[p. 270]

MCCCCXCII

Lettres de rémissions octroyées à Job Coninghan, écuyer, originaire du royaume d’Écosse, archer de l’ordonnance sous la charge de Robert Coninghan1, chambellan du roi, qui avait frappé mortellement, de [p. 271] deux coups de dague, Geoffroy Lecouturier, hôtelier à Montereaufaut-Yonne, à l’enseigne de L’Ange, parce que celui-ci avait refusé de le laisser jouer aux dés dans son hôtellerie où il était venu, le soir du 11 septembre 1470, en compagnie de deux autres hommes [p. 272] d’armes. « Donné aux Montilz les Tours, ou moys de septembre l’an de grace mil iiiic lxx, et de notre règne le dixiesme. — Par le roy, le marquis du Pont, l’amiral et autres presens. Toustain. »

  • B AN JJ. 196, n° 289, fol. 175 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 270-272
D'après a.


1 Beaucoup de membres de la famille Cuningham, maison d’ancienne noblesse du royaume d’Écosse, vinrent en France au xve siècle, pour servir dans les armées de Charles VII et de Louis XI, et s’y fixèrent. Ils formèrent trois branches distinctes : l’une en Poitou, celle des seigneurs de Cherveux ; l’autre en Touraine, celle des seigneurs de Cangé ; et la troisième en Bourgogne, celle des seigneurs d’Arcenay. Le plus ancien que nous ayons trouvé au service de la France est Patrice, qui était archer de la garde du duc d’Orléans, et dont on conserve trois quittances de gages en cette qualité, datées des 17 novembre 1403, 9 février 1404 et 10 mai 1405. (Bibl. nat., ms. fr. 27322, Pièces orig., vol. 838.) Robert Cuningham (Coninghan, Conigan, etc. ; les formes défigurées de ce nom sont très nombreuses), ici nommé, qui se mit au service de Charles VII vers 1440, est le chef de la branche poitevine. La seigneurie de Cherveux, dont il prit le titre, lui venait de son mariage avec Louise Chenin, mariage qu’il contracta très peu de temps après son arrivée en France. Il était aussi seigneur de Ribemont près Saint-Jean-d’Angély. Dans un acte du 5 décembre 1449, Robert Cuningham (Conighan) se qualifie écuyer d’écurie du roi, ayant la charge de quarante hommes d’armes et de quatre-vingts archers dans la haute Auvergne ; c’est une quittance de 1.240 livres, montant des gages de ladite compagnie. (Bibl. nat., ms. fr. 27322.)

Il se distingua, dans les guerres contre les Anglais, notamment au siège de Cherbourg et à la conquête de la Normandie, en 1450, et l’année suivante au siège de Bayonne. (J. Chartier, Chronique de Charles VII, édit. Vallet de Viriville, t. II, p. 154, 193, 205, 214, 225, 237, 315 ; Chronique du héraut Berry, édit. Godefroy, p. 449, 455.) Il fut nommé vers cette époque capitaine de Dun-le-Roi, avec don du revenu de la terre. (Anc. mém. L de la Chambre des comptes, fol. 22.) Devenu ensuite capitaine des archers écossais de la garde du roi, il se laissa mêler à une conspiration ourdie contre Charles VII. Condamné au bannissement en 1455, il fut réintégré dans son emploi par Louis XI. (Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. VI, p. 27 et suiv.) Au milieu de l’année 1462, il fut adjoint avec ses archers à l’armée placée sous les ordres de Gaston IV, comte de Foix, et prit part à l’expédition de Catalogne et notamment au siège de Tarragone, qui dura du 17 octobre au 2 novembre 1462. (J. Calmette, Louis XI, Jean II et la révolution catalane, p. 118, 155.) Jean de Roye raconte que, pendant la guerre du Bien public, une nuit de la fin de septembre 1465, plusieurs Écossais de la compagnie de Robert Cuningham furent surpris à Sèvres par « aucuns Bretons et Bourguignons » qui leur coupèrent la gorge. Nous le revoyons l’an 1467 envoyé par Louis XI au secours des Liégeois révoltés. (Journal de J. de Roye, dit la Chronique scandaleuse, édit. B. de Mandrot, t. I, p. 113, 183.) A l’appui de cette assertion, on peut citer une lettre missive adressée au roi, signée « R. Conygham » et datée d’auprès Rethel, le 25 novembre 1467. Il accuse réception d’une lettre que lui écrivait Louis XI, et dit que le connétable, sous les ordres de qui il était alors placé, lui avait fait savoir que chacun pouvait retourner en son logis d’auparavant, son opinion étant qu’il n’y aurait point rupture des trêves. Mais il ajoute : « Toutesfois, sire, pour ce que nous voyons que l’armée de Bourgoigne est encores toute ensemble en Lyège et ne savons quelle volenté ilz ont, nous avons renvoyé devers mondit sr le connestable pour savoir sa volenté plus à plain de ce que nous devons faire, en attendant tousjours si survient aucune autre chose de nouveau. » (Bibl. nat., ms. fr. 20428, fol. 34, anc. 26.) M. Francisque Michel (Les Écossais en France, t. I, p. 232), et à sa suite la nouv. édit. du Dict. des familles du Poitou, prétendent qu’il fut tué l’année suivante, sous les yeux de Louis XI, au siège de Liége où le duc de Bourgogne l’avait entraîné. Je n’ai pas retrouvé la source de cette erreur. Le second de ces ouvrages, il est vrai, aussitôt après avoir annoncé la mort de Robert Cuningham en 1468, s’empresse de citer des actes de ce personnage de l’année 1476.

