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CCXLV

Confirmation d'une sentence d'absolution prononcée par le sénéchal de Poitou, aux assises de Fontenay, le samedi après la Toussaint 1333, en faveur de Regnaut d'Alonne, varlet, accusé de vols commis au couvent des Châteliers.

  • B AN JJ. 69, n° 177, fol. 71 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 13, p. 119-124
D'après a.

Philippes, par la grace de Dieu, roys de France. Savoir faisons à touz, presenz et avenir, que nous avons veu les lettres cy dedenz escriptes, contenans la fourme qui s'ensuit :

Mémoire est que, establi en droit par devant nous, Jourdain de Loubert, chevalier le roy nostre sire et son seneschal en Poitou1, Regnaut d'Alonne, varlet, nous requeroit et disoit que autrefoiz la court, c'est assavoir nostre predecesseur l'avoit pris et arresté, ou fait prendre, pour cas criminelz à li imposés de roberies faites à la meson de l'abbé [p. 120] et du couvent de Chasteliers et autres cas, et pour les diz cas l'avoit l'on pris et detenu en chastel de Saint-Maixent et depuis à Poitiers, en la prison de la Prevosté, moult grievement, et depuis ou chastel de Lesignen, des quiex le dit varlet estoit et avoit esté en deffense, et disoit que depuis ses amis avoient empetré mandement de court, envoié à nostre predecesseur, que, comme le dit varlet feust de bonne fame et de bonne conversacion et honeste, et il eust esté detenuz en prison par moult lonc temps, que l'on le oïst en ses justes deffenses et li feist la recreance de son corps, si comme il apparoit par la teneur du dit mandement. Et disoit que depuis la court avoit fait assavoir par general cri, en pluseurs lieus publiques et notoires en chasteleries, en quelles le dit varlet avoit acoustumé à demourer et converser, que qui conques voudroit rienz dire ne proposer contre le dit varlet de cas criminel en dénonçant ou accusant, ou en informant l'office, secretement ou en appert, que il venist par devant Phelipon du Paelle2, commissaire de nostre predecesseur, sur ce donné, si comme il apparisoit par une commission seellée de nostre predecesseur, à Saint-Maixent, au jour du vendredi avant la mi-aoust3 qui fu l'an de grace mil ccc. trente et deux, pour dire contre ledit varlet ce que il voudroient dire et proposer, [p. 121] se rienz y vouloient dire ; les quiex criz furent sollempnelment faiz, si comme il apparisoit par la relacion de pluseurs sergenz, qui en certefierent le dit commissaire au dit jour, si comme il apparissoit par ses procès ; au quel jour nul ne se apparut ne ne vint avant pour rienz dire ne proposer contre le dit varlet, si comme il apparissoit par procès seellés, le dit Renaut personnaument apparisant. Et disoit que depuis il li avoit esté assigné jour à Fontenay, au premier jour des assises du dit lieu prochainement ensuiguanz, pour faire ce que reson peust donner. Au quel jour le dit Renaut se apparut et se presenta pour faire ce que reson peust donner. La quelle assise fu le mardi emprès l'Exaltacion Sainte Croiz, l'an mil ccc. trente deux4 ; et li fu jour assigné à l'assise ensuiant pour soy representer et faire ce que reson peust donner. A laquelle assise il se apparut et se presenta. La quelle assise fu le lundi emprès la Thiphaine l'an mil ccc. trente et deux5, et li fu assignez jour à l'assise ensuiant à soy rendre et representer pour faire ce que reson peust donner. La quelle assise fu le vendredi après Cantate l'an mil ccc. trente trois6. Les quelles choses apparissoient par procès seellés de court, du temps de nostre predecesseur.

