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MCCCCXXXVIII

Rémission octroyée à Pierre Angot, écuyer, marié et établi au Bois-de-Céné, qui, réfugié, avec tous les autres sujets de la châtellenie, à la Garnache, et ayant été commis par Yves du Fou à diriger les travaux de réparation des murailles et fortifications de la place, [p. 101] avait frappé d’un épieu de chasse un nommé Colas Gahouart qui refusait de lui obéir et qui mourut des suites de ce coup.

  • B AN JJ. 200, n° 97, fol. 53 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 100-109
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de nostre bien amé Pierre Angot, escuier, contenant que dès son jeune aage il a tousjours suivy les guerres et esté de nostre ordonnance soubz la charge de nostre amé et feal chevalier, conseillier et chambellan Loys de Crussol, nostre seneschal de Poictou1, jusques à ce qu’il s’est marié avec une femme demourant en la parroisse de Boys de Cenné, en laquelle ledit supliant fait de fait sa continuelle residence, qui est en la chastellenie de la Gasnache ; ouquel lieu de la Ganasche2, qui est joignant du païs de Bretagne, ville et chasteau et l’une des belles et fortes places du bas païs de Poictou, laquelle est de bien grant garde et où tenoient de mil à douze cens combatans, où par temps de guerre les subgectz de ladicte chastellenie sont astrains et ont acoustumé eulx retirer et leurs biens. En ensuivant lesquelles choses, nostre amé et feal Loys de Rezay3, chevalier, cappitaine de ladicte place de la Ganasche, [p. 102] voiant les divisions presentes, les cources et entreprinses qui y ont esté faictes ès places et chastellenies voisines, aussi l’eminent peril qui pourroit avenir oudit [p. 103] païs par faulte de la garde d’icelle place de la Ganasche, commit à la garde d’icelle nostre amé et feal chevalier, conseillier et chambellan Yves du Fou4, par nous derrenierement [p. 104] commis à recevoir les monstres des nobles en nostre conté de Poictou. Par lequel fut fait commandement à tous les subgetz de nostre dite chastellenie de eulx [p. 105] retirer et leurs biens en ladicte place de la Ganasche, et mesmement audit suppliant. Lequel en obeissant audit commandement, se retira lui et ses biens, estant en bonne [p. 106]et suffisant habillement de guerre pour la garde et deffence de ladicte ville. Et pour ce qu’il estoit homme congnoissant en fait de guerre et que ladicte place estoit ruyneuse [p. 107] en une partie des murailles d’icelle, par quoy estoit neccessité de la reparer par taudeis de bois, clayes et autres choses, et faire par manière qu’on peust environner la [p. 108] muraille de jour et de nuyt, fut par ledit commis par ledit cappitaine nommé ledit supliant pour ordonner et faire faire ladicte reparacion et emparement par les subgetz de ladite chastellenie, qui de toute ancienneté sont tenus de reparer ladicte place, et fait commandement ausdiz subgetz de obeyr en ce audit supliant, auquel fut par ledit cappitaine, le jour saint Thomas xxie jour de decembre derrenier passé, donné puissance de les y contraindre. Et peu après, fist icellui supliant aporter par aucuns desdiz subgetz des clayes et autres boys pour ledit emparement, et fist porter partie d’iceulx sur la muraille ; pour ce que ceulx qui les avoient apportées estoient trop feibles pour les asseoir et mettre à point, ledit supliant descendit de dessus ladicte muraille pour trouver autres gens pour aider à faire ladicte reparacion