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MDXLI

Rémission en faveur de Pierre Pineau, ci-devant franc-archer de la paroisse de Saint-Gervais, prisonnier à Châtenay parce que, profitant des hostilités existant entre le roi de France et le duc de Bretagne, il s’était rendu coupable de plusieurs détrousses et autres excès.

  • B AN JJ. 195, n° 1175, fol. 263
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 443-447
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons, etc., nous avoir receu l’umble supplicacion de Pierre Pineau, povre homme de labour, à present detenu prisonnier ès prisons de Chastenay, contenant que xxv. ans a ou environ, ledit suppliant qui est natif du païs de Bretaigne, s’en vint demourer ou bas païs de Poictou, en la parroisse de Saint Gervays et illec et environ a demouré et conversé et servy plusieurs laboureurs par l’espace de cinq ans ou environ, et aucun temps après fut conjoinct par mariage avecques la fille de Perrot Bastard, demourans en la seigneurie dudit Chastenay, et a demouré par aucun temps avec sadicte femme, vivant de son labouraige, et jusques à ce qu’il fut fait franc archier de la paroisse dudit Saint Gervays, ouquel estat il nous a servy par l’espace de huit ou neuf ans et jusques puis deux ans ença qu’il quicta ledit office, et en son lieu fut mis ung nommé Guillaume Chaumet. Et depuis deux ans ença ledit suppliant s’en est alé demourer en la parroisse de Saint Nicolas de Barbastre, et depuis et environ Pasques derrenières passées, est retourné demourer en ladicte seigneurie de Chastenay, ouquel lieu qui est près des marches de Poictou et de Bretaigne et près de Machecol, ledit suppliant a esté contrainct, [p. 444] comme plusieurs autres du païs, durans les differences qui ont esté entre nous et le duc de Bretaigne, de mettre sus et defendre le païs en nostre querelle, et en se faisant s’est trouvé en rencontres sur les Bretons et tellement que, en ce faisant, il s’est trouvé en plusieurs courses qui ont esté faictes de par nous audit lieu de Machecol et environ1, et a trouvé façon avec ses compaignons de admener du bestail, gros et menu, dont il en a eu partie à son butin. Lequel bestail et le sien propre avecques ung veau qui avoit esté par deux moys ou environ, il affia le tout à ung nommé Pascault Doulbeau, pour estre preservé desdictes courses ; lequel veau, que on disoit appartenir à Guillaume Baron, il vendit ung escu qu’il a satisfait. Et à l’occasion de ce, les Bretons et mesmement ceulx d’environ ledit lieu de Machecol conceurent grant hayne contre [p. 445] ledit suppliant et prindrent ung de ses compaignons et compère, nommé Joachin Charrier, qu’ilz trouvèrent à la foyre Saint Ladre près Machecol, durans les penultimes trèves par nous données aux Bretons, et le lièrent sur ung cheval, en luy imposant contre verité qu’il estoit des boute feuz de Poictou, qui avoient bruslé les maisons dudit Machecol et d’environ, et le menèrent à une bourgade, nommée Sainte Pesanne, où ilz le batirent et mutilèrent et luy ostèrent la somme de soixante solz qu’il avoit en sa bourse. Desquelz cas ledit Charrier se complaigny audit suppliant, et par ce conclurent iceulx suppliant et Charrier que sur les premiers du païs de Bretaigne qu’ilz pourroient trouver, ilz se recompenseroient. Et environ la saint Eutrope2 mil cccc.lxxiii. derrenière passée, lesdiz suppliant et Charrier et autres en leur compaignie se trouvèrent, embastonnez de deux arbalestes et dagues, en l’ostel de la femme dudit suppliant, qui est assis sur le chemin par où l’en va de Beauvoir sur mer audit lieu de Machecol, et d’illec se transportèrent chez Guillaume Roy, où ilz disnèrent. Et après disner, en eulx retournant, virent ung nommé Champbalain, Gaudin et Pierre Landon, merciers, qui estoient sur leurs merceries et bestes et chevauchoient pour eulx retourner à Machecol. Lesquelz ledit Charrier apperceut et congneut qu’ilz estoient de ceulx qui luy avoient fait lesdiz oultraiges. Et tantost l’un desdiz compaignons osta à l’un desdiz merciers ung braquemart et luy en donna du plat deux ou troys cops, et ung des autres desdiz compaignons saisit la bource d’un [p. 446]desdiz merciers et en print six gros, et l’autre desdiz merciers descendit à terre et rompit sa sainture et luy cheut de son sein deux cens mailles envelopées en ung linge ; et tantost se departirent lesdiz suppliant et compaignons desdiz merciers et butinèrent lesdiz six gros et mailles. Paravant lequel cas, ledit suppliant avoit esté adverty par ledit Charrier que Guillaume Baron, de la Crepellière, avoit prins aucunes de ses vaches agastans les dommaines dudit lieu, et pour icelles recouvrer, avoit baillé son arbaleste et troys ou quatre aulnes de gros drap, et à ceste cause, ledit suppliant avecques deux autres compaignons se transporta audit lieu de la Crespellière où il trouva ledit Baron et ses gens, auquel il demanda où estoient les gaiges dudit Charrier, qui luy respondit qu’il ne les rendroit point, mais se rapportoit à luy de les prendre. Et lors il entra en une chambre en laquelle la femme dudit Baron luy monstra ladicte arbaleste, et par ce qu’elle ne luy voult monstrer ledit gros drap dudit Charrier, ledit suppliant se saisi d’une pièce de drap appartenant audit Baron, cuidant que ce fust le drap dudit Charrier ; lesquelz arbaleste et drap il emporta dudit lieu de la Crespelière. Et certain temps après, pour ce qu’il fut adverty que ledit drap n’estoit audit Charrier, fut icelluy drap randu. Et semblablement ledit suppliant, qui avoit huit beufz qu’il avoit eu en partaige de ses compaignons des courses qu’il avoit faictes oudit païs de Bretaigne, durans lesdictes differences, lesquelz beufz il avoit baillé en garde à Pasquault Dolbeau, sceut que ung nommé Jehan Bernard, Guillaume et Guillaume les Regnaulx avoient prins et emmené de nuyt lesdiz beufz et les vouloient faire perdre audit suppliant, icelluy suppliant, acompaigné de Jehan Blondeau, franc archier, se transporta et [entra] de nuyt en la maison dudit Regnault, où ilz trouvèrent ledit Jehan Regnault avecques leurs femmes, et pour estre recompensé desdiz beufz, esperant iceulx recouvrer par ce [p. 447] moyen, prindrent audit hostel et emportèrent certain nombre de vaisselle d’estain, ung bassin et certaines robes à femme et autres meubles qui povoient valoir dix livres ou environ, qu’ilz emportèrent en la maison d’un nommé Blandineau. Et tantost après ledit suppliant recouvra ses diz beufz, et au moyen de ce fist restitucion desdiz meubles. Et oultre, ledit suppliant et ses compaignons, durans lesdictes differences, se sont transportez en la marche commune de Poictou et de Bretaigne, croyans que ce fust nuement de la duchié, et ont prins des vivres, bestail et autres choses, de quoy ilz ont depuis fait satisfacion. A l’occasion desquelz cas, ledit suppliant, qui en est detenu prisonnier, comme dit est, dobte, etc., se nostre grace, etc. Pour quoy, etc., à icelluy suppliant avons quicté, etc., les faitz et cas dessusdiz, avec toute peine, etc. Si donnons en mandement aux seneschaulx de Poictou et de Xantonge, etc. Donné à Paris, ou moys d’aoust l’an de grace mil cccc. soixante quatorze, et de nostre règne le xiiiime.

