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MCCCCLVII

Permission à Louis bâtard du Maine de réédifier le château et de réparer les fortifications de Sainte-Néomaye.

  • B AN JJ. 196, n° 75, fol. 47 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 152-155
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de nostre cousin Loys bastard du Maine1, contenant que, entre ses autres terres et seigneuries, il est seigneur du chastel, chastellenie, terre et seigneurie de [p. 153] Saincte Neomaye, située et assise en nostre pays et conté de Poictou, par don et transport à lui fait par nostre très chier et très amé oncle et cousin le conte du Maine2, lequel a gaignée et obtenue ladicte seigneurie par arrest de nostre court de Parlement contre Jehan, seigneur d’Usson, et Jehan, seigneur de La Rochefoucault, et leurs femmes3, à cause d’elles ; et lequel chastel de Saincte Neomaye estoit anciennement ung très bel chastel de garde et fortifficacion, et est situé et assis en pays de frontière, distant de nostre ville de la Rochelle de douze lieues ou environ ; et auquel lieu de Saincte Neomaye a beau bourg et ancien et plusieurs habitans en icellui, et y a plusieurs villages alentour ; aussi es ladicte chastellenie de grant estendue et spacieuse. Et fut ledit chastel de Saincte Neomaye par longtemps tenu et occupé par Jehan de La Roche4, en son vivant [p. 154] seneschal en nostre dit pays et conté de Poictou, durant lequel temps et paravant icellui, ledit chastel de Saincte Neomaye estoit en très bonne fortiffication pour le retrait des manans et habitans de la dicte chastellenie et du pays circonvoisin, et deffensable pour resister aux entreprinses de noz ennemys ou adversaires, et jusques à ce que, au moien de certaines desobeyssances et rebellions faictes et perpetrées par ledit feu Jehan de La Roche à deffunct de bonne memoire nostre très chier seigneur et père, que Dieu absoille, icellui chastel fut, en signe de perpetuel memoire de la dicte rebellion et desobeissance, abatu et demoly, et l’a tousjours esté jusques à present que nostre dit cousin, pour la tuicion et deffense et fortiffication dudit pays, qui est pays de frontière, comme dessus est dit, et la retraicte de ses hommes et subgetz, nous a requis lui donner congié et licence de le fortiffier et emparer. Pour quoy nous, ces choses considerées, attendu ce que dit est et que ledit chastel est situé et assis en pays de frontière, comme dessus est dit, et en recongnoissance de plusieurs grans et recommandables services à nous faiz par nostre dit cousin, à icellui nostre cousin, pour ces causes et autres à ce nous mouvans, avons donné et octroyé, donnons et octroyons par ces presentes, de grace especial, plaine puissance et auctorité royal, congié, licence, pouvoir et faculté de reffortiffier et remparer ledit chastel, et faire bastir, construire et ediffier où il estoit anciennement ou ailleurs, se bon lui semble, audit lieu de Sainte Neomaye, et le faire fort de tours, crenneaulx, barbecannes, pontz leveiz et autres fortifficacions quelzconques, tout ainsi que bon lui semblera, pour la fortiffication de nostre dit pays et retraicte des hommes et subgetz de ladicte chastellenie, du pays circonvoisin et utilité de la chose publique d’icellui pays et de nostre dit royaume, non obstant la dessus dicte demolicion. Si donnons en mandemant, par ces mesmes presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, [p. 155] ou à leurs lieuxtenans, presens et avenir, et à chacun d’eulx, si comme à lui appartendra, que de nostre presente grace, congié, licence et octroy, povoir et faculté ilz facent, seuffrent et laissent nostre dit cousin suppliant joir et user plainement et paisiblement, sans lui faire ou donner, ne souffrir estre fait, mis ou donné, ores ne pour le temps avenir, aucun destourbier ou empeschement en aucune manière au contraire, ains si fait, mis ou donné lui avoit esté ou estoit, le ostent ou facent oster et mettre tantost et sans delay au delivre et au premier estat et deu, en contraignant ou faisant contraindre à ce tous ceulx qui pour ce feront à contraindre, par toutes voyes et manières deues et raisonnables. Et affin que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre scel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné en nostre chastel d’Amboise, le xxviie jour de mars l’an de grace mil cccc.lxviii. avant Pasques, et de nostre règne le viiie.

Ainsi signé : Par le roy en son Conseil. S. des Vergiers. — Visa.


1 Sur ce personnage, cf. ci-dessus, p. 118, note.

2 Sainte-Néomaye avait été donnée à Charles d’Anjou, comte du Maine, vicomte de Châtellerault, avec Saint-Maixent, Melle, Civray et Chizé par lettres patentes de février 1443. (Arch. hist. du Poitou, t. XXIX, p. 146.)

3 Jean de Husson, fils d’Olivier, chambellan de Charles VII, et de Marguerite de Châlon, qui fut comte de Tonnerre du chef de sa mère, avait épousé, vers 1446. Jeanne Sanglier, dame de Château-Guibert, veuve de Jean de La Rochefoucauld, sr de Barbezieux, le sénéchal de Poitou, dont il a été si souvent question dans notre huitième volume. (Cf. notre vol. précédent, p. 81, 82, note.) C’est à cause d’elle et des enfants qu’elle avait eus de son premier mariage, qu’il revendiqua les château, terre et seigneurie de Sainte-Néomaye sur le comte du Maine. Quant à Jean, seigneur de La Rochefoucauld, le chef de la famille, fils de Foucaud iii, et de Jeanne de Rochechouart, il avait épousé précisément, en 1446, Marguerite, dame de Barbezieux, Verteuil, Montendre, Montguyon, etc., la fille de Jeanne Sanglier et de son premier mari, le sénéchal de Poitou, ce qui explique ses prétentions à la possession de Sainte-Néomaye. Il mourut peu après le 2 décembre 1471, date de son testament. Pour ce qui est des procès en revendication de Sainte-Néomaye intentés par Jean de La Rochefoucauld et Jean de Husson au comte du Maine, voy. Arch. nat., X1a 1483, fol. 268 ; X1a 1484, fol. 353 v° ; X1a 1485, fol. 82, 124 v°.

4 Jean de La Roche (La Rochefoucauld), seigneur de Barbezieux, sénéchal de Poitou de 1431 à 1440, avait obtenu de Charles VII des lettres de don des terre, château et châtellenie de Sainte-Néomaye, un peu avant le 13 juillet 1427, date de l’hommage qu’il en fit au roi. (Cf. notre t. IX, Arch. hist. du Poitou, XXXII, p. 88, note). Il pouvait d’ailleurs prétendre que ce fief lui appartenait comme héritage de son grand-père maternel. (Id., t. XXIX, p. xvii.) Dans le même vol., p. 149, note, et dans le t. XXVI, p. 57 et suiv., nous avons dressé la liste des possesseurs successifs de cette terre.