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MDXIII

Permission à Jean d’Estissac de réédifier les châteaux et fortifications de Coulonges-les-Royaux et du Bois-Pouvreau, qui avaient été rasés par ordre du roi, ledit sr d’Estissac ayant été traité en rebelle lorsqu’il était au service de Charles duc de Guyenne.

  • B AN JJ. 197, n° 252, fol. 138
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 337-339
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, que, comme nostre bien amé Jehan d’Estissac1 nous ait fait exposer que ès lieux de [p. 338] Couloingnes les Reaulx et du Bois Povreau, qui sont belles et anciennes chastellenies, assises ou païs et conté de Poictou, souloit avoir anciennement très beaulx chasteaux et places fortes, èsquelles les habitans desdictes chastellenies avoient acoustumé de retraire eulx et leurs biens en temps de guerre et hostillité. Mais pour ce que ledit seigneur d’Estissac, qui estoit serviteur de feu nostre frère le duc de Guyenne2, s’est, durant les divisions derrenières qui ont esté entre nous et nostredit feu frère, tenu ou party et obeissance d’icellui nostre frère et l’a servy à l’encontre de nous, sesdiz places et chasteaulx de Coulonges les Reaulx et du Bois Povreau et autres ses maisons et ediffices ont esté par nostre commandement et ordonnance demolies et abatues ; lesquelles places, chasteaulx, maisons et ediffices ainsi abatues, ledit seigneur d’Estissac, pour le bien et entretenement de sesdictes chastellenies, terres et seigneuries desdiz lieux de Coulonges les Reaulx et le Bois Povreau et des habitans d’icelles, de ses hommes et subgectz, et aussi pour l’acroissement de sa revenue, feroit volentiers reediffier et mettre en estat. Mais pour ce qu’ilz ont esté, comme dit est, demolies et abatues par nostre commandement et ordonnance, il ne vouldroit ne oseroit ce faire, s’il n’avoit sur ce noz congié et licence, en nous humblement requerant icellui (sic). Pour quoy nous, ces choses considerées, inclinans à la supplicacion et requeste dudit seigneur d’Estissac, à icellui pour ces causes et mesmement en faveur d’aucuns bons et agreables services qu’il nous a par cy devant faiz et que esperons que encores plus nous fera ou temps avenir, avons [p. 339] donné et octroyé, donnons et octroyons, de grace especial, par ces presentes, plaine puissance et auctorité royal, congié et licence de faire reediffier, bastir et construire de nouvel lesdiz chasteaulx et places de Coulonges les Reaulx et du Bois Povreau, avec ses autres maisons et ediffices ainsi demolies et abatues que dit est, et iceulx chasteaux fortiffier de murailles, tours, portaulx, machecoliz, pontz leveis, boulevars, fossez et autres fortifficacions et emparemens ydoynes et necessaires à places fortes, en telz lieux et places de sesdictes chastellenies, terres et seigneuries qu’il verra estre à faire plus avantageuses et convenables, non obstant que lesdiz chasteaulx, places, maisons et ediffices aient esté, à l’occasion desdictes divisions, demolies et abatues par nostre dit commandement et ordonnance, et quelxconques ordonnances, restrincions, mandemens ou deffences à ce contraires. Si donnons en mandement, par cesdictes presentes, aux seneschaulx de Poictou et de Xaintonge et à tous noz autres justiciers, ou à leurs lieuxtenans, presens et avenir, et à chacun d’eulx, si comme à lui appartiendra, que de noz presens grace, congié, licence et octroy ilz facent, seuffrent et laissent ledit seigneur d’Estissac joir et user plainement et paisiblement, sans lui faire, mettre ou donner, ne souffrir estre fait, mis ou donné aucun destourbier ou empeschement au contraire ; ainçois se fait, mis ou donné lui avoit esté ou estoit, l’ostent, repparent et remettent, ou facent oster, repparer et remettre, tantost et sans delay, au premier estat et deu. Car ainsi nous plaist il estre fait. Et afin, etc. Sauf, etc. Donné au Pontereau, ou mois de janvier l’an de grace mil cccc. soixante douze, et de nostre règne le douzeiesme.