et asseoir ledit taudeis, et assez près de la porte de ladicte ville, trouva l’un desdiz subgetz, nommé Colas Gahouart, qui estoit venu en ladicte ville pour aider à faire ladicte reparacion ; auquel il fit commandement de monter sur ladicte muraille, pour aider à asseoir ledit taudeis. Lequel Gahouart estoit homme de bras et haustère, habondant en rigoureux langaige, et lui fist responce en jurant le sang, la mort et la teste de Dieu, qu’il n’y entreroit point et qu’il n’en avoit que faire. Ce voiant ledit supliant et que ledit emparement requeroit scelerité, fist deffense au portié de non le laisser yssir jusques à ce qu’il eust aidé à faire ladite reparacion, ainsi que faisoient les autres subgetz. Lequel Gahouart, nonobstant ladicte deffense, s’efforça yssir hors ladicte ville, en jurant le sang et la teste de Dieu que, pour ledit supliant ne pour ledit portier il n’en feroit riens et s’en iroit oultre leur gré ; et ce fait, se prinst audit supliant et le rebouta bien rudement de sa voye ; et voiant par icelluy supliant la rebellion dudit Gahouart et les blaphèmes du non de Dieu qu’il faisoit, aussi l’eminent peril qui estoit par deffault de ladicte reparacion, s’avança de vouloir contraindre reaument et de [p. 109] fait ledit Gahouart à aider à faire ladicte reparacion, et en ce faisant d’un espieu de chasse que ledit supliant tenoit en sa main, cuidant [frapper] d’icellui ledit Gahouart sur les espaulles, de cas de fortune et d’avanture, ainsi que ledit Gahouart demarcha, le coup du plat dudit espieu luy cheut sur l’ouye senestre, duquel coup ledit Gahouart fut.........6 et l’oreille rendit ung peu de sang, et après qu’il fut confessé perdit la parolle. Et depuis a vescu quatre ou cinq jours, beut et manga, et après ce, par mauvais gouvernement ou autrement, ala de vie à trespas. [A l’occasion] duquel cas, ledit supliant, doubtant rigueur de justice, s’est mis en franchise, dont il n’oseroit yssir, se noz grace et misericorde ne lui estoient par nous sur ce imparties, si comme il dit, en nous humblement requerant que, attendu ce que dessus est dit et que ledit cas est advenu par cas de fortune, en cuidant contraindre ledit Gahouart à aider à faire ledit taudeis, que en tous autres cas il est bien famé et renommé et ne fut jamais actaint ne convaincu d’aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, il nous plaise lui impartir nostre dicte grace et misericorde. Pour ce est il, etc., en quoy, etc., et l’avons relevé, etc., satisfacion, etc. ; et sur ce imposons, etc. Si donnons en mandement au seneschal de Poictou, etc., sans pour ce lui mettre ou donner, etc. Et se son corps, etc. Et afin, etc. Sauf, etc. Donné au Mans, ou moys de janvier l’an de grace mil cccc. soixante sept, et de nostre règne le septiesme.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du Conseil. Rolant. — Visa. Contentor. Duban.


1 Sur Louis de Crussol, sénéchal de Poitou, cf. notre volume précédent, p. 450, note.

2 Béatrice de Clisson, l’une des filles du connétable, avait apporté les terres et seigneuries de la Garnache et de Beauvoir-sur-Mer à son mari Alain VIII, vicomte de Rohan, comte de Porhoët et de Léon, après la mort duquel elles passèrent à leur fils aîné, Alain IX. Celui-ci étant décédé le 20 mars 1462 n.s., c’était, à la date des présentes lettres, Jean II, vicomte de Rohan, son fils, qui était seigneur de la Garnache. Il quitta en 1470 le service du duc de Bretagne pour s’attacher à Louis XI.

