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MCCCCLX

Rémission à Guillaume Garineau, marchand de l’île de Bouin, qui mécontent des négligences d’Yvonne, sa servante, et irrité de la façon dont elle accueillait ses remontrances, l’avait tellement battue qu’elle en était morte.

  • B AN JJ. 197, n° 99, fol. 58
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 164-166
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons, etc., nous, etc., de Guillaume Garineau, marchant, demourant en l’isle de Boyn, contenant que ledit suppliant, pour la substantacion de sa vie et entretenement de son estat, a acoustumé avoir et nourir oudit isle certaines bestes aumailles, partie desquelles il tient ès maroys dudit isle, et aucunes foiz, quant ilz sont jeunes, les tient à sa maison dudit isle en temps et saison d’iver, et les a acoustumé nourir et passer l’iver de foing et pasture, et mesmement en l’an mil cccc. soixante sept, fist ledit suppliant venir à sadicte maison certaine quantité de veaulx pour les nourir et passer ledit temps d’iver desdiz foing et pasture qu’il avoit en sadite maison, et charga une sienne servante, nommée Yvonne …1, bergière, qu’elle nourist et pensast bien lesdiz veaulx et les menast boire, quant il en seroit besoing. Laquelle servante, qui estoit paresseuse et non diligente en ses affaires, pensa petitement lesdiz veaulx et tellement que par deffault de nourriture et de leur doner à boire, ilz se descheurent et affoiblirent en manière que à paine ilz se povoient soustenir ; et fut rapporté audit suppliant par la femme d’un nommé François Anthoyne, qu’elle avoit trouvé ung desdiz veaulx cheut en ung foussé, ainsi qu’il cuidoit de soy mesme aller boire à l’aburvouer et que, se ce n’eust esté ung nommé Guillaume Rivault et elle qui levèrent ledit veau dudit foussé, il fust [p. 165] ilec mort, et que c’estoit mal fait à lui de laisser mourrir sesdiz veaulx par deffault de boire et menger. Lequel suppliant dist et remonstra lesdites choses à la dite Yvonne, sa servante, et qu’elle pensast autrement lesdiz veaulx qu’elle n’avoit acoustumé de faire, et que, se deffault y avoit et que inconvenient en avenoit èsdiz veaulx, il la corrigeroit et batroit. Et depuis, et le penultime de mars oudit an mil cccc. soixante sept, ledit suppliant entra après disner en ung parc qui estoit au bout du jardin de sa maison dudit lieu de Boyn, pour aller veoir sesdiz veaulx, et lui estant oudit parc, veit et aperceut l’un d’iceulx veaulx qui estoit presque mort de fain et de soif, par ce que iceulx veaulx n’avoient beu ne mengé de tout le jour, dont il fut très desplaisant, et appella ladite Yvonne bien hastivement, en lui disant que de par Dieu ou de par le diable elle alast abruver les diz veaulx et leur donnast à menger. Laquelle Yvonne ne fist pas grant compte de soy haster, et à ceste cause et que ledit suppliant vit et aperceut ledit veau qui estoit ainsi cheut à terre et ne se povoit lever, il, comme esmeu, dollant et courroucé, blasma très fort ladite Yvonne ; à quoy elle lui respondit mal grassieuses parrolles et tellement que ledit suppliant, ainsi esmeu et courroucé, print en sa main une verge ou baston de longueur d’environ de trois ou quatre pietz et de grosseur comme le poulce d’un homme, et dudit baston ou verge et aussi du poing batit et donna à ladite Yvonne plusieurs coups tant sur les bras que sur la teste et autres parties de son corps ; à cause desquelz coups icelle Yvonne, qui estoit femme maladive, cheut et tumba à terre et illec se esvanouyt, et depuis lui ayda à relever de terre et l’enmena jusques à sadite maison ou, pou de temps après, elle alla de vie à trespassement ; dont ledit suppliant, qui jamais n’avoit eu voulloir de la mutiller ne occire, a esté et est très dolent et corroucé et pour occasion dudit cas s’est absenté du pays, doubtant rigueur de justice, et a [p. 166] delaissé et habandonné tous sesdiz biens et heritaiges ; èsquelz ne ailleurs en nostre royaume il n’oseroit plus retourner, converser ne demourer seurement, se noz grace et misericorde, etc., en nous humblement requerant que, attendu la manière dudit cas advenu et que il est homme de bonne vie, renommée, honneste conversacion, il nous plaise sur ce nosdites grace et misericorde lui impartir. Pour ce est il que nous, etc., voulans, etc., avons, etc., avec toute peine, etc., en quoy, etc., et sur ce et par lesdites choses, nonobstant que autresfoiz il ait eu de nous semblable grace pour l’omicide par lui autresfoiz commis en la personne d’un nommé Yvonnet Joye2, en son vivant demourant audit ysle, qui depuis lui a esté enterinée. Si donnons en mandement, par ces dites presentes, au seneschal de Poictou ou à son lieutenant et à tous noz autres justiciers, etc. Et afin, etc. Donné à Tours, ou moys de may l’an de grace mil cccc. soixante neuf, et de nostre règne le huitiesme.

Ainsi signé : Par le Conseil. De Moulins. — Visa.


1 Le nom est resté en blanc.

2 Ces premières lettres de rémission visées ici, octroyées à Guillaume Garineau (dont le nom est écrit Guérineau) pour le meurtre d’Yvonnet Joye, boucher, portent la date de décembre 1461 et sont imprimées dans notre précédent volume (t. XXXV des Arch. hist. du Poitou), p. 309.