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MDII

Don à Patrice Valentin, écuyer, panetier du roi, de la haute, moyenne et basse justice de ses seigneuries de Saint-Maixent et de Germeville, et permission de les entourer d’une enceinte fortifiée.

  • B AN JJ. 197, n° 161, fol. 91
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 291-295
D'après a.

Loys, etc. Savoir, etc., nous avoir receue l’umble supplicacion de nostre cher et bien amé pannetier, Patris [p. 292] Valentin1, escuier, seigneur de Saint Maixent et de Germeville, [p. 293]contenant que nostre dit pannetier, suppliant, est seigneur desdiz lieux de Saint Maixent et de Germeville, situez et assiz en nostre pays et conté de Poictou, lesquelles il tient de nous en fief ou arrière fief et y a plusieurs beaux droiz, revenues et prerogatives ; et pour ce que lesdites terres et seigneuries sont de bonnes et grandes revenues et estandue, telles que raisonnablement ledit suppliant doye bien avoir en icelles sur ses subgectz et tenanciers tout droit de justice et juridicion, haulte, moyenne et basse, et aussi qu’elles sont situées et assises en païs de frontière, il nous a humblement supplié et requis qu’il nous plaise luy donner et octroyer èsdiz lieux, terres et seigneuries de Saint Maixent et de Germeville ledit droit de justice et juridicion haulte, moyenne et basse, sur sesdiz hommes, subgectz et tenanciers avec les droiz qui y appartiennent et en deppendent, ou pevent appartenir et deppendre ; et aussi congié et licence de faire ediffier et construire èsdiz lieux et en chacun d’iceulx, maisons fortes et icelles faire fortiffier de tours, machicolis, carneaulx, ponts leveis, fossez, boulevars et autres ediffices propices et convenables à chasteaux et maisons fortes, et sur tout lui impartir benignement nostre grace. Pour quoy nous, ces choses considerées, inclinans à la supplicacion et requeste de nostre dit pannetier, suppliant, pour ces causes, mesmement en faveur des bons et agreables services qu’il nous a par cy devant faiz ou fait de noz guerres et autrement en maintes manières, fait et continue de jour en jour, et esperons que encores face ou temps advenir, à icelluy avons, de nostre certaine science, grace especial, plaine puissance et auctorité royal, donné et octroyé, donnons et octroyons par ces presentes, èsdiz lieux, terres et seigneuries de Saint Maixent et de Germeville et en chacun d’iceulx tout droit de justice et juridicion, haulte, moyenne et basse, sur sesdiz hommes, subgetz et tenanciers, avec les droiz qui y appartiennent et en deppendent, ou pevent appartenir [p. 294] et deppendre, et d’y commettre, ordonner et establir seneschal ou seneschaulx, bailliz, prevostz, gardes de sceaulx, sergens et autres officiers convenables et necessaires pour l’excercice de ladicte justice et juridicion, pour en joyr et user par ledit suppliant, ses hoirs, successeurs et ayans cause, seigneurs desdiz lieux, terres et seigneuries, perpetuellement et à tousjours, ensemble des prerogatives, preeminences, noblesse et autres droiz qui y appartiennent, soubz le ressort de noz seneschal ou seneschaulx, ou leurs lieuxtenans, où lesdites terres et seigneuries sont situées et assises, et tout ainsi que en usent et ont acoustumé joyr et user les autres seigneurs ayans droit de justice et juridicion haulte, moyenne et basse, en nostredit païs et conté de Poictou. Et oultre, de nostre plus ample grace, avons audit suppliant donné et octroyé, donnons et octroyons, par cesdictes presentes, congié et licence de faire ediffier et construire èsdiz lieux de Saint Maixent et de Germeville, et en chacun d’iceulx, maisons et places fortes et icelles faire fortiffier de tours, machicolis, carneaulx, ponts leveis, fossez et autres ediffices propices et convenables à chastellenies et maisons fortes. Si donnons en mandement, par cesdictes presentes, à noz amez et feaulx les gens de noz comptes, au seneschal de Poictou ou à son lieutenant et à tous noz autres justiciers ou à leurs lieuxtenans, presens et advenir, et à chacun d’eulx, si comme à luy appartendra, que de noz presens grace, don, congié, licence et octroy, et de tout le contenu en cesdictes presentes ilz facent, seuffrent et laissent nostredit pannetier, suppliant, ensemble ses hoirs, successeurs et ayans cause, seigneurs desdiz lieux, joyr et user plainement et paisiblement, sans en ce leur faire ne souffrir estre fait, mis ou donné, ores ne pour le temps advenir, aucun destourbier ou empeschement au contraire. Et afin que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à cesdictes presentes. Sauf en autres choses nostre droit et [p. 295] l’autruy en toutes. Donné à Amboyse, ou moys de janvier l’an de grace mil cccc. soixante et unze, et de nostre règne le unziesme.

