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MDIV

Lettres de fondation de deux messes par semaine en l’abbaye de Notre-Dame de Celles, avec dotation de dix livres de rente et amortissement de ladite somme, à prendre chaque année sur la partie du domaine du roi en Poitou y assignée.

  • B AN JJ. 197, n° 213, fol. 119 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 304-307
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, que en l’onneur et reverance de la glorieuse Vierge Marie mère de Dieu nostre Createur, qui est très devotement priée en l’esglise et abbaye de Nostre Dame de Selles en Poictou1, et pour la grande et singulière devocion que nous avons à ladicte eglise, et afin aussi que nous soyons participans ès prières et au divin service qui sera fait et celebré en icelle eglise par les religieux, abbé et convent de ladicte abbaye, nous avons, de nostre certaine science, propre mouvement, grace especial, plaine puissance et auctorité royal, ordonné et fondé, ordonnons et fondons en ladicte eglise de Nostre Dame de Selles deux messes par chacune sepmaine, l’une de Nostre Dame et l’autre de saint Gilles, pour estre distes et celebrées perpetuellement en icelle eglise par l’un des religieux de ladicte abbaye, pour la prosperité de nous et de nostre très cher et très amé filz Charles, daulphin de Viennoys2, et pour le salut et remède des ames de nous et de nostredit filz et de noz predecesseurs et successeurs roys de France. Pour laquelle fondacion nous [p. 305] avons donné, cedé, transporté et delaissé, donnons, cedons, transportons et delaissons, par cesdictes presentes, ausdiz religieux, abbé et convent de ladicte abbaye dix livres ung solz tournois de rente annuelle et perpetuelle, et icelle rente avons assise et assignée sur les lieux qui s’ensuyvent ; c’est assavoir cent solz tournois sur ung pré à nous appartenant, nommé le Pré le Roy, assis près nostre ville de Nyort, cinq solz tournois sur certaines pescheries qui nous appartiennent, nommées les pescheries de Comporté, et quatre livres seze solz tournois sur les dixmes et terrages de Tausché et Marigné, ès parroisses de Sainte Blandine et dudit lieu de Marigné. Laquelle rente sera prise, receue et parceue chacun an perpetuellement par celuy desdiz religieux d’icelle abaye qui dira et celebrera lesdictes deux messes par chacune sepmaine, par les mains de nostre receveur ordinaire oudit pays de Poictou, et par les simples quictances dudit religieux, et sans ce qu’il luy en conviengne lever aucunes descharges du changeur de nostre tresor ne d’autre quelconque. Et afin que ladicte fondacion soit entretenue et gardée et que nous ne soyons en ce defraudez de nostre entencion, nous avons, de nostre plus ample grace et auctorité royal, admorty et dedié [à Dieu], admortissons et dedions à Dieu et à ladicte eglise et abbaye de Nostre Dame de Selles lesdiz dix livres ung solz tournois de rente cy dessus declarez, sans ce que iceulx religieux, abbé et convent et ledit religieux de ladite abbaye qui dira et celebrera lesdictes deux messes par chacune sepmaine, comme dit est, ne leurs successeurs puissent estre empeschez, ores ou pour le temps avenir, par noz officiers ne autres quelzconques en la percepcion et joyssance d’icelle rente, ne contrains à en vuider leurs mains, ne aussi pour l’indampnité d’icelle rente paier à nous ne à nosdiz successeurs aucune finance. Et laquelle finance qui en pourroit estre deue, nous l’avons donée et quictée, donnons et quictons ausdiz religieux, abbé et [p. 306] convent, de nostredicte grace especial, par cesdictes presentes signées de nostre main. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, à noz amez et feaulx gens de noz comptes et tresoriers, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers et officiers ou à leurs lieuxtenans, presens et avenir, et à chacun d’eulx, si comme à lui appartiendra, que nostre presente fondacion, don, cession, transport et amortissement, gardent, observent et entretiengnent, et facent observer, garder et entretenir de point en point, sans faire ou innouver, ne souffrir estre fait ou innouvé aucune chose au contraire. En faisant paier et bailler, chacun an perpetuellement, audit religieux de ladicte abbaye de Nostre Dame de Selles, qui dira et celebrera lesdictes deux messes par chacune sepmaine, ladicte somme de dix livres ung solz tournois de rente prinse sur les lieux et en la manière dessus declairée ; et par rapportant cesdictes presentes ou vidimus d’icelles fait soubz seel royal pour une foiz seulement et quictance dudit religieux, qui dira et celebrera lesdictes messes, nous voulons nostredit receveur ordinaire de Poictou estre tenu quicte et deschargé de ladicte rente et icelle estre allouée en ses comptes et rabatue de sadicte recepte par nosdiz gens des comptes, ausquelx de rechief mandons ainsi le faire sans aucune difficulté, non obstant que lesdictes choses sur lesquelles nous avons voulu et ordonné lesdictes dix livres ung solz tournois de rente estre prises et parceues chacun an soient de nostre demaine, que l’on voulsist dire que n’en povons aucune chose demenbrer ou aliener, que de ce ne soient levées descharges par ledit changeur de nostre tresor, et quelzconques ordonnances, mandemens ou defenses à ce contraires. Et afin que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à cesdictes presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné à Saint Florent lez Saumur, ou moys de juing l’an de grace [p. 307] mil cccc. soixante douze, et de nostre règne le unziesme.

Ainsi signé : Loys. Par le roy, Bourré. — Visa.


1 L’abbé de Notre-Dame de Celles était alors Louis de Lezignac, conseiller du roi, sur lequel cf. ci-dessus, p. 215, note. Le 4 de ce même mois de juin, Louis XI était à l’abbaye de Celles, d’où est datée une lettre qu’il écrivit, ce jour-là, à Jean Bourré. (J. Vaësen, Lettres de Louis XI, t. IV, p. 330.)

2 Charles, dauphin, depuis Charles VIII, était alors âgé de deux ans, étant né au château d’Amboise, le samedi 30 juin, entre deux et trois heures du matin.