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CCXCIV

Lettres d'absolution accordées à Fort d'Aux, évêque de Poitiers, et à ses gens, accusés d'excès et de violences par le doyen et le chapitre de Saint-Hilaire.

  • B AN JJ. 74, n° 679, fol. 405 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 13, p. 246-249
D'après a.

Philippes, etc. Savoir faisons à touz, presenz et avenir, que, comme nostre procureur en la seneschaucie de Poitou et le procureur du doyen et chapitre de la grant eglise Saint-Hillaire de Poitiers, et chascun de euls, en tant comme il leur touchoit, approchassent devant le seneschal de Poitou nostre amé Fort d'Aux1, evesques de Poitiers, et ses genz, [p. 247] de pluseurs choses, c'est assavoir de sauve et especiale garde brisée, violences, painnes commises, portement d'armes indeument, vuée de genz, les quelles choses le dit nostre procureur et le procureur des diz doyen et chapitre disoient avoir esté faites aus diz doyen et chapitre, en leurs genz et biens, et meismement ès eglises de Romaigne et de Ruilly, et ès appartenances d'icelles, et avoir batu leur gardian, appellé Pierre de Brie2, et lui desrobé de son amucelet et autres genz laiz et clers emprisonnez villainement, [p. 248] les quelles eglises le doyen et chapitre dient estre de leur patronaige, et depuis la dite cause ou negoce, par vertu de commissions de nous octroyées sur ce, eust esté vantillée par devant maistre Guy de Saint-Sepulcre3 et Jehan Cordier, noz commissaires, et après remise en Parlement, par vertu de certaines autres lettres de nous empetrées sur ce, les quelles causes ainsi pendanz en Parlement, pour nous plus seurement enfermer, eussions commis à nostre amé et feal conseillier, Pierre Belagent4, tant sus les choses dessus dites que sur pluseurs articles, seellées de nostre seel de secret, à soy enfourmer de pluseurs choses à nous données à entendre, à enquerre la verité encontre le dit evesque et Pierre Raymon d'Aus5, doyen de Poitiers, appellez ceuls qui seroient à appeller, et en oultre à faire droit sur ce ; nous, veues et regardées les dictes informacions et enquestes, et oye la relacion de nostre amé et feal conseiller, Pierre Belagent, et pluseurs autres noz conselliers, avons trouvé le dit evesque et ses gens purs et vrais innocens et non coulpables en riens des choses dessus dites, et aussi des choses contenues ès diz articles, les quels articles nous avons fait baillier au dit evesque et au dit doyan, souz le seel de nostre secret, en signe de absolucion et vraie innocence des choses contenues en iceuls ; et ycelui evesque et ses gens, et le dit doyan, avons trouvé estre bons et loyaus envers nous, et les absolons et avons absols, en tant comme il nous touche et appartient, de certaine science, et meismement pour ce que nous sommes [p. 249] souffisanment enfourmez de la innocence du dit evesque et de ses gens et du dit doyan, et supposé que il, ou ses gens, eussent commiz ou encouru aucunes paines pour les choses dessus dites, contenues ès diz articles, nous ycelles leur remettons du tout en tout, de certaine science et de grace especiale, et les en quictons du tout, consideré les bons services que le dit evesque et le dit doyan nous a faiz ou temps passé ; imposans, par ces presentes, sus les choses dessus dictes, à nous procureurs, tant en Parlement que en la seneschaucée de Poitou, ou ailleurs, et à touz noz autres officiers, sus les choses dessus dites, silence perpetuele, et deffendons expressement qu'il ne molestent le dit evesque, ne ses gens, ne le dit doyan, pour les choses dessus dites ; et leur avons miz leur temporel et leurs biens, pris et saisiz pour les causes dessus dites, au delivre, et voulons et commandons qu'il soient delivrez sans delay. Et que ce soit ferme chose et estable à touz jours, nous avons fait mettre nostre seel à ces lettres. Sauf en autres choses nostre droit et l'autrui en toutes. Donné au Boys de Vicennes, le ixe jour de juing, l'an de grace mil ccc. quarante et deux.

Par le roy. Lorriz.

Sine financia, nisi facta vel soluta fuerit apud regem. Justice.

Ad instar alterius facte in cauda duplici. Justice.


