[p. 108]

CCXLI

Ratification de certaines clauses du contrat de mariage de Jeanne de Belleville avec Olivier de Clisson.

  • B AN JJ. 66, n° 1433, fol. 627
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 13, p. 108-112
D'après a.

Philippes, par la grace de Dieu, roys de France. A tous ceuls [p. 109] qui ces lettres verront, salut en nostre Seigneur. Comme à nous fust et soit venue noble dame, Jehanne, dame de Belleville et de Clizon 1, en se complaignant que, comme ou traitié et prelocucion du mariage et pour le faire, lors non pas fait, et après fait entre noble homme Olivier, seigneur de Clizon et la dite dame, le dit chevalier avoit donné, baillié et octroié à la dite dame et à ses enfanz, qui de eulz deuz ystront, touz ses acquez fais et à faire et la tierce partie de touz les heritages, c'est assavoir sa vie tant seulement, et après le decès d'elle, [des] dis enfanz et de ceuls qui cause auront d'euls, à pur et perpetuel heritage, retenu toutevoies au dit chevalier les usufruiz des dites choses, le cours de sa vie, et que de ses choses, ou dit traitié, avoit promis par son serement le dit chevalier en donner et passer lettres à la dite dame, à perpetuel memoire ; et comme la dite dame ne eust encores, par sa negligence, eu de la dite donoison les dites lettres du dit seigneur de Clizon, comme il promist, nous suppliast que nous li donnissions [p. 110] et feissions donner et passer les dites lettres, selonc ce que greées et octroiées estoient et avoient esté ou dit traitié. Pour quoy nous, à la supplicacion de la dite dame, desiranz savoir la verité des dites choses, à la fin de desclairier à la dame dessus dite et à ses enfanz leur droit, feismes enquerre par certains commissaires, ès quiex à ce et en plus grant chose nous ajoustons planiere foy, la verité des choses dessus dites, c'est assavoir par noble homme Jehan de Chasteaubriant, chevalier 2, Eon de la Groée, prestre, Bernart de Guigue, escuiers, et André Buchalon, clerc, nostre juré, qui de la dite cognoissance avoient oï, si comme la dite dame disoit, et par les deposicions et atestacions des que les personnes sur ce, tesmoings produiz, receuz, jurez et examinez sur ce diligemment et solennelement, par la relacion des diz commissaires, il nous apparu souffisamment les convenans dessus diz avoir esté faites en la maniere dessus dite, l'octive de la Purificacion Nostre Dame, vierge, l'an mil ccc. vint et neuf 3, ou quel jour n'estoit ne n'avoit encores point de mariage fait entre les diz dame et chevalier, si comme les diz tesmons disoient par leurs seremens, de leurs fame, de leur creance et obedience, à la requeste de la dite dame, feismes le dit chevalier, par son serement donné par devant nous seur ce, nous respondre si ces choses estoient vraies. Li quel respondi et recorda par son serement que les dites convenances et donoisons estoient vraies et qui les vouloit tenir et acomplir en bonne foy, et par ce que communion a acoustumé engendrer dissension et brigue, le dit chevalier bailla, livra et assigna dès maintenant la dite dame pour la dite tierce partie, tant comme à son viage appartient, et au [p. 111] sire de Montejoan4, comme tuteur Maurice et Guillaume de Clizon, enfanz des diz chevalier et dame, tant comme à euls appartient par l'eritage des dites choses, la chastelerie de Bolain o toutes ses appartenances, et tout quant que il a en la parroiche du Point Chasteaul et ès lieux prochains, o tout le droit de possession, de proprieté, de juridicion, de haute seignourie et de basse, jusques à la quantité de la dite tierce partie, pour oster les dissencions et brigues, qui pourroient estre entre les dite dame et enfanz, d’une partie, et les autres enfanz au dit chevalier, d'autre, sur les parties et divisions de la terre au dit chevalier, sauf et retenu son usufruit ès dites choses, comme dit [est], et ainsi que, se les dites donoisons ne pooient ou ne devoient tenir, que elles tenssissent et tiengnent en tant et en tele partie que elle pourroit et devroit tenir de droit et de coustume, et que les choses tenir et garder et acomplir par tous articles le dit chevalier, present devant nous et confessant les choses dessus dites et chascune estre vraies, condempnames et condempnons. Et pour oster toute maniere de brigues et de comptens ou temps à venir, et par quoy les dites choses aient force, vertu et effort, nous, de certaine science, publiames toutes les dites choses et chascune d'icelles, o toute sollempnité deue et acoustumée en telles choses et en semblables, gardée par touz articles, et approuvames les dites donoisons et toutes les autres choses, et les loons, confermons et approvons, de nostre auctorité royal et de certaine science, et volons ces choses estre eues pour publiées en tant comme elles en ont mestier. Suppleant5, de nostre dit povoir royal et de nostre certaine science, tout quanque puet avoir de deffaut ès choses dessus dites, soit en forme [p. 112] ou en maniere ou en sollempnité de droit escript non gardée, mis et entrepousé sur toutes ces choses nostre decret, toute sollempnité de droit escript et non escript gardée, eue en cestes choses. Et pour ce que ce soit ferme chose et estable à tous jours, nous avons fait mettre nostre seel en ces presentes lettres. Ce fut donné et fait à Angiers, l'an de grace mil ccc. trente et quatre, ou mois de septembre.