Ainsi signé : Par le roy, le sire de Roscur3 et autres presens. Tilhart. — Visa. Contentor. J. Du Ban.


1 Jean de Madaillan d’Estissac, écuyer, fils de Jeanne d’Estissac et de son second mari, Lancelot de Madaillan, seigneur de Lesparre, hérita vers 1460 de son oncle Amaury d’Estissac, seigneur de Coulonges-les-Royaux, le Bois-Pouvreau, Cherveux, etc., sénéchal de Saintonge, décédé sans enfants, dont il prit le nom et les armes. Conseiller et chambellan du duc de Guyenne, il servit ce prince avec un zèle qui lui attira la colère de Louis XI, comme on le voit ici. C’est en 1471 que le roi avait confisqué et fait raser ses châteaux de Coulonges et du Bois-Pouvreau ; il avait même fait don de la terre du Bois-Pouvreau à Jacques de Beaumont, sire de Bressuire, qui l’an 1472 en était seigneur, comme le prouvent les hommages qui lui furent rendus en cette qualité, entre autres par Jean Tudert, le fils, conseiller au Parlement de Bordeaux. (Arch. du château de la Barre, t. II, p. 17, 34 ; B. Ledain, Hist. de Bressuire, p. 321.) En dernier lieu, il avait été commis par le duc de Guyenne à la garde des château et ville de Mussidan, d’après une quittance qu’il donna, le 10 février 1472 n.s., à Jean Gaudète, trésorier des guerres du duc, de 240 livres « pour l’entretenement et soulde de trente hommes de guerre … ordonnez pour la seureté et deffense desdiz chasteau et ville, pendant ledit mois de février et le mois de mars suivant ». (Bibl. nat., ms. fr. 27564, dossier d’Estissac, n° 20.) Le 21 juillet 1465, Jean d’Estissac avait fait aveu au roi de sa terre et seigneurie de Coulonges-les-Royaux. (Arch. nat., P. 1145, fol. 43.) Comme seigneur du Bois-Pouvreau, le 5 août de la même année, par mandement adressé à son sénéchal de ladite châtellenie, il certifia que Louis Rousseau, écuyer, sr de la Boissière, procureur de Jean Tudert, lui avait fait les trois hommages qu’il lui devait, et par autre acte du même jour, que Laurent Sappin, laboureur, était venu lui rendre les foi et hommage lige, baiser et serment de feauté dus pour son hébergement de la Petite-Barre. De Bordeaux, le 8 août 1475, il adressa de nouveau à son sénéchal du Bois-Pouvreau des lettres attestant que Jean Tudert, conseiller au Parlement de Bordeaux, lui avait fait, au nom de Catherine de Champdenier, sa mère, quatre hommages, deux liges et deux pleins. Le 18 novembre 1482, ces hommages furent renouvelés, mais alors Jean d’Estissac était défunt, et ils furent reçus par Bertrand d’Estissac, son fils aîné, au nom de son cadet, Geoffroy, seigneur du Bois-Pouvreau, alors encore mineur. (A. Richard, Arch. du château de la Barre, t. II, p. 33, 35, 44, 100.) Pour la descendance de Jean d’Estissac, cf. le Dict. des familles de l’ancien Poitou, nouv. édit., t. III, p. 313.

2 Charles de France, duc de Guyenne, frère de Louis XI, était mort le 25 mai de l’année précédente. (Voy. ci-dessus, p. 172, note.)

3 Sic, et id., JJ. 197, n° 241 (Cholet, janvier 1473) ; Roscures (id. n° 245) ; Renescur (id. n° 246) ; aliàs Renescures, qui est la véritable orthographe d’un nom de seigneurie (con d’Hazebrouck, Nord), appartenant à Philippe de Commynes, et celui-ci en porta le titre jusqu’après son mariage avec Hélène de Chambes, dame d’Argenton en Poitou (contrat du 27 janvier 1473 n.s. Mlle Dupont, Mémoires de Commynes, t. III, p. 38-53). A partir de cette époque, on l’appela plus ordinairement M. d’Argenton.