Es quelles assises dessus dites, et en chascune d'ycelles par soy, fu dit generaument et publiquement que, se il y avoit aucun qui contre le dit Regnaut voudroit rienz dire ne proposer des cas criminelz, que il venist avant ; aus quiex assises et chascune d'icelles nulz ne se comparut contre le dit Renaut, ne en appert ne secretement. Et en oultre nous meismes aujourd'uy le feismes assavoir par la maniere dessus dite ; et nulz ne soit venuz avant ne comparuz, qui rienz ait dit ne proposé, le dit Regnaut [p. 122] souffisanment apparissant, et en oultre les dites choses nous informa le dit Regnaut, afin que il apparust estre pur et innocent des diz cas à lui imposés, et de ses blasmes, par lettres seellées du seel du dit abbé des Chastelliers, faisanz mencion que le dit abbé pour le fait ne pour la courpe du dit Renaut il n'avoit perdu ne rienz ne li avoir esté forfait, ainçois le tenoit et le croiet estre personne de bonne fame ; et ensement nous enfourma de pluseurs aultres faiz, pour les quiez nous le devions tenir pour desblamé des diz cas à li imposés. Pour quoy nous requeroit le dit Regnaut que nous procedissions à la delivrance de son corps, et [vousissions] yceli Regnaut absouldre des diz cas à li imposés, et li feissons sur ce ce que reson peust donner, et disoit que faire le devions pour pluseurs faiz et resons, usages et coustumes de païs, que il declairoit. Les quelles choses ainssinc oyes et nous informés de ses procès et resons du dit Regnaut, et veu et consideré que nostre predecesseur avoit mis grant diligence à proceder contre le dit Regnaut sur les diz cas, et nous avoit faite relacion de bouche, quant il se departit de la seneschaucie, que il en avoit enquis et fait enquerre le plus diligemment que il avoit peu, et rienz n'avoit trouvé contre le dit Regnaut sur les diz cas, ainçois l'avoit trouvé de bonne fame et de bonne renommée, et que s'il y feust demourés que il l'eust absoult, à la premiere assise que il eust tenu, eu conseil et deliberacion o pluseurs nobles et genz de conseil, et enquis des usages et coustumes, et les trouvés estre vraiz pour le dit Regnaut, avons absoult par le jugement de nostre court le dit Regnaut des cas dessus diz, et sur les cas du temps passé avant la prise du dit Regnaut, par vertu des procès et erremens dessus diz, avons imposé silence perpetuau à toute personne qui li en voudroit aucune chose demander en denonçant ou accusant, ou autrement, et le dit Regnaut en avons envoié licencié de nostre court, et le avons pronuncié estre de bonne fame et de bonne [p. 123] renommée par jugement. Presenz à ce nobles hommes monseigneur Guillaume Chabot7, monseigneur Hervé de Voluyre8, monseigneur Guillaume de Appelle-Voisin9, monseigneur Guillaume de Verruies10, monseigneur Lucas de Greysée11, chevaliers, maistre Regnaut de Audcout, mestre Jehan Bouchet12, doyen de Montagu, mestre Jehan Pelerin, official de Luxon, clers en droit, le procureur du roy, [p. 124] Guillaume Baritaut, Guillaume Chauveau13, Jehan Beçuyre, Amery Goion, advocas, et pluseurs autres, le jour du samedi emprès la feste de Touz Sains14, duranz les assises de Fontenay, qui commancierent le jeudi precedent, l'an de grace mil ccc. trente trois. Tesmoing le seel de la seneschaucie de Poitou.

Nous adecertes les jugement et absolucion dessus diz, en tant comme il sont bien et justement faiz et donnez, et passés en chose jugée, aianz aggreables, fermes et estables, yceus voulons, loons, greons, ratifiions, approuvons, et ; de nostre auctorité royal, confermons. Sauf sur ce nostre droit et l'autrui en toutes choses. Et pour ce que ce soit ferme chose et estable à touz jours, nous avons fait mettre nostre seel en ces presentes lettres. Donné à Paris, l'an de grace mil ccc. trente cinq, ou mois d'aoust.

Par le roy à la relacion de monseigneur Guillaume de Villers, en l'absence des autres. Aubigny.