1 Ces lettres de rémission ne pouvaient empêcher le chapitre de Saint-Hilaire de se porter partie civile, et de poursuivre une réparation pécuniaire pour les torts matériels qui lui avaient été causés. Aussi le procès continua et fut porté au Parlement. L'évêque Fort d'Aux était responsable des agissements de ses procureurs et familiers et des dommages considérables qu'avait supportés, de leur chef, le temporel des églises de Rouillé et de Romagne, qui étaient en possession du chapitre per tempus sufficiens ad saisinam acquirendam, en cas de vacance des cures, en cas de procès, ou quand les nouveaux curés n'étaient pas encore revêtus des ordres sacrés L'arrêt auquel nous empruntons cette citation donne un récit des faits dont nous allons reproduire le passage essentiel. Comme marque de la saisine du chapitre et de la sauvegarde dont il se croyait protégé, les panonceaux royaux étaient arborés au-dessus des portes des maisons appartenant aux églises de Rouillé et de Romagne. « Nichilominus Bertrandus Papaut, Bartholomeus Rival, procuratores dicti episcopi, Arnaldus Rouer et plures alie gentes et familiares dicti episcopi, cum armis prohibitis et cum magna multitudine gencium incognitarum, ad dictas ecclesias venerant, et blada, que in terris ipsarum ecclesiarum creverant, ceperant et secum portaverant, dictamque ecclesiam de Roumaigne, domos ejusdem ac portam suprà quam dicti nostri pennuncelli fuerant et erant appositi, cum securibus, guisarmis et quadrigis violenter fregerant, dictasque ecclesias et domos ipsarum intraverant contra voluntatem procuratoris dictorum decani et capituli, ac gencium eorumdem existencium in eisdem et contra prohibicionem gardiatoris ipsorum, non obstante quod eisdem suam gardiam exhiberet, pluresque alios excessus enormes et maleficia commiserant, ac plura dampna intuterant eisdem, dicto episcopo premissa sciente, mandante et rata ас grata habente, in nostri vituperium dictorumque conquerencium dampnum non modicum et gravamen, manum et salvam gardiam nostras infringendo, ipsosque sua possessione et saisina predictis per vim et violenciam spoliando. » Il est à noter que cet arrêt est du 8 juin 1342, c'est-à-dire la veille de la date des lettres d'absolution ; il ordonne une enquête sur les faits allégués (X1a 9, fol. 311). Le procureur général s'était adjoint au chapitre de Saint-Hilaire ; mais après les lettres obtenues par l'évêque de Poitiers, son intervention n'avait plus de raison d'être. C'est du moins ce que prétendait Fort d'Aux, et cette question incidente fut tranchée en sa faveur par arrêt du 19 août 1343 seulement (Id., fol. 484). D'autres incidents avaient été soulevés, d'ailleurs, pour retarder le règlement définitif. Ainsi, parmi les familiers de l'évêque, poursuivis à la requête du chapitre, l'un, nommé Arnauld Rouer dans les pièces de la procédure, s'appelait en réalité Touet. De là, demande en correction des actes où le nom était défiguré et jugement sur ce point spécial, le 9 août 1343 (Id., fol. 477 v°). Au bout de deux ans, les parties finirent par demander à la cour l'autorisation de conclure un accord amiable, autorisation qui leur fut donnée, le 6 avril 1345 (X1a 10, fol. 186). Cette convention n'a pas été conservée dans la série des accords qui se trouvent aux Archives nationales.
2 Dans l'arrêt du 19 août 1343, dont il est question dans la note précédente, on trouve des détails sur les violences dont Pierre de Brie fut l'objet de la part des gens de l'évêque de Poitiers. En même temps que gardien du chapitre, il était sergent royal, comme on le voit dans un acte publié ci-dessous, et pendant qu'il se plaignait d'avoir été victime de sévices, lui-même était poursuivi, ainsi que Guy Sénéchal, chevalier, seigneur de Mortemer, et Simon Charenton, son châtelain, par le prieur de Saint-Martin de Salles-en-Toulon (Vienne), dépendant de l'abbaye d'Airvault (Deux-Sèvres), qui les accusait de s'être emparés par la violence et d'avoir emporté les biens du prieuré (appointement du 9 août 1343, X1a 9, fol. 480 v°). Un autre arrêt de procédure du 9 février 1353 (X2a 6, fol. 12) nous apprend que cette affaire n'était pas encore réglée au bout de dix ans.
3 Sur la liste des officiers du Parlement de novembre 1340, Guy de Saint-Sépulcre figure, en qualité de conseiller en la chambre des enquêtes (X2a 4, fol. 17 v°) ; mais son nom ne se retrouve pas sur la liste de l'année suivante.
4 Pierre Belagent avait été conseiller au Parlement et il prit part, en cette qualité, au procès de Robert d'Artois, 17 février 1332 (n. s.). Dans différents actes, d'août 1334 au 28 juillet 1337, publiés par Félibien (Hist. de la ville de Paris, t. Ier, preuves, p. 241, 337, et t. III, p. 652), il est qualifié garde de la prévôté de Paris.
5 Voy. plus haut, le n° CCLXXXVII, note.