Ainsi signe : Par le Conseil. Pouffé. — Visa. Contentor. D’Asnières.


1 La mort inopinée de Charles, duc de Guyenne (25 mai 1472), au moment où le roi, son frère, avait commencé d’envahir son duché, avait porté un coup fatal à la coalition des trois ducs. Il s’agissait alors pour Louis XI de pousser vigoureusement l’offensive contre François II, duc de Bretagne, et contre Charles de Téméraire, sans leur laisser le temps de recevoir le secours qu’ils attendaient de l’Angleterre. La double armée qu’il réunit, dans les premiers jours de juin, pour pénétrer sur le territoire breton de deux côtés à la fois, par l’est et par le sud, comprenait, dit la Chronique scandaleuse (édit. B. de Mandrot, t. I, p. 283), plus de cinquante mille hommes aguerris. Le 24 juin la place de Champtocé fut prise, quelques jours après Machecoul capitula sans résistance, et Ancenis fut enlevé le 7 juillet. Louis XI s’avança lui-même jusqu’à Pouancé, prêt à livrer bataille. Le duc François, de son côté, avait concentré ses forces à quelques lieues de là, autour de la Guerche, mais il préféra négocier. Une trêve fut signée d’abord pour un mois, du 25 octobre au 30 novembre 1472 ; un autre traité, conclu à Poitiers, le 8 décembre suivant, la prorogea jusqu’au 22 novembre 1473, et à cette date, elle fut encore prolongée jusqu’au 4 avril 1474. (Hist. de Bretagne, par A. de La Borderie, continuée par B. Pocquet, in-4°, t. IV, p. 482 et suiv.) C’est évidemment au cours de la période d’hostilités (20 juin-24 octobre 1472) et pendant les opérations qui eurent lieu dans le Bas Poitou, que se passèrent en partie les faits rappelés dans les lettres de rémission données en faveur de Pierre Pineau. D’autres renseignements sur les compagnies de gens de guerre envoyées dans cette région, à la même époque, et sur les pillages dont elles se rendirent coupables, sont consignés dans une rémission octroyée, à la fin de l’année 1472, à un nommé Louis Girault, natif du Berry, archer de la compagnie de Jean Ogny, écuyer d’écurie du roi, capitaine du château de Cognac, poursuivi pour un meurtre. « Le samedi xxvie du mois de septembre mcccclxxii, y lit-on, ledit Girault estant en nostre service en la guerre de Bretagne, en la compagnie dudit capitaine, estoit logé, sa personne et une partie de ses gens, à Puybeliart, et l’autre partie de ses gens et ses chevaux au village de Saint-Germain. » Le seigneur de Balsac et sa compagnie étaient aussi cantonnés dans ces deux localités, et les hommes des deux troupes allaient fourrager dans la campagne, rapportant qui du froment, qui un mouton, tel autre se faisant livrer, de gré ou de force, de l’avoine ou toute autre denrée. (Arch. nat., JJ. 197, n° 235, fol. 131.)

2 Le 30 avril.