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MCCCCXLV

Lettres donnant licence à l’évêque et au chapitre de Luçon de séculariser ladite église qui est de fondation royale.

  • B AN JJ. 194, n° 312, fol. 176
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 118-121
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue la supplicacion [p. 119] de nostre amé et feal conseiller l’evesque de Luçon1 et des religieux du chappitre de l’eglise cathedralle dudit lieu de Luçon, contenant que puis aucun temps ença nostre Saint Père a exortez lesdiz religieux supplians, par certain brief, qu’ils voulsissent estre contens, pour le bien et decoracion de leur eglise, qui a esté par cy devant de l’ordre de Saint Benoist, qu’elle feust commuée en eglise seculière, pour en icelle estre doresenavant establiz et ordonnez chanoines, clercs et autres ministres seculiers pour le service de ladicte eglise ; et combien que ladicte commutacion puisse grandement prouffiter à la decoracion de ladicte [p. 120] eglise, neantmoins, pour ce que icelle eglise est de fondacion royal, lesdiz supplians n’y vouldroient proceder ne entendre en aucune manière, sans avoir sur ce noz congié et licence, si comme ilz dient, humblement requerans iceulx. Pour quoy nous, ce que dit est consideré, desirans la prosperité et acroissement des faiz de ladicte eglise et des membres d’icelle, avons, pour ces causes et autres à ce nous mouvans, consenti et octroyé, consentons et octroyons de grace especial, plaine puissance et auctorité royal, par ces presentes, que ladicte eglise de Luçon et les membres d’icelle, qui ont esté par cy devant et sont encores de present dudit ordre de Saint Benoist, puissent estre commuez en eglise et membres seculiers, pour estre doresenavant deserviz par chanoines, clercs et autres ministres seculiers. Si donnons en mandement, par cesdictes presentes, aux seneschaulx de Poictou et de Xaintonge et à tous noz autres justiciers et officiers, ou à leurs lieux tenans, presens et avenir, et chacun d’eulx, si comme à lui appartendra, que de noz presens grace, octroy et consentement facent, seuffrent et laissent lesdiz supplians et leurs successeurs en ladicte eglise de Luçon et èsdiz membres d’icelle joyr et user plainement et paisiblement à tousjours perpetuellement, sans leur faire, mettre ou donner, ne souffrir estre fait, mis ou donné, ores ne pour le temps avenir, pour quelque cause ne en quelque manière que ce soit, aucun destourbier ou empeschement au contraire. Et afin que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre scel à cesdictes presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné à Pluviers, ou moys de juing l’an de grace mil cccc. soixante huit, et de nostre règne le septiesme2.

[p. 121] Ainsi signé : Par le roy, J. Bourré. — Visa. Contentor. J. Du Ban.


1 Nicolas Boutaud, évêque de Luçon du 14 février 1462 au 27 décembre 1490, sur lequel cf. notre précédent volume, p. 455, note. Pour compléter les renseignements qui se trouvent en cet endroit relativement à ce personnage, nous signalerons ici quelques autres procès importants qu’il eut à soutenir au Parlement : 1° contre Louis de La Trémoïlle, seigneur de Luçon et ses officiers, parmi lesquels Louis de Fontaines, son capitaine de Mareuil, et Jean son bâtard sont particulièrement inculpés. Il s’agissait de la possession de l’hôtel de « la Mothe-Jodouin », et les officiers de La Trémoïlle sont accusés « d’excès et attentats ». C’est le Parlement de Bordeaux, transféré à Poitiers, qui fut saisi de cette affaire et s’en occupa les 15, 17, 21 et 22 janvier, 12 et 14 mars 1471. (Arch. nat., X1a 4812, fol. 44 v°, 48, 51, 53 v°, 107, 109, et 113 v°) ; 2° contre Claude bâtard de Culant, écuyer, poursuivi pour excès et délits par le Procureur général joint à l’évêque de Luçon, qui le firent condamner par défaut, entre autres peines, à cent livres d’amende envers le roi, le 31 mai 1477 (X2a 31, fol. 101) ; 3° contre Jean Peyraud, prieur du Boisgrollant, appelant d’une sentence du sénéchal de Poitou en faveur de l’évêque et de l’abbaye de la Réau (appointement du 16 décembre 1483, X1a 4825, fol. 43) ; 4° contre le chapitre de Montaigu (acte du 26 juillet 1484, id., fol. 261, 298) ; 5° contre Bertrand Boueron, Boucron ou Boutron (on trouve même, dans les actes de procédure, ce nom écrit Bonneron ou Bouveron), fils de Jean, écuyer, seigneur de la Milletière, curé de Noireterre et aumônier de Bouin, qui avait été détenu sous Louis XI pour crime de lèse-majesté, par suite de délations mensongères et de faux témoignages. Après la mort du roi, il poursuivit en justice ceux qu’il considérait comme les auteurs de sa disgrâce : l’évêque de Luçon, Gilles Milon et François de la Muce, écuyer, Nicolas Mosnier et Pierre Yvon. Dans d’intéressantes plaidoiries des 9, 11 et 12 décembre 1483, de graves abus de pouvoir sont imputés à Jacques de Beaumont, sr de Bressuire. Après un long procès, le curé de Noireterre obtint, le 21 juillet 1485, un arrêt de condamnation contre Gilles Milon, François de la Muce et Nicolas Mosnier. (Arch. nat., Xa2 45, dates des 23 juin et 21 juillet 1485 ; X2a 48, actes des 18 décembre 1483, et 2 et 8 janvier, 19 février, 19 et 24 mai, 20 août 1484, 7 mars, 13 juillet et 19 septembre 1485 ; X2a 49, actes des 9, 11 et 12 décembre 1483, 3 mai, 21 juin, 13 et 27 juillet, 3 et 9 août 1484.)

2 Ces lettres sont publiées dans le grand recueil des Ordonnances des Rois de France, in-fol., t. XVII, p. 97. La sécularisation de l’église et du chapitre de Luçon fut réglée par une bulle du pape Paul II, du 12 janvier 1469, et Louis XI la ratifia par d’autres lettres patentes, en date de Baugé, mai 1469, dont le texte est imprimé ci-dessous, n° MCCCCLIII.