3 D’une famille originaire de Bretagne, Louis de Rezay, chevalier, fils de Mathurin, était établi dans le Bas-Poitou, où il possédait les seigneuries de la Merlatière, de la Ralière, de la Jarrie et de Saint-Fulgent. Le 20 octobre 1467, à Fontenay-le-Comte, il s’excusa auprès d’Yvon Du Fou, commissaire du roi, de ne pouvoir se rendre au ban des nobles de la sénéchaussée de Poitou, retenu par ses fonctions de capitaine du château de la Garnache, et il prêta serment de garder fidèlement cette place. (Roolles des bans et arrière-bans de la province de Poictou, etc. Réimpr. Nantes, 1883, in-4°, p. 21.) Il occupait cette charge dès avant l’année 1460, comme on l’apprend par un procès criminel jugé au Parlement de Paris, dans lequel il était inculpé. Alain VIII de Rohan, seigneur de la Garnache, s’était engagé à payer une rente de 120 écus à Nicolas de Volvire, chevalier, et il y eut contestation au sujet de l’assiette de cette rente entre Joachim et Maurice de Volvire, ses fils, d’une part, et Béatrice de Clisson, veuve d’Alain VIII, d’autre, contestation qui fut reprise par Maurice de Volvire, seigneur de Rocheservière, Saint-Gervais et Chaveil, héritier de son frère, contre Alain IX, puis contre Jean II, vicomte de Rohan, et durait encore le 1er septembre 1467, date de lettres de Louis XI, données à la requête du sr de Rocheservière. (Coll. dom Fonteneau, t. VIII, p. 215.) Au cours du procès, à l’instigation d’Alain IX ou pour lui être agréable, Louis de Rezay, capitaine de la Garnache, Pierre Du Tertre, châtelain, Jean Blois l’aîné, procureur, André Quesneau et plusieurs autres officiers dudit lieu se rendirent coupables de violences et d’excès contre Maurice de Volvire, battirent ses gens et prirent ses biens à Saint-Gervais. Une information ayant été ordonnée sur la plainte de celui-ci, ils l’entravèrent par tous les moyens, et mirent douze hommes armés en embuscade pour s’emparer de la personne du plaignant et de ceux qui étaient chargés de l’enquête. La cour, ayant été saisie de l’affaire, décerna un mandement pour informer à nouveau, le 16 juillet 1460. Maurice de Volvire dut se faire délivrer un sauf-conduit, le 23 mai 1461, pour venir sûrement à Paris, où il obtint, le 15 décembre suivant, un défaut contre les officiers de la Garnache. Les plaidoiries eurent lieu le 17 février 1462, et à partir de cette date on ne trouve plus rien de l’affaire sur les registres criminels, qui du reste présentent beaucoup de lacunes. (Arch. nat., X2a 29, fol. 225 v° ; X2a 30, fol. 44 v°, 45 r° et v° ; X2a 32, aux dates du 15 déc. 1461 et du 17 février 1462, n.s.) Une dizaine d’années plus tard, Louis de Rezay (qui ne prend plus le titre de capitaine de la Garnache) fut à son tour victime de sévices semblables, et dans les mêmes conditions, ainsi que ses officiers de la Merlatière et de la Ralière. Un procès ancien, que Mathurin de Rezay et ensuite Louis, son fils, soutenaient contre le comte de Penthièvre et contre le fils de celui-ci, Jean de Brosse, sr de Laigle, parce que ces derniers voulaient contraindre les habitants de la châtellenie de la Merlatière à faire le guet au château des Essarts, fut la cause déterminante de la haine que le sr de Laigle voua à Louis de Rezay, et des voies de fait qu’il fit exercer par ses officiers et serviteurs contre sa personne et ses biens et ceux de ses gens. Au mois d’avril 1469, il envoya une cinquantaine de gens de guerre au « Bois-Roteau », appartenant aux Rezay, où ils chassèrent à cor et à cri, dans le but de faire sortir du château de la Merlatière, pour les attaquer, Louis de Rezay et ses serviteurs. La femme de celui-ci, qui était alors à la Jarrie, ainsi que son frère Gabriel, un garde et quelques hommes vinrent se rendre compte de ce qui arrivait. Les chasseurs alors leur coururent sus, criant : « Tuez ! tuez ! » Madame de Rezay fut jetée à terre et blessée, Gabriel et le garde furent emmenés prisonniers. Tels sont les faits qui motivèrent les poursuites de Louis de Rezay contre le sr de Laigle et ses serviteurs, et pour lesquels le procureur général s’adjoignit à lui. Par mandement du 26 juillet 1469, la cour ordonna l’arrestation des coupables. Elle ne put sans doute avoir lieu, car, le 2 juillet 1470, Rezay et le procureur du roi requéraient défaut contre Jean de Brosse et ses officiers, qui depuis avaient été ajournés en personne, sur peine de bannissement et de confiscation, et s’étaient bien gardés de venir. Le sr de Laigle d’ailleurs avait eu le crédit d’obtenir des lettres l’autorisant à se faire représenter par procureur. C’est dans les plaidoiries, prononcées le 20 novembre 1470, et dans le mandement du 26 juillet de l’année précédente, que l’on a puisé ce résumé des faits de la cause, dont l’issue n’a pas non plus été retrouvée. (X2a 35, date du 2 juillet 1470 ; X2a 36, fol. 246 ; X2a 37, au 20 novembre 1470.)

