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MCCCCXI

Rémission octroyée à François Du Vilier, écuyer, d’Angliers, qui avait audit lieu frappé mortellement un braconnier nommé Etienne Saunier, dit Carbonneau, qui l’avait nargué.

  • B AN JJ. 194, n° 34, fol. 18 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 36-39
D'après a.

Loys, etc. Savoir faisons, etc., nous avoir receue l’umble supplicacion de Françoys Du Vilier, pauvre escuier du pays de Lodunoys, contenant que, le dimanche xiiiie jour de juillet derrenier passé, ainsi que ledit suppliant et Christofle de Chauvigny1 venoient de la messe de l’eglise Saint Martin d’Anglers oudit pays de Lodunoys, ilz se arretèrent devant le cymitère de ladicte parroisse et eulx [p. 37] estans illec, survint ung garson, varlet et serviteur d’un chausetier de Lodun, appellé Champion, lequel demanda de l’argent audit Christofle de Chauvigny, pour certaines denrées de son mestier ; lequel Christofle lui respondit qu’il ne lui devoit riens, mais qu’il pensoit que son père le lui devoit et que ce n’estoit pas lui, et oultre plus lui dist qu’il s’en alast disner à sa maison et puis qu’il parleroit à lui sur icelle matière. Sur lesquelles parolles, ledit suppliant dist audit garson qu’il s’en alast et qu’il n’estoit pas lors temps de demander argent, veu qu’il lui convenoit engager sa terre pour nous venir servir ou fait de nostre armée ; et lui dist oultre que, s’il estoit ung peu plus grant, qu’il lui bailleroit deux soufflez, en despit de son maistre qui l’avoit fait excommenier pour la somme de vii. solz vi. deniers tournois qu’il lui devoit. A quoy ledit garson respondit audit suppliant très mal gracieusement qu’il lui devoit encores de l’argent ; pour laquelle cause ledit suppliant suyvit pas à pas ledit garson, pour lui cuider bailler ung soufflet, mais il trouva en son chemin ung homme du lieu de Maulay, le nom duquel il ne scet, qui lui dist qu’il ne failloit pas ainsi batre les gens. A quoy ledit suppliant lui dist qu’il ne parloit pas à luy et de quoy il se mesloit, ou autres parolles semblables, et y eut plusieurs autres grandes parolles dictes entre eulx, entre lesquelles ledit suppliant l’envoya pisser ; et sur ce ledit homme lui dist que si feroit il, quant il en auroit besoing. Et à icelle heure, ledit suppliant bailla du plat de sa dague sur la joue dudit homme qui parloit à luy, et atant furent separez l’un de l’autre et leur noise apaisée et estanchée. Et pou après et sur l’eure, furent2 illecques ung nommé Estienne Saunier, dit Carbonneau, demourant audit lieu d’Anglers, homme de mauvaise vie et robeur de garennes à connilz, qui dist audit suppliant bien malicieusement [p. 38] pour quoy il batoit les gens. A quoy ledit suppliant lui respondit qu’il ne parloit pas à luy et qu’il se teust, ou qu’il lui bailleroit deux soufflez ; et sur lesdictes parolles ledit Estienne Saunier luy dist qu’il le frappast, et adonc ledit suppliant lui bailla de la main sur la joue. Et après une appellée Jehanne, femme de Jehan Olivier, print ledit suppliant et lui dist qu’il s’en allast d’illec et qu’il ne se deshonnorast point pour ung meschant homme ; dont ledit suppliant fut content et s’en ala d’une court où ilz estoient, et le conduisy par dessoubz le bras ung chappellain, nommé Jehan Perrotin. Et combien que ledit Estienne Saunier n’eust cause ou matière de suyvre ledit suppliant, neantmoins, quant ledit suppliant fut hors de ladicte court, icellui Saunier le commença à suyvre, en lui disant plusieurs parolles injurieuses ; à quoy ledit suppliant respondit qu’il s’en allast et qu’il ne lui demandoit riens. Et de fait ledit Saunier suivit ledit suppliant jusques auprès de la porte de Mery Duboys, dudit lieu d’Anglers, en disant audit suppliant qu’il lui vaulsist mieulx avoir esté endormy que de l’avoir frappé et autres parolles semblables. Et adonc ledit suppliant eschappa audit chappellain qui le tenoit par dessoubz le braz, et en disant : « Cest homme ne me cesse d’arguer », ledit suppliant bailla de sa dague audit Estienne Saunier sur la teste tant que le sang en saillit, et cheut à terre ; et illecques en la place ledit Estienne Saunier fut habillé, se leva tout par luy et s’en ala en sa maison, et a vescu depuis trois sepmaines ou environ. Pour occasion duquel cas, ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du païs et n’y oseroit, etc., se noz grace, etc., en nous humblement requerant que, attendu que ledit Saunier estoit homme noiseur et de mauvaise vie et fut agresseur de parolle et de fait, et que ledit suppliant est homme de bonne vie, renommée, etc., sans avoir jamais, etc., nous lui vueillions, etc. Pour quoy, etc., voulans, etc., audit suppliant avons ou [p. 39] cas dessus dit le fait et cas dessus declaré quicté, remis et pardonné, quictons, remettons et pardonnons, avec toute peine, etc., en quoy, etc. ; et l’avons restitué, etc., satisfaction faicte, etc. Et sur ce, etc. Si donnons en mandement, etc., au bailly de Touraine, des ressors, etc., ou à son lieutenant à Chinon, et à tous, etc., que de noz presens grace, quictance, remission et pardon ilz facent, etc., sans lui faire, etc., ainçois, etc. Et afin, etc. Sauf, etc. Donné à Paris, ou mois de septembre l’an de grace mil cccc.lxv, et de nostre règne le cinquiesme.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. — Visa. Contentor. J. d’Orchère.


1 Suivant MM. Beauchet-Filleau, ce Christophe de Chauvigny, écuyer, appartenait à l’illustre famille dont sont issus les barons de Châteauroux et fut seigneur d’Angliers, ainsi que ses descendants jusque vers la fin du xvie siècle. Il fit une vente à Jean Eschinart, clerc, par acte passé sous le sceau de Moncontour, le 3 mai 1465. Le 18 septembre 1466, il vendit une rente à Jean de Fontenay, seigneur de Saint-Cassien (Arch. de la Vienne, E2 128 et 234), et eut des procès avec Joachim de La Touche au sujet de domaines situés à Angliers, l’an 1500. Marié, vers 1460, à Catherine de Remefort, fille de Jean, écuyer, seigneur d’Oiron, et à Guillemette Gorrin, il en eut un fils, Jean, qui était encore mineur en 1484, et succéda à son père dans la seigneurie d’Angliers. (Notes de M. le comte de Maussabré, recueillies dans le Dict. des familles du Poitou, 2e édit., t. II, p. 357.)

2 Sic. Il faudrait lire plutôt : « survint ».