1 Successeur de Pierre Raymond de Rabasteins en qualité de sénéchal de Poitou, dès l'an 1333, comme on le voit par la date de cette sentence, Jourdain de Loubert exerçait encore cet office le 24 mars 1340 (voy. l'acte publié sous le n° CXCIV de ce volume). Aux lettres signalées dans le tome premier, p. 266, note, où ce personnage prend le titre de capitaine souverain pour le roi en Poitou. Saintonge, Limousin et lieux voisins, et en même temps celui de sénéchal de Saintonge, il faut ajouter une donation en faveur de Guillaume Gormont, datée du 15 décembre 1341, qui se trouve insérée dans des lettres royaux de confirmation de février 1356 (n. s.), JJ. 84, fol. 387. — Jourdain de Loubert avait épousé Tiphaine de la Mothe et lui donna en douaire la terre de Laurière, dont la jouissance lui fut du reste contestée, après la mort de son mari, par son fils Jourdain II, et la femme de celui-ci, Marguerite de la Celle. (Arrêt de procédure du 22 mai 1355, X1a 16 fol. 125 v°.).
2 On ne trouve que fort peu fort peu de renseignements sur ce personnage, dont le nom, plus communément écrit du Paile, s'est déjà rencontré et reviendra fréquemment dans ce volume. Il paraît avoir joui d'une grande considération en Poitou et devint conseiller du roi, comme on le verra dans un acte publié plus loin. Son nom se rencontre quelquefois dans les registres du Parlement. Le 25 janvier 1321, il était appelant d'une sentence interlocutoire contre lui rendue par le sénéchal de Poitou en faveur de Jean et Thomas d'Ayron, et demandait, d'accord avec ses adversaires, que la cour retint la connaissance de leur affaire ; mais ils ne purent l'obtenir, et la cause fut renvoyée au sénéchal de Poitou pour être jugée au principal (X1a 8844, fol. 26 v°). Le 22 février 1348, Savary de Vivonne fit ajourner du Paile, demandant qu'il lui servît de pleige dans un procès qu'il soutenait soutenait au Parlement contre Jean et Guillaume Coindé ; mais celui-ci se récusa, alléguant simplement quod de mesprendendo caveret (X1a 12, fol. 88 v°).
3 Le 14 août 1332.
4 Le 15 septembre 1332.
5 Le 11 janvier 1333 (n. s.).
6 Le 7 mai.
7 Guillaume Chabot, quatrième fils de Sebran IV, seigneur de la Grève, et de Marguerite de Rochefort, fut chef de la branche des seigneurs du Chaigneau, de Nesmy, de Hallay, etc. Il laissa trois fils de Jeanne Pouvreau, sa femme (Dict. hist. et généal des anc. fam. du Poitou, t. I, p, 573).
8 Hervé de Volvire partagea, le 3 novembre 1334, avec son frère aîné, Savary, et sa sœur, Marguerite, la succession, de leur père Hervé et de leur mère, Alix de Moric (Id., t. II, p. 820).
9 Seigneur d'Appelvoisin, du Bois-Chappleau, etc. En 1341, il était en instance au Parlement contre Regnault de Thouars, évêque de Luçon, et son chapitre, appelant d'une sentence rendue contre eux au civil par le sénéchal de Poitou. Des lettres royaux du 25 juin 1341, mandant au Parlement de permettre aux parties de terminer leur différend par un accord amiable, furent entérinées le 28 juillet suivant (X1a 9, fol. 157 v°). Guillaume d'Appelvoisin fit son testament à Fontenay, le 10 avril 1354, et laissa trois fils de trois mariages différents (Dict. généal. suprà cit., t. I, p. 70).
10 Le nom de Guillaume de Verruyes se trouve déjà parmi ceux des assesseurs au bas d'une sentence rendue le 30 mai 1317, aux assises de Fontenay (voy. t. I, p. 162). L'an 1336, il gagna un procès au Parlement contre Aimery de Champdenier. Celui-ci demandait l'annulation de la procédure, prétendant que les conseillers de la cour chargés de l'enquête avaient favorisé la partie adverse, Gilles le Couvreur, l'un d'eux, ayant été hébergé gratuitement, disait-il, par Jean de Saint-Waisse, mari de la nièce de Guillaume de Verruyes, et ayant altéré sciemment la vérité au profit de ce dernier. Mais cette accusation fut déclarée sans fondement. La cour maintint son arrêt définitif, et condamna Aimery à une double amende, 8 mai et 14 juillet 1336 (X1a 7, fol. 134 ; X1a 10, fol. 187).
11 Il était sénéchal de Talmont en 1323 (Cartul. d'Orbestier, publ. par M. de la Boutetière, p. 143).
12 Jean Bochet ou Bouchet, doyen de Montaigu, nous est connu par un long procès civil et criminel, qu'il engagea et soutint au Parlement contre Josselin de la Forêt, chevalier, qu'il accusait d'injures et de maléfices ; un grand nombre d'arrêts de procédure furent rendus en cette affaire entre le 7 avril 1339 et le 23 avril 1347, sans que l'on pût arriver à un règlement définitif. Il est à noter que dans les registres du 7 avril 1339 jusqu'au 13 février 1341 inclusivement, Jean Bouchet est dit doyen de Montaigu ; mais, à partir du 5 juillet de cette même année, on le trouve toujours qualifié doyen de Talmont.
13 Guillaume Chauveau est mentionné dans un acte de 1330 comme sénéchal de Champdenier (t. I, p. 363 et s.). Il y a beaucoup d'apparence que c'est le même personnage dont le nom se rencontre assez fréquemment dans les registres du Parlement de 1345 à 1352, bien qu'il y soit appelé Guillaume Chauvereau : En 1351 notamment, il poursuivit Jean du Puy du Fou, et obtint contre lui une condamnation à 500 livres d'amende et à 300 livres de dommages-intérêts. Revenant un jour des assises du sénéchal de Poitou, Chauvereau était tombé dans une embuscade entre les mains dudit Jean et de six de ses complices qui le frappèrent et le blessèrent grièvement. Circonstance aggravante, Guillaume était sous la sauvegarde du roi, parce que publice officium advocationis in patria Pictavensi exercebat, est-il dit dans l'arrêt, qui fut rendu le 30 juillet 1351 (X1a 11, fol. 367 v°).
14 Le 6 novembre 1333.