vouzailles, où ilz cueilloyent du froment, disans les ungs aux autres qu’ilz voient en ung autre champ ou pièce de terre près dudit Vouzailles, qui est auprès d’une croix nommée la Croix du Pré de Fourches, entre ledit Vouzailles et Mailhé, plusieurs personnes qui lioient de l’avoine, qui là estoit toute cueillye, et doubtant par ledit Lucas le père que entre lesdites personnes feust ung nommé Jehan Katherineau, de la paroisse d’Airon en la conté de Poitou, duquel il tenoit ladicte pièce de terre près de ladicte croix, et qu’il voulsist emmener ladicte avoine, dist à ses diz enffans et audit son cousin et varlet telz paroles : « Sus, enffans, alez querir voz bastons et yrons veoir que c’est. » Lesquelz Pierre et Jehan Pinaudeaux avec ledit varlet, supplians, se transportèrent à leur hostel et prindrent aucuns bastons qu’ilz trouvèrent, et signiffièrent ce que dit est audit Thevenon, qu’ilz trouvèrent oudit hostel, et s’en retournèrent par devers ledit Lucas, le père, et eulx estans tous cinq ensemble, s’en vindrent jusques audit champ ou pièce de terre, où ilz trouvèrent ledit Katherineau, lui cinquiesme, garniz de deux fourches de fer ; et incontinent qu’ilz furent arrivez, ledit Lucas dist audit Katherineau : « Alez vous ent d’icy, car certes vous ne admenerez pas ceste advoine ! » Et en ce faisant, ledit Thevenon prinst son cousteau et commença à coupper les liens d’aucuns gerbes qui estoient oudit champ. Et lors ledit Katherineau print une pierre qu’il trouva illec et gecta tant qu’il pot contre ledit Lucas et le frappa en la teste, tellement qu’il le fist cheoir à terre, et non content, print deux autres pierres l’une après l’autre et les gecta de sa puissance audit Thevenon, de l’une desquelles pierres il le frappa sur l’oreille, et de l’autre le frappa parmi la teste, tant qu’il feust blecié et cheut. Et lors lesdiz Pinaudeaux et leur varlet, supplians, excepté ledit Pierre, veans ledit Lucas, leur père, et eulx ainsi assailliz et bleciez, commencèrent à frapper sur ledit Katherineau, c’est assavoir lesdiz [p. 157] Lucas et Thevenon chacun du manche d’une fourche, ledit Jehan d’un baston crossé et ledit varlet d’une guisarme qu’ilz avoient, aucuns cops tant en la teste comme sur le corps et teste dudit Katherineau ; lequel tantost après fut mené à Mailhé, en l’ostel d’aucuns ses parens et amis, où il demoura jusques au xiiie jour d’aoust ensuivant, que lors par son mauvais gouvernement il ala de vie à trespassement. Pour occasion duquel cas, lesdiz supplians se sont abscentez du païs, doubtant rigueur de justice, ouquel ne en nostre royaume ilz n’oseroient jamais retourner, à la grant desplaisance d’eulx, leurs parens et amis, se nostre grace et misericorde ne leur estoit sur ce impartie, en nous humblement requerans que, ce consideré et que ledit Katherineau fut le premier agresseur, en gectant lesdictes pierres sur ledit Lucas, etc., nous leur vueillons sur ce nos dictes graces, pitié et misericorde eslargir et impartir. Pour quoy nous, ces choses considerées, qui voulons misericorde preferer à rigueur de justice, ausdiz Lucas Pinaudeau, l’aisné, Thevenon, Pierre et Jehan Pinaudeaux, et Jehan Pinaudeau, leur varlet, et chascun d’eulx, avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement aux seneschal de Poictou et bailli de Touraine, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois de decembre l’an de grace mil cccc. quarante et neuf, et de nostre règne le xxviiime.

Ainsi signées : Par le conseil, Charlet. — Visa. Contentor. M. de La Teillaye.


1 Ils appartenaient à une famille notable, possessionnée dans cette région. Le champ de Saint-Nicolas, le pré de la Fontaine et le fief des Vigneaux, mouvant de Cherves, étaient tenus en 1446 par les héritiers de Jean Pinaudeau, le même, sans doute, qui tenait aussi en fief des rentes diverses dans la mouvance de la Roche-Boureau, en 1414, à cause de sa femme, Guillemette Poupard. (Cf. E. de Fouchier, la Baronnie de Mirebeau, p. 145 et 210.)