Par le roy, à vostre relacion. G. Godeffroy.


1 Jeanne de Belleville, veuve en premières noces de Geoffroy de Châteaubriand, s'était remariée avec Olivier III de Clisson en 1330. Principale héritière de son frère, Maurice III de Belleville, mort sans enfants, elle devait payer à sa belle-sœur, à titre de douaire, une rente annuelle de deux mille livres tournois. Les auteurs donnent pour femme à Maurice de Belleville Eschive de Rochefort. Est-ce une erreur ? ou bien le dernier descendant mâle de cette maison fut-il marié deux fois ? Toujours est-il que sa veuve lui survécut plusieurs années et qu'elle s'appelait, non pas Eschive de Rochefort, mais Béatrix de Cayeu. Apres la mort de son mari, Béatrix prit le voile dans le monastère de Saint-Louis de Poissy et elle eut à soutenir un procès au Parlement contre Jeanne de Belleville et le sire de Clisson, pour obtenir le paiement des arrérages de son douaire, que ceux-ci lui refusaient depuis plusieurs années. Ces faits sont relatés dans plusieurs arrêts du Parlement, notamment dans ceux du 10 mai 1337, du 12 juin 1339 et du 2 juin 1340 (Arch. nat., X1a 7, fol. 206 ; X1a 9, fol. 13, 57 v° et 104 v°).
L'arrêt de bannissement à perpétuité prononcé contre Jeanne de Belleville, à la suite de la trahison de son mari, et contre Guillaume Bérard, écuyer, Guyonnet de Fay, châtelain de la Garnache, et Geoffroy Denart, châtelain du Gavre, le 1er décembre 1343. et d'autres actes de cette procédure se trouvent clans le reg. X2a 4, fol. 193, 199 v°, 203 v° et 209. Les registres du Parlement contiennent d'ailleurs beaucoup d'autres renseignements importants sur Jeanne de Belleville, son père et son frère.
2 Sans doute le frère cadet de Geoffroy, dit Brideau, de Châteaubriant, seigneur des Roches-Baritaut, du Lion-d'Angers, etc. Voy. la note 2, p. 217 du tome Ier de ce recueil.
3 Le 9 février 1330 (n. s.).
4 Briand III de Montejean, qui devint échanson de France (le P. Anselme, t. VII, p. 174 et t. VIII, p. 528). Le même auteur, qui mentionne le présent acte, prétend cependant que le curateur de Maurice et de Guillaume de Clisson était Aimery, seigneur d'Argenton (Id., t. VI, p. 203).
5 Le texte porte suppliant.