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MDXXXVII

Rémission obtenue par Michau Bouju, de Saint-Maixent, qui avait frappé mortellement d’une pierre Pasquier Bertusson, son beau-frère, dans une rixe provoquée par celui-ci, à la suite d’excès de boisson qu’ils avaient faits ensemble pour fêter le nouvel an.

  • B AN JJ. 195, n° 1048, fol. 240
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 431-434
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons, etc., nous avoir receu l’umble supplicacion de Micheau Bouju, povre homme, filacier demourant à Saint Maixent en Poictou, contenant que ledit suppliant qui est aagé de trente ans ou environ, natif de la Mote Saint Eraye, le premier dimenche de l’an en janvier derrenier passé, convya et semonnit à soupper par bonne amour en sa maison feu Pasquier Bertusson, guynier1, et Jehanne Fayote, sa femme, seur de Perronnelle Fayote, femme dudit suppliant, auquel soupper lesdiz Pasquier et sa femme firent bonne chière. Et après ledit soupper, ledit Pasquier dist qu’il failloit qu’ilz alassent à l’esbat ès hostelz de leurs voisins chanter à guy l’an neuf, et qu’il avoit envoyé querir une pinte de vin qui les attendoit à son hostel et que ilz yroient le voir. Et à ceste cause alèrent à l’ostel d’un boucher de ladicte ville de Saint Maixent, nommé Jehan Lezay, voisin dudit suppliant, qui les convia à boyre et là beurent et dancèrent et firent grant chière ; et de là [p. 432] furent en l’ostel de Pierre Fayon, aussi bouchier, et aussi y beurent, et après ès hostelz de Olivier Testereau et Helies Boulier, èsquelz pareillement ilz beurent et d’illec s’en alèrent à l’ostel dudit Pasquier, auquel ilz beurent de rechief ; et après s’en alèrent d’abundant en l’ostel de Guillaume Bouher, ouquel ilz beurent encores et tellement que ledit Pasquier s’estoit enyvré en telle manière qu’il ne demandoit que tenser et fraper. Et ce voyant, ledit suppliant dist à sa femme qu’il estoit temps d’eulx en aler ; mais en ce disant, la femme dudit Pasquier dist audit suppliant que pour Dieu il ne la laissast point ne sondit mary jusques à ce qu’ilz feussent en leur maison, et que elle se doubtoit qu’il la voulsist batre. Et à ceste cause, dist ledit suppliant à haulte voix qu’il s’en aloit, et s’en sorty hors de l’ostel dudit boucher, et après luy ledit Pasquier qui tensoit avecques luy ne savoit de quoy. Lequel Pasquier, qui estoit homme fort malgesant2, regnieur de Dieu et qui souvent se enyvroit, se mist devant et entra en son hostel et print une espée toute nue et du plat d’icelle frapa sur la femme dudit suppliant deux cops. Et ce voyant, ledit suppliant dist audit Pasquier doulcement si c’estoit pour jeu ou à bon essient. Lequel Pasquier commença à dire, en jurant et regnyant Dieu et la mort, que oy et que il le batroit luy mesmes et le tueroit, et avecques ladicte espée s’adreça contre ledit suppliant et d’icelle le voult fraper. Lequel suppliant, voyant que ledit Pasquier estoit hors de son bon entendement, se saisit dudit Pasquier et luy osta ladicte espée et la gecta à part, afin qu’il ne bleçast personne ; et là se prindrent l’un à l’autre et se gectèrent par terre, en manière que ledit suppliant se trouva dessus ledit Pasquier qui le tenoit par le colet de son pourpoint et ne le vouloit laisser, et de grant [p. 433] despit dist audit suppliant qu’il luy baillast son cousteau et qu’il se coupperoit la gorge. Et après qu’ilz eurent esté par long espace de temps illec ensemble, leurs dictes femmes, qui estoient seurs, firent tant que ledit Pasquier lascha ledit suppliant, qui incontinent se leva ; et lors ledit Pasquier entra de rechief en sadicte maison et print une autre espée nue, et ce pendant qu’il entra en ladicte maison, ledit suppliant queroit son chapeau et son bonnet qui estoient tumbez à terre ; et tantost qu’il ot trouvé lesdictes choses, il se mist à s’en aler bien tost vers son hostel, mais ledit Pasquier sorty hors de sa maison, ladicte espée au poing et, regnyant Dieu qu’il tueroit ledit suppliant et cryant : « Après, après », et de fait se mist à courir après ledit suppliant qui n’avoit voulenté d’aucun mal luy faire, et le aconceut au carrefour estant devant la maison feu André Bougentoys, pour ce que ledit suppliant avoit chaussez ungs botz ou souliers de boys …3, par quoy ledit Pasquier s’adreça contre ledit suppliant, ladicte espée toute nue, en regnyant Dieu qu’il le tueroit. Lequel suppliant, qui n’avoit verge ni baston, soy voyant en ce dangier, print une piarre, et ainsi que ledit Pasquier s’efforçoit luy bailler de ladicte espée, ledit suppliant pour destourner le cop et luy faire cheoir ladicte espée, gecta ladicte pierre en le cuidant fraper par le bras, mais de male aventure ladicte pierre le ala fraper entre les deux yeulx, duquel cop il tumba à terre, et de là le convint emporter. Lequel Pasquier, huit jours après ou environ, par faulte de bon gouvernement ou autrement, est alé de vie à trespas. A l’occasion duquel cas, ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est absenté, etc., en nous humblement requerant, etc. Pour quoy, etc., à icelluy suppliant avons quicté, etc. les fait et cas dessusdit, avec toute peine, etc. Si donnons en [p. 434]mandement, par ces presentes, à nostre seneschal de Poictou, etc. Et afin, etc. Sauf, etc. Donné à Paris, ou moys de may l’an de grace mil cccc. soixante quatorze, et de nostre règne le xiiime.

Ainsi signé : Par le conseil. Pouffé. — Visa. Contentor. De Bidaut.


1 Sic, sans doute pour « gainier ».

2 Participe présent du verbe « malgésir » (être mal couché), au figuré mauvais coucheur, mauvais sujet. (F. Godefroy, Dict. de l’anc. langue française.)

3 Le scribe parait avoir omis, en cet endroit, quelque membre de phrase.