4 Yves ou Yvon Du Fou, chevalier, second fils de Jacques Du Fou, seigneur de Rustephen en Bretagne, fut, par les charges et missions importantes et nombreuses qu’il remplit, un personnage considérable et très en vue sous les rois Louis XI et Charles VIII. Écuyer d’écurie du premier dès le début de son règne, il lui était sans doute attaché déjà quand il était encore dauphin. Par lettres patentes datées de Paris, le 24 septembre 1461, ce prince lui fit don des moulins, prés, rivière et étangs de Lusignan (Arch. de la Chambre des Comptes, anc. mém. L, fol. 166 ; Bibl. nat., ms. fr. 21405, p. 138), et quelques mois après il le nomma capitaine du château de Lusignan. A l’époque de la Ligue du Bien public, trois jours après le combat de Montlhéry, le 19 juillet 1465, Charles comte du Maine écrivait de Châtellerault aux maire et habitants de Poitiers : « Pour aucunes choses survenues, envoyons presentement le cappitaine de Lusignen vers vous, auquel nous avons donné charge en parler à vous amplement et pour vous dire comment de présent monseigneur le roy est à Corbeil ou dedens Paris, avecques la pluspart de son armée ; par quoy les choses ne sont si mal qu’on les pourroit bien avoir semées. Et de nostre part sommes cy venuz pour faire garder les passaiges de par deça et pour amasser gens, ainsi que plus à plain saurez par ledit cappitaine … » (Arch. hist. du Poitou, t. Ier, p. 153.) Deux ans plus tard, il écrivait lui-même, de Paris, le 31 août 1467, à Messieurs de la ville de Poitiers : « Le roy a sceu que Monsr Charles (le frère de Louis XI) a eu aucuns entendemens et a cuidé faire aucunes entreprises secretes sur la ville de Poictiers. Et à ceste cause m’en a parlé et demandé mon advis, mais je luy ay repondu et avecques ce me suis fait fort pour tous vous, Messieurs, que sur ma vie il ne s’en doit soulcier ; toutesfoiz il vous en a escript par monsr le bailly des Montaignes (Josselin Du Bois, seigneur engagiste de Montmorillon). Par quoy je vous pry que sur ce luy vueillez escrire en façon qu’il n’ait cause d’avoir suspection sur vous et que vueillez avoir aussi bonne voulenté à bien et leaument le servir, comme vous et vos predecesseurs avec tousjours fait ou temps passé … » (Id. ibid., p. 167.) La commission d’Yvon Du Fou pour recevoir les montres des nobles du pays de Poitou, rappelée dans les présentes lettres de rémission, était datée de Paris, le 21 septembre 1467, comme il nous l’apprend lui-même dans le rôle des nobles qu’il fit dresser à cette occasion. (Roolles des bans et arrière-bans de la province de Poictou, etc. Réimpression, Nantes, 1883, in-4°, p. 3.) Citons aussi un mandement de Louis de Crussol, sénéchal de Poitou, à Michel Dauron, receveur ordinaire pour le roi dans le comté, lui ordonnant, le 5 octobre suivant, de payer les frais de déplacement de quatre sergents chargés d’aller faire « afficher les assignations desdites montres pour le present mois d’octobre, savoir le premier par tout le siège de Poictiers, le second par tout le siège de Nyort, le troisiesme par tout le siège de Fontenay le Comte, et le quatriesme par tout le siège de Thouars ». (Orig., Bibl. nat., ms. fr. 27692, n° 8.) Le 18 octobre 1469, par lettre écrite à « La Rementeresse », Du Fou demandait à Louis XI, en raison du serment qu’il lui avait fait en recevant la garde du château de Lusignan, de n’y laisser entrer jamais homme plus fort que lui, réservé