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CCCXV

Raoul II, comte d'Eu, connétable de France, cède à sa sœur Jeanne, femme de Gautier, duc d'Athènes, les villes, châteaux et châtellenies de Sainte-Hermine et de Prahecq, plus douze cents arpents de bois dans la forêt de Chizé, pour compléter sa dot et régler définitivement la succession de leur père.

  • B AN JJ. 269, n° 222, fol. 103 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 13, p. 310-314
D'après a.

A tous ceux qui verront ces présentes lettres, Raoul, conte de Eu et de Guynes, connestable de France, salut. Comme par certain traitié ou accort fait sur les convenances du mariage de nostre chier et amé frere, monsieur Gautier, duc d'Athenes, conte de Liche, et de nostre chiere et amée suer Jehanne, sa fame, nostre chier seigneur et pere heust promis et deust asseoir à nos diz frere et suer deux mil cinq cenz livres de terre de son heritaige, et après son deceps mil livres de terre, en sa terre qu'il avoit en Poitou et en Xainctonge, prisées et assises bien et justement par deux personnes, si comme ces choses sont plus à plain contenues ès lettres des convenances du dit mariage sur ce faites1 ; et après le deceps de nostre dit seigneur et pere certains commissaires du roy2[p. 311] heussent baillié et assis à nos diz frere et suer le chastel et ville de Benais en Poitou, avecques toutes ses rentes et appartenances, pour le pris et la somme de sept cenz quarante nuef livres à tournois, et ainsi demourast à asseoir à nos diz frere et suer deux mil sept cenz cinquante une livres de terre. Et pour ce que en faisant l'assiete de Benais, certaines rentes avoient esté prisées et baillies en assiete, qui appartenoient à une chapellenie ; item quatorze septiers de grain appartenans à l'abbé et convent de la Cie en Gastine, les quelles nous tenions pour deffaut d'omage ; et certaine justice et seignourie appartenant à monsieur Guillaume de Verrue3, chevalier, et aucunes autres choses, les quelles nos diz frere et suer disoient deffaillir en la dicte assiete de Benais. Pour lesquelles choses deffaillans et pour tous autres deffaux soupploier et recompenser, nous fusmes à accort avecques euls, et eulz avec nous de leur bailler et asseoir cinquante livres de terre avecques les deux mil sept cenz cinquante livres dessus dictes, les quelles nous, comme heritiers de nostre dit seigneur et pere, devions asseoir en Poitou et en Xainctonge. Savoir faisons que nous la dite terre avons assise, bailliée et delivrée, asseons, baillons et delivrons par ces presentes à nos diz frere et suer ès lieux, choses et manière qui ensuient. Premièrement nous leur avons baillié et baillons le chastel, ville et chastellenie de Sainte-Hermine et toutes les villes et autres appartenances et appendences, soient villes, justices quelconques, hautes et basses, ressors et rentes, quelles que elles soient, garanties, forès, eauves, hommaiges et rachas, sanz y riens retenir ne exepter, exepté les aumosnes et charges anciennes, les quelles les diz duc et duchesse paieront, toutes les choses dessus dites pour le pris et la somme de mil cinq cenz livres de terre [p. 312] à tournois. Et promettons à mettre ou faire mettre en foy et hommaige du seigneur, de qui la dicte terre est tenue, ceste première fois à nos despens, les diz duc et duchesse, nostre frère et suer, des dictes choses, se faire le devons par raison, usaige et coustume du pays, ou par les convenances du traitié du mariaige. Item nous leur avons baillié et baillons le chastel, ville et chastellenie de Preic, et les villes, rentes, revenues et emolumenz appartenans au dit chastel en quelque chose qu'elles soient, sanz riens exepter ne retenir, exepté les charges et aumosnes anciennes, si comme dessus est dit, du chastel et chastellenie de Sainte-Hermine, tout pour le pris et la somme de quatre cenz livres de terre à tournois. Item pour parfaire le surplus et toute la dite assiete, nous leur avons baillié et baillons douze cenz arpens de bois et de forès en la forest de Chisic, à prendre et mesurer au lez devers Preic, en alant de l'un plaing dehors la forest à l'autre plain dedens la forest, comprenant les bois de la Courbe de Mallevaust, en aiant vers les champs du Larris et vers le parc de Villiers, et entre les deux plains dessus nommez tout uniement sanz riens tressailler ny os ter, jusques à ce que les diz douze cenz arpens soient accompliz en alant vers Beauvois ; et volons que les diz bois soient mesurez et assignez bien loyalment et en bonne foy. Lesquiex douze cenz arpens nous avons baillié avecques toutes justices, pasnaiges, herbaiges et garannes. Les quelz bois sont tenuz en foy et hommaige, soveraineté et ressort avecques le chastel et chastellenie de Benais, en la maniere que la dicte chastellenie sera tenue, considéré l'assiete d'icelle, et les protestacions et reservacions faites ou procès de la dite assiete. Des quelles choses ainsi baillieez nous Raoul dessus dit avons transporté et transportons la seignourie et propriété, la possession et saisine, tout le droit reel et personnel que nous y poions et devions avoir, en nos diz frere et suer, pour estre propre heritaige de nostre dicte suer, pour lui, [p. 313] pour ses hoirs et pour ceux qui de li auront cause. Des quelles choses et chascune d'icelles nous nous sommes devestus et devestons, et dessaisissons, et nos diz frere et suer en avons vestuz et saisiz, vestons et saisissons par le bail de ces presentes lettres. Desquelles choses et chascune d'icelles nous promettons à garantir à nos diz frere et suer, envers tous et contre tous, de toutes charges, obligations et servitutes, exepté des charges et aumosnes anciennes, si comme dessus [est] dit. Et avons promis de prendre en nous le fais et la charge de la garantie contre tous, à nos propres coux et despens, toutes fois que nous en serons requis, et de paier tous coux, frais, missions et despens que il sous-tendroient pour deffaut de la garantie. Pour lesquelles choses tenir et accomplir, nous avons obligié nous, nos hoirs et successeurs, nos biens et ceux de nos successeurs, meubles et inmuebles, presenz et avenir, et quant à ce nous sommes soubmis et soubmettons à la juridicion et cohercion du roy nosseigneur et de sa court de pallement, pour estre contrains par euls à garder et enteriner les choses dessus dictes et non venir encontre. Lesquelles choses ainsi ballieez et assises, pour le pris et en la maniere dessus dicte, nos diz frere et suer, c'est assavoir nostre dicte suer, de l'auetorité de son dit mari, ont prises et acceptées, prennent et acceptent pour euls, pour leurs hoirs et successeurs, et pour tous ceux qui de euls auront cause, et s'en sont tenuz a paiez, et en ont quitté et quittent nostre dit seigneur et pere, nous, nos hoirs et successeurs, de toute la dicte assiete des dictes troiz mil cinq cenz livres de terre et de tout ce qu'il nous porroient demander, et que nous porrions estre tenuz à eulz, pour cause des convenances de leur mariaige, tant d'arrierages comme autrement. Et parmi ce, nostre dicte suer, de l'auetorité dessus dicte, a esté comptente et s'est tenue à paiée de tel droit, part ou porcion, ou appenage, comme elle povoit et devoit avoir avec nous ès biens et succession de nostre dit seigneur et pere, en [p. 314] quelque lieu qu'il soient, et y a renoncié et renonce expressement, et promis que jamais n'en demandera riens ne n'en movra question. Et aussi nos diz frere et suer ont renoncié et renoncent en tel droit comme il povoient avoir en la ville de Villenueve, et ès rentes et appartenances, pour cause d'une assiete que les commissaires du roy dessus dit leur avoient faite, et ont volu et accordé que la dicte ville et chastellenie demeure par devers nous. En tesmoing des quelles choses, nous avons fait seeller ces lettres de nostre grant seel. Données à Beauche, le viije jour de janvier, l'an de grâce mil ccc. quarante et cinq.


