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MCCCCXXV

Rémission en faveur de Pierre Filleau, marchand de Poitiers, poursuivi devant le sénéchal de Poitou parce qu’il avait acheté de Simon et Guillaume Roy des cuirs que ceux-ci avaient indûment pris chez leur grand-père, Simon Roy, après la mort de celui-ci, ledit Filleau étant considéré comme leur complice.

  • B AN JJ. 200, n° 144, fol. 78 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 66-70
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. [Savoir faisons] à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Pierre Filleau1, marchant, demourant [p. 67] en nostre ville de Poictiers, contenant que feu Symon Roy fut pieça conjoinct par mariage avec une nommée Jehanne Mauvoisine, demourant en nostre dicte ville de Poictiers, lesquelz conjoincts donnèrent, comme l’en dit, mutuellement, par le traictié de leur dit mariage ou autrement, tous leurs biens meubles et acquestz au survivant d’eulx deux. Et est advenu que ledit Symon Roy est alé de vie à trespas, delaissée ladicte Mauvoisine, sa femme, qui l’a survesqu, laquelle, par le moyen dessus dit, a maintenu lesdiz biens meubles et acquestz dudit feu Symon Roy, son mary, à elle appartenir. Et soit ainsi que, quinze jours après la feste de Pasques mil cccc. soixante cinq, ung nommé (sic) Symon et Guillaume Roys, frères, enfans de feu Pierre Roy, filz desdiz feu Symon Roy et de ladicte Mauvoisine, se transportèrent en la maison de la tannerye de ladicte Mauvoisine, vefve dudit feu Symon Roy, assise en nostre dicte ville de Poictiers, en laquelle ledit feu Roy faisoit sa tannerye et en laquelle estoyent les cuirs à elle appartenans ; ausquelz Simon et Guillaume Roys, frères, elle avoit, comme on disoit, donné congié de prendre desdiz meubles dudit deffunct son mary. Lesquelz Symon et Guillaume Roys prindrent en icelle tannerie certaine quantité desdiz cuirs, et après furent querir ledit suppliant, qui estoit couchié en son lit, et le menèrent en ladicte tannerie et en icelle prindrent douze cuirs, present ledit suppliant ; et depuis iceulx Symon et Guillaume retournèrent en icelle tannerie et y prindrent desdiz cuirs, montans toutes lesdictes prinses le nombre de trente cuirs, qui vendirent audit supliant certaine somme de deniers. Mais, combien que ung nommé Pierre de Varaines, dit Milort2, lequel a espousée [p. 68] Jehanne, fille dudit feu Symon Roy et de ladicte Mauvoisine, n’eust que veoir ne que cognoistre en ladicte maison, tannerie et cuirs de ladite Mauvoisine, neantmoins, après ladite prinse desdiz cuirs, il obtint certaines lettres d’amonicion de l’official de Poictiers à l’encontre de ceulx qui avoyent prins et esté à prandre lesdiz cuirs. A l’encontre de laquelle monicion, lesdiz Symon et Guillaume Roys s’opposèrent ; depuis laquelle opposicion, lesdiz Milort, Symon et Guillaume Roys ont fait certain appoinctement entre eulx sur ce, sans le sceu de ladicte Mauvoisine. Depuis lequel appoinctement fait, ledit de Varaines, dit Milort, a accusé ledit supliant et denuncié à nostre procureur audit lieu de Poictiers que ledit supliant avoit esté furtivement à la prinse desdiz cuirs, avec lesdiz Symon et Guillaume Roy, au moins de xii. pièces desdiz cuirs. Au moyen de laquelle denunciacion ainsi faicte à nostre dit procureur, icellui nostre procureur a fait adjourner ledit supliant à comparoir en personne par devant nostre seneschal de Poictou, ou son lieutenant, pour respondre sur ce à nostre dit procureur et audit Milort, à fin civile. Sur laquele matière ledit supliant a esté chaudement interrogué par serement de dire verité, par plusieurs foiz ; et après lesdiz seremens il, comme mal advisé, a dit