Une autre lettre écrite à Louis XI, de Villefranche de Rouergue, le 11 novembre 1469, par le capitaine de la garde écossaise, mérite d’être citée. Le roi lui avait prescrit d’obéir à M. le Grand maître (Antoine de Chabannes, comté de Dammartin), comme à sa propre personne ; il proteste qu’il s’est conformé à cet ordre et poursuit ainsi : « Item, sire, m’avez escript que je feisse marcher ma compaignie et que je ne feusse pas le dernier et que par ma négligence riens ne feust retardé. Sire, Dieu mercy, depuis que je suis en vostre service, il n’est riens demouré ne perdu par moy, ne ne sera ; et Dieu me doint la mort avant. Mais, sire, il est bien vray que mondit sr le Grant maistre m’a escript unes lettres que je ne bougasse jusques à ce que j’eusse nouvelles de luy, et qu’il ne failloit conduire l’artillerie, et que si je faisoys autrement, que vous n’en seriez pas content. Et aussi, sire, je suis tousjours attendant le Grant maistre et l’artillerie, et ne sçay où il est. Et ne sçay pas encores s’il me veult mener en Armignac ou laisser ici. Et pour ce, sire, pensez que ce n’est pas ma faulte que je ne suis pieça en Armignac ou sur les marches, car je ne suis que à deux journées de Toulouse … » Et en post-scriptum : « Sire, je vous suply qu’il vous plaise avoir vostre povre clerc de Poictiers, pour lequel vous a pleu escripre au chapitre, pour recommandé. » (Bibl. nat., ms. fr. 20428, fol. 39, anc. 29 bis.) Un autre recueil contient une quittance, signée et scellée du même personnage, à la date du 19 septembre 1470, d’une somme de 286 livres 10 s. pour un trimestre de son état de « cappitaine des quatre-vingt quinze lances et demi fournies, Ecossais, de l’ordonnance du roi » ; Robert Cuningham est dit, dans cette pièce, seigneur de Cherveux et de Villeneuve, chambellan du roi. (Bibl. nat., ms. fr. 27322.) En avril 1477, il faisait campagne à la tête de ses archers sous M. le Grand-maître, dans le comté de Champagne, et au mois d’octobre suivant, avec le capitaine Salazar, dans le comté de Bourgogne, aux environs de Gray, où ils éprouvèrent tous deux de graves échecs. (Journal de J. de Roye, t. II, p. 62, 209.) On ne sait point la date du décès de Robert Cuningham. Au mois de mars 1477 n.s., il rendit, au nom de sa femme, aveu de la terre et seigneurie de Cherveux, et vivait encore le 21 novembre 1478. Ce jour-là il assista, ainsi que Louise Chenin, sa femme, au contrat de mariage, passé à la fois en la cour du sceau aux contrats de Niort et en la cour du sceau aux contrats de Cherveux, entre Joachim Cuningham, leur fils, et Catherine de Montbron, fille d’Eustache de Montbron, vicomte d’Aunay, en présence de Jean, seigneur de Saint-Gelais et de Saint-Jean-d’Angles, et de Jean de Saint-Gelais, seigneur de Séligné, témoins ; il y est qualifié « Robert de Conigam, escuier, seigneur du dit lieu de Cherveux, de Ribemont et de Pontchevron ». (Arch. nat., P. 14071, cote vic lv.) Joachim, qui dès l’année 1475 était capitaine de 96 hommes d’armes et de 19 archers écossais et servit aux bans de Poitou de 1488 et de 1491, ne laissa pas d’enfants. De son mariage avec Louise Chenin, Robert eut deux autres fils : François, seigneur de Ribemont, aussi décédé sans hoirs, et Jacques, chevalier, seigneur de Cherveux après la mort de Joachim, capitaine du château de Niort, marié à Catherine de Vivonne, vivant encore en 1516, qui ne laissa que deux filles. (Cf. Dict. des familles du Poitou, nouv. édit., t. II, p. 379 et 590.) Quant à Job Cuningham, au profit duquel sont données les rémissions analysées ici, nous ne l’avons trouvé mentionné nulle part ailleurs.