la personne du roi, quel accueil il devait faire à une requête de Charles, duc de Guyenne, d’être reçu dans cette place. Il priait en même temps le roi de faire asseoir de nouveau sur les revenus du Poitou les 1.000 écus qui avaient été rayés de sa pension. (Bibl. nat., ms. fr. 20485, fol. 130.) Louis XI, qui était à ce moment en bons termes avec son frère, lui répondit d’Orléans, dès le 21 octobre suivant, le relevant de son serment et lui recommandant de ne faire aucune difficulté d’accueillir le duc de Guyenne au château de Lusignan et de lui en remettre les clefs. (Vaësen, Lettres missives de Louis XI, in-8°, t. IV, p. 39.) Une autre lettre d’Yvon Du Fou, de Cognac, le 3 mai 1472, annonce à Louis XI la capitulation de cette ville où commandait, pour le frère du roi, le sire d’Archiac, qu’il garde prisonnier provisoirement, tout en sollicitant pour celui-ci l’indulgence royale. (Bibl. nat., ms. fr. 20486, fol. 18.) Une missive du roi en date du 7 mai suivant témoigne que celui-ci ne vit pas de bon œil l’indulgence dont le capitaine de Lusignan avait fait preuve envers le sire d’Archiac, qui s’était gravement compromis dans les menées du duc de Guyenne. (Vaësen, op. cit., t. IV, pp. 318, 367.) Mentionnons encore deux lettres d’Yvon Du Fou adressées à Louis XI et datées des 30 octobre et 3 novembre, sans indication d’année, et une lettre à lui écrite en qualité de gouverneur d’Angoumois par le sr de Canaye, d’Ancenis, le 27 décembre 1472. (Ms. fr. 20428, fol. 48, 49 ; ms. fr. 20429, fol. 49.)

Si Louis XI garda rancune à Yvon, comme il l’appelle familièrement dans ses lettres missives, de sa modération envers le sire d’Archiac, ce ne fut pas pour longtemps ; car dans le courant de cette année même (1472) il lui donna l’office de grand veneur de France aux gages de 3200 livres. Il avait en outre 2000 livres d’appointements comme capitaine de la ville et du château de Lusignan et une pension de 2700 livres dont il jouit toute sa vie. En 1462 il était premier échanson du roi et quelques années plus tard son chambellan. Dans le troisième compte de Mathieu Beauvarlet, pour l’année finie le 30 septembre 1464, Yvon Du Fou figure en outre en qualité de capitaine de Cherbourg. Il est dit capitaine général des francs-archers dans des lettres patentes données à Chartres, au mois d’août 1474, confirmant à Agne de La Tour, vicomte de Turenne, et aux habitants de la vicomté, ses sujets, leur exemption de fournir aucun contingent de francs-archers ni de contribuer à leur habillement. (JJ. 204, n° 89, fol. 55 v° ; Ordonnances des Rois de France, t. XVIII, p. 46, où le nom Du Fou est imprimé par erreur Dufort.) La même année, Du Fou avait été nommé lieutenant général à l’armée de Roussillon et de Cerdagne, pour réduire ces pays en l’obéissance du roi. Dans des actes de 1475 on le trouve qualifié gouverneur de Dauphiné. En 1478, il obtint encore la charge de maître et général réformateur des eaux et forêts en Poitou ; l’on conserve à la Bibliothèque nationale quatre quittances de lui à Etienne de Bonney, receveur ordinaire de Poitou, pour les gages de cet office (16 nov. 1478, 11 sept. 1480 (deux) et 13 déc. 1481 ; ms. fr. 27692, Pièces orig. 1208, Du Fou, nos 11, 12, 14 et 15). Pendant la longue minorité de Charles, comte d’Angoulême (1467-1476), Yvon Du Fou, qui lui avait été donné comme curateur, exerça aussi le gouvernement de l’Angoumois avec la comtesse