qu’il n’avoit point esté avec lesdiz Symon et Guillaume Roys à prendre lesdiz cuirs ne partie d’iceulx ; et après furent confrontez deux tesmoings devant ledit supliant, l’un desquelz dit et depposa qu’il avoit veu ledit supliant à prendre lesdiz cuirs, et l’autre qu’il lui avoit oy dire, et par ce ledit supliant confessa [p. 69] ce estre vray ; et a volu et veult nostre dit procureur prendre droit sur sa dicte confession, et a sur ce esté appoincté que ledit supliant respondra aux conclusions baillées par nostre dit procureur et ledit Milort et en droit. Et doubte ledit supliant que, par le moyen desdiz seremens faiz par devant nostredit seneschal, ou sondit lieutenant, et par juremens par lui faiz, jasoit ce que par iceulx aucune partie ne soit dampnifiée, et que icellui supliant et lesdiz Symon et Guillaume Roys, en faisant ladicte prinse desdiz cuirs n’ayent commis furt, et que ledit Milort n’ait aucun droit èsdiz biens, que nostre dit seneschal ou sondit lieutenant le vueille declairer parjure et par ce rendre infame, ou autrement le mettre et condamner en grans amendes honnorables et prouffitables envers nous et justice, ou autrement, qui seroit en grant scandalle et infamie de sa personne, de sa femme, famille et enfans, et recullement de leurs avancemens et de tous ses parens et amys, se nostre grace et misericorde ne leur estoit sur ce impartie, si comme il dit, requerant humblement que, attendu qu’il a tousjours esté de bonne renommée et honneste conversacion, sans oncques mais avoir esté actaint d’aucun autre vilain cas, blasme ne reprouche, et que en icelle matière n’a offensé que Dieu, il nous plaise lui quicter, pardonner et remettre lesdiz furt et parjuremens, et sur ce lui impartir nostre dite grace et misericorde. Pour quoy nous, ce consideré, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, à icellui supliant avons oudit cas quicté, pardonné et remis, etc., ledit furt qu’il peut avoir commis à ladite prinse desdiz cuirs, ensemble lesdiz parjuremens par lui faiz en jugement, comme dit est, avec toute peine, amende, etc., satisfaction sur ce faicte à partie civilement tant seulement, se faicte n’est et faire se doie. Si donnons en mandement, par ces dictes presentes, à nostre dit seneschal de Poictou et à tous autres justiciers, etc., que de nostre presente grace, quictance, [p. 70] pardon et remission facent, seuffrent et laissent ledit supliant joir, etc. Et afin que ce soit, etc. Sauf, etc. Donné à Bourges, ou moys de janvier l’an de grace mill cccc. soixante six, et de nostre règne le sixiesme.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du grant Conseil. J. des Molins. — Visa. Contentor. Duban.


1 Ce Pierre Filleau, marchand établi à Poitiers, n’est point mentionné dans les généalogies des quelques familles de ce nom imprimées dans la récente édition du Dictionnaire des familles du Poitou.

2 Nous avons rencontré déjà le surnom de ce personnage dans un acte de novembre 1459, publié dans notre précédent volume, p. 206. Pierre de Varennes, dit Milord, avait été fermier du dixième à Poitiers en 1450, et les maire et échevins, le 20 décembre 1451, lui accordèrent une réduction de vingt-cinq livres sur la somme qu’il redevait pour ladite ferme. (Arch. comm. de Poitiers, G. 20.) En 1447 et 1451, il prit à bail, en deux fois, du chapitre de Saint-Pierre-le-Puellier, dix-neuf sexterées de terre, au lieu dit le Champ-Boyn ou Deffens-le-Comte, et l’on trouve encore son nom dans des accensements faits en 1478, par le même chapitre, d’autres pièces de terres sises sur le chemin de Poitiers au pont de Chardonchamp, « au pré de Pierre de Varenne, dit Milort », etc., etc. (Arch. de la Vienne, G. 1763, 1772.)