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MDXXXVI

Rémission accordée à François Thibaut, de Paizay-le-Tort, coupable du meurtre de Jean Claveau, qui lui avait cherché querelle et le menaçait d’un couteau.

  • B AN JJ. 195, n° 1037, fol. 238
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 429-431
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons, etc., nous avoir receu l’umble supplicacion de François Thibault, demourant à Paysay le Tort en la conté de Poictou, contenant que, le premier dimenche de la Passion derrenier passé, environ jour couchant, ledit suppliant, voulant soupper, se transporta en l’ostel de Michau Carteron, demourant audit Paysay et qui tient pain et vin à vendre, et pour ce qu’il y avoit autres gens qui souppoient, ledit suppliant appella le varlet dudit hostel et luy demanda se ceulx qui souppoient auroient tantost fait ; lequel luy respondit que non et qu’ilz ne faisoient que commencer, et atant ledit suppliant se departit en disant adieu. Et ainsi qu’il issoit hors de la court dudit hostel, pour soy en aler en sa maison, ung nommé Jehan Claveau, qui estoit l’un de ceulx qui souppoient oudit hostel et taverne, sourtit après luy et tout impetueusement dist audit varlet, qui n’estoit encores loing dudit suppliant, et luy demanda : « Qu’est ce que vous conseilliez et de quoy parliez vous ? » A quoy ledit suppliant qui estoit encores bien près fist response audit Claveau qu’ilz ne parloient de luy ne d’autre. Et lors ledit Claveau dist audit suppliant : « Vous ne faisiez voz fièvres quartaines », en appellant icelluy suppliant « villain boyteux et lourdault », et pour plus amplement le injurier, luy dist que [p. 430] les prebstres luy chevauchoient sa femme. Sur quoy ledit suppliant, saichant que ledit Claveau s’estoit ledit jour courroussé et prins debat avecques plusieurs autres, tant en l’ostel dudit Carteron que aussi en l’ostel d’un nommé Motin, qui tient aussi taverne, voulant eviter debat, dist audit Claveau gracieusement que pour Dieu il le laissast ester et qu’il n’avoit que besoigner avecques luy. Mais ce non obstant ledit Claveau, en reiterant lesdictes injures audit suppliant, luy dist que les prebstres chevauchoient sa femme, et luy dist d’abundant telles parolles : « Tu veulx venir soupper ceans et y admener le prebstre et menger des loches ; mais je mengeray aujourd’uy de tes fressures. » Et en ce disant, icelluy Claveau gecta contre ledit suppliant des piarres en s’efforçant de le vouloir fraper, et non content encores de ce, ainsi que ledit suppliant reculoit, le visaige devers ledit Claveau, ledit Claveau, en poursuyvant icelluy suppliant, luy dist que icelluy jour il mengeroit de ses tripes, et d’un petit cousteau qu’il avoit en sa main s’efforça de navrer ledit suppliant par la poictrine tellement qu’il luy perça sa robe. Lequel suppliant, voyant la malice dudit Claveau, tira ung baston d’un fagot qui estoit en la closture dudit Carteron, duquel baston, après ce toutesvoyes qu’il eust dit audit Claveau : « Pour Dieu, laisse moy ester ; je ne te demande riens », et qu’il vist que ledit Claveau le poursuivoit tousjours en jurant qu’il le tueroit avant qu’il dormist, et qu’il ne povoit resister, et aussi que l’eure estoit tarde, tellement qu’il ne povoit appercevoir le cousteau que ledit Claveau avoit en sa main, ledit suppliant en soy defendant, frapa dudit baston icelluy Claveau par deux foiz, l’un sur la teste et l’autre sur les jambes, tellement que ledit Claveau cheut à terre et perdit grant effusion de son sang par l’une des oreilles, tellement que, au moyen de ce et qu’il ne fut souffisemment pensé ou autrement, huit jours après il ala de vie à trespas. Pour occasion duquel [p. 431] cas, ledit suppliant dobte, etc., en nous humblement requerant, etc. Pour quoy nous, etc., à icelluy suppliant avons quicté, etc., les fait et cas dessus dit, avec toute peine, etc. Si donnons en mandement au seneschal de Poictou, etc. Donné à Paris, ou moys de may l’an de grace mil cccc. soixante et quatorze, et de nostre règne le xiiime.