douairière, Marguerite de Rohan, veuve de Jean d’Orléans, et eut à poursuivre un long procès contre Renaud Chabot, puis contre Louis, son fils, seigneur de Jarnac, qui avaient usurpé certains droits appartenant au comte et accablaient de vexations leurs sujets de ladite seigneurie. (Voy. Titres de la Chambre des comptes d’Angoulême, Arch. nat., P. 14062.) Nommé bailli de Touraine l’an 1484, il fut reçu en cette qualité par la Chambre des comptes de Paris, le 10 juillet de cette année. (Arch. nat., PP 118, anc. mémorial S., fol. 92 v°, et Bibl. nat., ms. fr. 21405, p. 231.) Il n’exerça que peu de temps cet office5, car dès l’année suivante il fut appelé à remplacer, comme sénéchal de Poitou, Philippe de Commines, qui venait d’être destitué. Nous n’avons pas à entrer ici dans le détail de la disgrâce du célèbre auteur des Mémoires, assez connu d’ailleurs depuis les études publiées par leurs plus récents éditeurs. Par lettres patentes données à Orléans, le 15 septembre 1485, Charles VIII, ou plutôt la régente Anne de Beaujeu, avait déclaré Commines privé de sa dignité de sénéchal de Poitou et de la charge de capitaine de Poitiers, qui de tout temps avait été unie à celle de sénéchal, et disposé de ces deux offices en faveur d’Yvon Du Fou, grand veneur de France. (Edit. de Mlle Dupont, Mémoires de Philippe de Commynes, Preuves, t. III, 1847, in-8°, p. 128 ; Kervyn de Lettenhove, Lettres et négociations de Philippe de Commines, Bruxelles, 2 vol. in-8°, 1868, t. II, p. 36.) On conserve aux Archives de la ville de Poitiers un acte du 1er octobre 1485, par lequel J. Guyneuf, chevalier, sr de Boulzé, fondé de pouvoirs de Mre Yvon Du Fou, sénéchal de Poitou, reconnaît avoir reçu d’Aimery Claveurier, au nom des maire, bourgeois et échevins de Poitiers, les clefs du château et stipule que, toutes les fois qu’il adviendrait péril imminent en cette ville, les maire et échevins auraient la garde des clefs avec le sénéchal, et qu’aucune des portes murées par leur ordre ne serait ouverte sans leur consentement. Le même jour, Jean Falaiseau, lieutenant général du bailli de Touraine, chargé par le nouveau sénéchal de prendre en son nom possession de cet office, déclara aux magistrats municipaux que les provisions de capitaine du château de Poitiers données au profit de Du Fou n’avaient point pour effet de lui commettre la garde de la ville, qui par un ancien usage et privilège appartenait au maire, mais seulement la garde et capitainerie du château, sauf au sénéchal à faire valoir ses droits comme il le jugerait à propos. (Orig., Arch. comm. de Poitiers, E. 22.) Yvon Du Fou jouit de ces deux offices jusqu’à sa mort, c’est-à-dire pendant trois ans environ. Gautier des Cars, sénéchal de Périgord, lui succéda comme capitaine du château de Poitiers (21 août 1488, id. E. 23), et Jacques de Beaumont, sire de Bressuire, en qualité de sénéchal de Poitou. Le dernier acte émanant d’Yvon Du Fou que nous ayons trouvé, est daté du 27 juillet 1488, six jours avant son décès ; il s’y intitule chambellan du roi et sénéchal de Poitou, et confesse avoir reçu d’Antoine Bayart, trésorier général de Languedoc, la somme de 350 livres à lui donnée par le roi pour l’indemniser de ses dépenses devant la ville de Fougères, pendant que l’armée royale en faisait le siège, auquel il avait charge de par le roi de la conduite de l’artillerie. (Bibl. nat., ms. fr. 27692, Du Fou, n° 18.)

