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MDXLV

Rémission accordée à Jean Ravineau, franc archer de la paroisse de Boupère, détenu prisonnier au château de Pouzauges, pour le meurtre de Jean Pasquier, qui lui avait cherché querelle et l’avait frappé le premier.

  • B AN JJ. 195, n° 1421, fol. 314 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 455-459
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et advenir, nous avoir receue l’umble supplicacion des parens et amys charnelz de Jehan Ravyneau, nostre franc archer de la parroisse de Bouppère, aagé de trente cinq ans ou environ, à present detenu prisonnier ès prisons du chasteau de Pousauges par les officiers dudit lieu de Pousauges1, contenant que le jour saint Martin d’yver ou moys de novembre l’an mil iiiic lxxiii, feu [p. 456] Jehan Pasquier, en son vivant demourant audit lieu de Bouppère, s’en alla devers le matin chés ledit Jehan Ravyneau, en sa maison au lieu et village de la Brachete, près dudit lieu dau Bouppère, en laquelle maison iceulx Ravyneau et Pasquier, estans illec assemblez pour aller et eulx rendre au bourg de Saint Prouvent, pour estre recors des adjournemens donnez par ledit Ravyneau, qui estoit sergent du seigneur de la Buterie, aux personnes capables contenues en son roolle de l’assise dudit seigneur de la Buterie à cause de sondit lieu, qui est basse juridicion seullement. Et furent ensemble lesdiz Ravyneau et Pasquier tout ledit jour, et pour iceulx adjournemens faire, se transportèrent ensemble audit bourg de Saint Prouvent et après au bourg de Moncireigne, et dudit bourg de Moncireigne ou villaige de la Bretelière près dudit bourg de Moncireigne, pour illec adjourner audit villaige ung nommé André Grignon2 ; chés lequel Grignon lesdiz Ravyneau et [p. 457] Pasquier beurent et mengèrent ensemble, et après iceulx Jehan Ravyneau et Pasquier, sondit recors, se partirent dudit villaige de la Bretelière et se transpourtèrent au lieu et bourg de Sygournay, pour illec adjourner à ladicte assise de la Buterie le curé dudit lieu, ce qu’ilz firent ; et ce fait, se transpourtèrent ensemble au villaige de la Souraudière estant lez ledit villaige en la parroisse dudit Saint Prouvent, qui fut devers le soir, et oudit villaige beurent et mengèrent comme dessus. Et quant ilz eurent illecques beu et mengé, ledit Ravyneau, sergent dessus dit, qui estoit à cheval, et ledit Pasquier estant à pié, s’en vint à sa dicte beste pour monter à cheval, affin d’eulx en aller et retourner ; et pour ce qu’il ne trouva pas ung sac qu’il avoit sanglé et mys soubz la sangle de sadicte beste, il fist grant effroy et demanda qui avoit prins sondit sac. Et lors ledit Pasquier luy dist qu’il s’en alast emprès luy et que ledit sac se trouveroit bien, et ce dit, sans faire pour lors autre bruyt entre eulx, ilz se misdrent à chemin, pour eulx en retourner à leurs maisons, et en eulx venant et retournant dudit village de la Souraudière audit Saint Prouvent, ilz eurent en chemin, à cause dudit sac, de bien grosses parolles entre eulx, et tellement que au moien d’icelles grosses parolles que ledit Ravyneau dist audit Pasquier, qu’il avoit pris et emblé ung cousteau sur la table où ilz avoient beu et mengé oudit villaige de la Souraudière, qui fut leur debat entre ledit village de la Souraudière et Saint Prouvent ; à quoy icelluy Pasquier respondit audit Ravyneau que de ce il avoit menty et qu’il n’estoit point larron, mais que c’estoit luy qui l’estoit. A quoy icelluy Ravyneau respondit derechief que non estoit, mais que c’estoit luy qui estoit larron et [p. 458] non pas luy. En disant lesquelles parolles l’un à l’autre, ledit Pasquier vint tout eschauffé contre ledit Ravyneau et luy donna d’ung gros baston, qu’il avoit pourté toute la journée avecques luy, tant qu’il peut frapper entre ses deux espaulles, luy estant à cheval. Lequel Ravyneau, soy voiant ainsi frappé par ledit Pasquier dudit baston, se descendy de sondit cheval à terre, poursoy deffendre, sans ce qu’il eust verge ne baston de quoy il se peust deffendre envers ledit Pasquier, et vint franchement contre ledit Pasquier et luy osta ung cousteau qu’il avoit emblé. Lequel Pasquier, voyant que ledit Ravyneau luy avoit osté ledit cousteau qu’il avoit, vint du baston dont premierement il avoit frappé ledit Ravyneau et d’icelluy debout en frappant contre ledit Ravyneau, le poussa tellement que tous deux ensemble cheurent en une fousse où tous deux estoient, bien près et joignant les plantes3 dudit Saint Prouvent ; et eulx ainsi cheuz ensemble ou dit foussé, ledit Ravyneau soy redressa et leva au mieulx qu’il peut et tout eschauffé et esmeu de ce que ledit Pasquier, agresseur, l’avoit ainsi frappé par deux foiz dudit baston que dessus est dit, donna de chaude colle ung coup audit Pasquier dudit cousteau, qu’il luy avoit osté, et l’en blessa tellement que incontinent icelluy Pasquier soy escria en disant audit Ravyneau : « A ! tu m’as blessé ! » A quoy ledit Ravyneau respondit audit Pasquier qu’il avoit menty et que non avoit, mais que se il retournoit plus vers luy pour l’outrager, comme il avoit [ja fait], que par le sang Dieu, il en paieroit bien. Et lors ledit Ravyneau monta à cheval et s’en ala à sa maison, et illec laissa ledit Pasquier, lequel s’en ala pareillement en sa maison ou ailleurs, où bon luy sembla. A l’occasion duquel cop ainsi baillé par ledit Jehan Ravyneau audit Pasquier, en son corps deffendant, icelluy Ravyneau, le dimenche après la sainte Katherine, fut par les officiers dudit lieu de [p. 459] Pousauges prins au corps, et depuis a tousjours esté et encores est detenu prisonnier ès prisons dudit chasteau de Pousauges, en grant pouvreté et misère, pour ce que on dit que, onze jours après ou environ ledit cop baillé par ledit Ravyneau audit Pasquier, icelluy Pasquier est alé de vie à trespas, et est en voye d’y finer miserablement ses jours, se noz grace et misericorde ne luy estoient sur ce imparties, etc., en nous humblement requerant que, attendu que ledit Pasquier fut agresseur et avoit baillé desjà deux grans coups dudit baston audit Ravyneau, avant qu’il luy touchast, et que ledit copque ledit Ravyneau luy bailla advint de chaude colle, à l’occasion desdiz cops à luy baillez par ledit Pasquier dudit baston, aussy que icelluy Jehan Ravyneau ne fut jamais actaint, convaincu ne condempné d’aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, mais a esté tousjours de bonne vie et honneste conversacion et lequel est chargé de femme et de plusieurs petiz enffans, il nous plaise sur ce impartir nosdictes grace et misericorde. Pour quoy nous, etc., audit Jehan Ravyneau oudit cas avons quicté, remis et pardonné, quictons, remettons et pardonnons le fait et cas dessus declaré, avec toute peine, offense, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Saint Denis, le xxime jour de novembre l’an de grace mil cccc. lxxiiii, et de nostre règne le xiiiime.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du Conseil.