1 Dans le contrat de mariage de Gautier VI, comte de Brienne, duc d'Athènes, veuf de Marguerite de Sicile-Tarente, avec Jeanne, fille de Raoul Ier, comte d'Eu, il est stipulé que sur 6,000 livres de rente en terres que le connétable donne en mariage à sa fille, deux mille seront assignées immédiatement sur ses terres de Poitou et de Saintonge, et mille autres aussitôt après son décès, s'il meurt avant la comtesse, sa femme, événement qui se réalisa. Autrement les mille livres complémentaires auraient été assises en Bourgogne et en Auxerrois. Ces dispositions sont contenues dans deux traités, l'un du 18 juin 1342, l'autre du 10 mars 1343 (JJ. 269, nos 219, 220, fol. 101 v° et 102). Il y eut sans doute un acte postérieur par lequel Raoul Ier modifia ces premières stipulations et augmenta de 500 livres le chiffre des revenus qu'il devait assigner à sa fille sur ses terres de Poitou.
2 Les commissaires étaient deux conseillers au Parlement, Pierre de Proville, clerc, et Jacques le Muisy, chevalier, choisis le 15 février 1345, du consentement de Raoul II et du duc d'Athènes (JJ. 269, n° 221, fol. 103).
3 Peut-être s'agit-il de Guillaume de Verruye, personnage dont il a été question précédemment. (Voy. p. 123, note 4.)