Louis XI s’était d’ailleurs toujours montré d’une grande libéralité envers ce personnage. Voici un relevé des principaux dons qu’il lui fit, outre celui des moulins, prés et étangs de Lusignan, daté du 24 septembre 1461, mentionné plus haut : Tours, juin 1469, don de l’étang de Coursec (cne de Montamisé) et de la terragerie de Charracé (Bibl. nat., ms. fr. 27692, n° 5), dont aveu en date du 18 avril 1472 (Arch. nat., P. 1145, fol. 151) ; cf. une lettre de Louis XI à la Chambre des comptes, lui ordonnant d’enregistrer lesdites lettres, 4 août 1469 (Vaësen, Lettres de Louis XI, t. IV, p. 19) ; Paris, 10 novembre 1474. Don à vie du revenu du domaine de Lusignan, à percevoir de la main du receveur de domaine du Poitou (anc. mém. O de la Chambre des comptes, fol. 191 ; Bibl. nat., ms. fr. 21405, p. 189), revenu qui s’élève, pour l’année finie à la Saint-Jean 1477, à la somme de 331 livres 6 s. 5 d., suivant la quittance de Du Fou à Etienne de Bonney, receveur ordinaire, du 18 novembre 1477 (ms. fr. 27692, n° 10) ; Le Plessis du Parc, 5 novembre 1477. Don de tout le profit, revenu et émolument du droit de gabelle du grenier à sel de Louviers (vidimus des lettres patentes) et quittance, du 17 janvier 1480, d’une somme de 1024 livres tournois, montant dudit revenu pour la seule année 1479 (id., nos 9 et 13) ; Lierville, août 1480. Lettres de don à Yvon Du Fou, chambellan du roi et grand veneur de France, et à ses héritiers en toute propriété, de la forêt de Gâtine et de l’étang de la Tomberrard en Poitou (Arch. nat., X1a 8607, fol. 253 v°), enreg. le 22 novembre suivant au Parlement de Paris (id. X1a 1489, fol. 167), à la suite de deux lettres de cachet du roi à la cour, la première datée d’Orléans, le 21 août, et la seconde de Pithiviers, le 29 août 1480. (Vaësen, Lettres de Louis XI, t. VIII, p. 179 et 261) ; la forêt et l’étang étaient dans la mouvance de Lusignan ; Du Fou en fit hommage au roi, le 26 mars 1481 n.s. (Arch. nat., P. 5543, cote iiic xlvi.) Citons encore : deux quittances de payement de sommes à lui dues pour parties de sa pension : 1° par Michel Dauron, receveur et payeur des gens de guerre en Poitou ; 2° par Jean Rideau, fermier de la ferme du quart du sel audit pays, le 4 avril 1471 n.s., et le 2 mars 1472 n.s. ; une autre du 15 juillet 1475, dans laquelle Yvon Du Fou s’intitule chambellan du roi, grand veneur de France et gouverneur d’Angoumois, par laquelle il reconnaît avoir reçu de Noël Le Barge, trésorier des guerres, 300 livres pour son état de capitaine de cent lances fournies d’avril à juin 1475. (Ms. fr. 27692, nos 6 à 8.)