Ainsi signé : Par le roy. Tilhart.


1 D’Hozier a publié une généalogie de cette famille originaire d’Écosse (Armorial général de la France, in-fol., t. I, p. 593-594), généalogie qui a été reproduite telle quelle dans le Dict. de la Noblesse. Elle est très incomplète et peu exacte pour la période qui nous occupe. Patrice Valentin notamment n’y figure pas. Le chef de la branche française, d’après elle, est Wast ou Wastre Valentin, écuyer, seigneur de Saint-Maixent, archer de la garde écossaise de Charles VII, marié à Isabeau de « Graffort », lequel, ainsi que son frère Georges, aussi archer de la garde écossaise, obtint du roi, le 8 août 1448, des lettres adressées au sénéchal de Saintonge, par lesquelles était ordonné de les rétablir dans la jouissance des biens qui avaient été saisis sur eux. On trouve d’autres documents relatifs à ce Wast Valentin. Charles VII, qui le qualifie « archer écossois de la garde de nostre corps », lui avait fait don, le 17 décembre 1445, de la terre et seigneurie des Gonds près Saintes, et comme la possession en était réclamée par un Anglais dont l’aïeul l’avait eue par mariage avec une demoiselle de Matha, par autres lettres données aux Montils-lès-Tours, le 20 janvier 1447 n.s., il lui permit de transiger et d’arriver à un accord avec ce seigneur étranger. (Arch. hist. de la Saintonge et de l’Aunis, t. I, 1874, p. 126-129 ; t. III, p. 373.) Ce Wast aurait eu pour fils, suivant d’Hozier, Antoine Valentin, écuyer, seigneur de Germeville, qui épousa, le 1er novembre 1476, « Nice » de Barbezières, fille de Jehan, écuyer, seigneur de Barbezières, et d’Amice L’Hermite. Il est vraisemblable que le savant généalogiste, ignorant l’existence de Patrice Valentin, panetier de Louis XI, a passé un degré dans ses filiations, et qu’Antoine était petit-fils de Wast et fils de Patrice ; Antoine Valentin d’ailleurs eut un frère, Louis, que la généalogie ne mentionne pas davantage. Antoine et Louis Valentin, « frères, écuyers, seigneurs de Saint-Maixent », étaient poursuivis au Parlement par les habitants des châtellenies de Montignac et Marcillac « en Poictou » auxquels s’était joint le procureur général ; ils se plaignaient d’avoir été frappés, détroussés et maltraités de maintes façons par les deux frères et autres qui voulaient les expulser de force des terres qu’ils occupaient sur la foi des traités. C’est un épisode des nombreuses contestations dont nous avons parlé déjà entre les laboureurs invités, après la fin de la guerre de Cent ans, à venir remettre en culture les terres demeurées en friche depuis longtemps et leur en promettant la jouissance moyennant une redevance qui ne devait pas excéder la dîme de la récolte, et les seigneurs qui, une fois les terres défrichées et remises en valeur, voulaient les reprendre purement et simplement et en chasser ceux qui avaient peiné et dépensé pour les rendre productives, ou du moins leur faire payer des impôts excessifs. Nous pouvons signaler deux endroits des registres criminels du Parlement où il est question de cette affaire. Le 16 mars 1484 n.s., les habitants des châtellenies de Montignac et Marcillac requièrent le profit d’un défaut contre Louis et Antoine Valentin, qui, ajournés à comparaître personnellement sous peine de bannissement et de confiscation, ne s’étaient pas présentés. Le procureur des deux frères répondait que sa présence à lui, venant en leur nom, devait suffire, d’autant que les deux frères étaient occupés au service du roi en qualité d’« archers de la garde de son corps ». La cour renvoya au conseil pour examiner ce point spécial. Le 23 du même mois commencèrent les plaidoiries ; les habitants des deux châtellenies exposèrent leurs griefs par la bouche de leur avocat. (Arch. nat., X2a 49, aux dates.)