1 Le seigneur de Pouzauges était alors Jean III de Vendôme, vidame de Chartres, fils de Jean II et de Catherine de Thouars, héritière de Pouzauges, qui avait été mariée en première nocés au fameux Gilles de Raiz.

2 Famille noble établie depuis longtemps dans cette région du Poitou et dont plusieurs membres sont mentionnés dans nos précédents volumes. Le plus ancien en date portait précisément le prénom d’André ; il vivait le 7 février 1373, date d’un aveu qu’il rendit au nom de sa femme, Marie Fayssiprent, d’une pièce de terre et de rentes qu’elle possédait à la Perrière-Maillocheau, près Saint Maixent. (Arch. nat., R1* 2172, p. 840.) Son frère Jean Grignon, nommé aussi dans cet acte, est qualifié ailleurs seigneur de la Grignonnière et était possesseur d’arrière-fiefs relevant de la seigneurie de la Fosse, dans la châtellenie de Vouvant, en 1391 (id., R1* 199, fol. 15 et 16 v°) et seigneur d’Antigny, en la même châtellenie, dont il fit hommage en 1395 et 1402. (Id., R1* 228, p. 1.) Pierre Grignon, sr de l’hébergement de la Touche près Longeville et Saint-Hilaire-de-Talmont, est nommé dans des lettres de rémission d’octobre 1404. (Arch. hist. du Poitou, t. XXVI, p. 67.) Dans notre dernier volume (t. X, p. 72, note) est cité un arrêt du Parlement de Poitiers, du 31 mars 1428, mettant fin à une contestation entre la commanderie de Champgillon et André Grignon, au sujet de la juridiction sur le village de Maupinsot, paroisse de Saint-Pierre-du-Chemin, et du droit d’y établir des mesures pour le vin et le blé. Marie Grignon, fille d’André, le même sans doute, qualifié écuyer, sr de la Grignonnière, épousa, le 14 février 1448, Guillaume Béjarry, écuyer, sr de la Louerie. (Dict. des familles du Poitou, 2e édit., t. I, p. 411.) Enfin on connaît un Nicolas Grignon, écuyer, seigneur de la Pélissonnière, paroisse du Boupère, marié à Jeanne Du Bois, dont la fille Catherine épousa, par contrat du 2 mai 1457, Michel Darrot, sr de Beaufou. (Id., t. III, p. 28.) Ajoutons qu’un autre membre de cette famille, Jacques Grignon, à l’époque de la présente rémission, était curé de la Caillière ; il poursuivait comme le troublant dans sa légitime possession et s’étant rendus coupables envers lui de divers excès et attentats Léon Audier (aliàs Audéou), la mère de celui-ci, Mathée Voisin, et un nommé Colas Gaudin. Il obtint de la cour une ordonnance d’enquête le 15 novembre 1470, et le 28 juillet 1474, requit contre les intimés un arrêt de défaut. (Arch. nat., X2a 38, fol. 37 v° ; X2a 39, à la date du 28 juillet 1474.)

3 Haies vives Le mot plante, en patois poitevin, signifie exclusivement du plant d’aubépine, destiné à faire des haies.