Yvon Du Fou avait épousé une riche héritière de Poitiers, Anne, fille unique de Jean Mourraut, sr de la Roche, des Touches de Lezay, etc., etc. (sur lequel cf. notre t. IX, p. 328, et notre t. X, p. 305), et de Jeanne Larcher. Ce mariage eut lieu peu de temps avant le mois de juin 1469 ; en effet, dans la donation que lui fit le roi de l’étang de Coursec, à propos de la terre et seigneurie d’Armentaresse (aliàs la Ramentaresse), il est dit qu’elle lui était advenue tout récemment ; or l’on sait pertinemment qu’elle lui fut apportée en dot, avec beaucoup d’autres, par Anne Mourraut. La situation de ce fief plut à Du Fou : il y fit, construire un château et obtint de Louis XI, par lettres de mai 1470, que le nom d’Armentaresse serait commué en celui du Fou, qu’il a toujours conservé depuis. Dans une note relative à Jean Mourraut, nous avons indiqué les hommages et aveux qu’Yvon fit, au nom de sa femme, des terres et seigneuries relevant de la Barre-Pouvreau. (Vol. précédent, p. 306, note.) Après son mariage, il accrut encore ses possessions de Poitou par l’acquisition des terres et seigneuries du Vigean et de la Loubantière (paroisse de Buxerolles) ; cette dernière, relevant de la Tour-Maubergeon, lui fut cédée par les héritiers de feu Philippe Arnault, et il en rendit aveu le 25 janvier 1478 n.s. (Arch. nat., P. 1145, fol. 151.) Dans le but d’arrondir la première, il passa, le 19 juin 1487, devant le garde du sceau aux contrats de la ville et châtellenie de l’Isle-Jourdain, un contrat d’échange avec Jean de Langellée, écuyer, seigneur de la Fa, son voisin, de plusieurs pièces de terre sises au « Pré Chenevrault », aux Renardières, sur le chemin de la Fa au village du Magnou, etc. Dans cet acte Yvon Du Fou s’intitule chevalier, seigneur du Fou et du Vigean, chambellan du roi, grand veneur de France et sénéchal de Poitou. (Bibl. nat., ms. fr. 27692, Fou, n° 2.) Il avait fondé avec Anne Mourraut, le 7 mai 1475, une chapelle, des messes et anniversaires dans l’église Notre-Dame-la-Grande de Poitiers ; les titres et qualités qu’il prend dans l’acte de fondation sont : chambellan du roi, grand veneur, gouverneur d’Angoumois et capitaine de Lusignan. (Coll. dom Fonteneau, t. XX, p. 658.) Sa première femme étant morte un peu antérieurement au 20 septembre 1479, date d’aveux qu’il rendit au nom de ses fils mineurs, il épousa en secondes noces Catherine de Vivonne, fille de Germain, seigneur de la Châtaigneraie, dont il n’eut point d’enfants. Yvon Du Fou mourut le 2 août 1488 et fut inhumé dans la chapelle de Sainte-Anne à Notre-Dame-la-Grande, où l’on voit encore une partie de son tombeau orné de son blason, que l’on retrouve à la voûte avec celui d’Anne Mourraut. Ses deux fils, Jacques et François, encore mineurs, eurent pour tuteur Raoul Du Fou, évêque d’Évreux, abbé de Valence, leur oncle (cf. Mémoire pour les enfants d’Y. Du Fou, Bibl. nat., ms. fr. 20432, fol. 5), qui reçut en leur nom et en cette qualité, le 1er mars 1489, à cause de leur seigneurie de Lage-Saveneau, un aveu de Pierre Guenand pour diverses pièces de terre. (Id., ms. fr. 27692, Fou, n° 26.) Catherine de Vivonne se remaria, en 1489, à Amanieu, vicomte de Comborn.

5 Il n’est pas absolument certain d’ailleurs qu’Yvon Du Fou ait été réellement bailli de Touraine. A la date du 3 mai précédent (1484), on trouve sur le registre du Parlement mention du serment et de la réception de Jean Du Fou en qualité de bailli de Touraine (X1a 4825, fol. 214). Les anciens inventaires de la Chambre des comptes portent bien Yves Du Fou comme ayant été reçu le 1er juillet ; mais il a pu y avoir confusion de prénom. D’autre part, il n’y a point de doute que Jean, grand échanson de France, frère aîné d’Yvon, ait exercé la charge de bailli et gouverneur de Touraine. (Le P. Anselme, t. VIII, p. 582.)

6 Ici, deux ou trois mots absolument illisibles, par suite de l’usure du parchemin.