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CCCXXXV

Déclaration en faveur de Philippon, Hector, Paonnet et François Andrieu, et de Boudin, André, Gautier et Barthélemy Vinteguerre, lombards établis en Poitou et en Touraine. En récompense des services qu'ils ont rendus au roi depuis le commencement des guerres, ils obtiennent rémission pour le passé et dispense, pour l'avenir, des mesures rigoureuses édictées récemment contre les lombards.

  • B AN JJ. 68, n° 284, fol. 451
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 13, p. 370-375
D'après a.

Philippes, etc. Savoir faisons à touz, presenz et avenir, [p. 371] que, comme par vertu de noz ordenances faites nagueres, par la deliberacion de nostre grant conseil, contre les lombars, ytaliens et oultremontanz prestanz en nostre royaume, pour raison des abus et excès qu’il avoient faiz et faisoient en la maniere du prester, et autrement toutes noz ordenances faites sur ce, l’en eust pris et saisis les biens, debtes, possessions, rentes et heritages de noz amés Phelipon, Hector, Paonnet et Françoys Andrieu1 freres, et les corps d’aucuns d’iceuls, et avec ce de Boudin, Andrieu, Gautier et Bartholomin Vinteguerres, freres, et oncles des diz autres freres, touz communs en biens, et les diz Phelippon, Hector, Paonnet et Françoys nousaient fait monstrer que, comme dez le commencement de noz guerres et touz jours continuelment il nous aient servi loyaument en armes et en chevaux, selon leur estat, et sont encores presentement là où nous sommes aucuns d’iceuls, où il ont moult froyé, mis et despendu de leurs biens, comme de ceuls de leurs diz oncles, et avec ce que en ceste presente année deux de leurs diz freres, c’est assavoir Phelippon et Françoys, ont esté pris par noz ennemis, et les detiennent encores prisonniers pour les granz et importables raançons qu’il leur demandent, et plus que les diz freres et Vinteguerres, pour le fait de noz dictes guerres, ont perdu touz leurs biens qu’il avoient, et tant en la ville de Saint Jehan d’Angeli, comme en la ville de Poitiers, où il avoient la grigneur partie de leur vaillant ; et pour ce nous aient supplié humblement les diz freres et Vinteguerres que sur ce leur voississons pourveoir de gracieux remede et convenable, et yceuls et chascun d’euls mettre hors et exempter de la dite commission [p. 372] et ordenance, ou autrement il seront en peril d’estre de touz poins desheritez et de perdre toute chevance, et n’aroyent de quoy nous servir, si comme il ont touz jours fait, comme dit est. Pour quoy nous, consideranz toutes les choses dessus dictes et chascune d’icelles, et jà pieça par noz lettres seellées en cire vert et en laz de soye, nous feismes de nostre grace especial les diz Andrieu et Gautier Vinteguerres noz regnicoles et mansionniers de nostre royaume, respannut2 de nostre chastellenie de Tours, et consideré aussi les services, pertes et domages dessus diz, et mesmement que, deux anz sont jà passés ou environ, nous les feismes oster du papier de nostre Chambre des Comptes, ou quel sont nomez et contenuz les autres prestans en nostre royaume, et consideré aussi pluseurs granz aides qu’il nous firent dès lors et ont fait maintenir de present, selon leur povoir, et pluseurs autres choses bonnes et raisonnables qui à ce faire nous ont esmeuz, des quels nous sommes tout à plain enfourmés par aucun de nostre grant conseil, pour quoy nous devons porter envers euls gracieusement, et à euls et à chascun d’euls faire grace et prérogative especial, à la contemplacion de noz amés et feauls chevaliers et chambellanz, les seigneurs du Lugde et de Mathefelon, qui pour euls nous ont prié moult affectueusement, les diz freres et Vinteguerres, leurs biens, debtes, possessions, rentes et heritages mettons hors et exemptons du tout de la commission et ordenance dessus dictes et de touz les poinz et articles contenues en ycelles, de nostre grace especial, liberalité et puissance, et auctorité royal, et de certaine science, et yceuls freres et Vinteguerres, et chascun d’euls, volons et ordennons, desclairons et determinons estre et demourer à touz jours mais noz vrais regnicoles et mansionniers de nostre royaume, et especiaument de la [p. 373] dicte chastellenie de Tours, et que de ci en avant, en quelconques cas que ce soit, il ne soient contrainz comme ytaliens, lombars ou oultremontains, fust par finance, composicions, prises ou autres imposicions que nous, ou noz successeurs roys de France, feissions aux ytaliens, lombars et oultremontanz, frequentanz en nostre royaume ; ançoys volons et octroyons qu’il en soient quictes et delivrés perpetuelment, et que les diz freres et Vinteguerres joissent et usent tout à plain de leurs biens, debtes, possessions et heritages tout entierement et en la maniere qu’il faisoient par avant nostre ordenanee dessus dicte, non contrestant quelconques quittances, composicions, remissions ou alienacions qui seroient ou pourroient avoir esté faites ou contraire, des biens, debtes, rentes et heritages des diz freres et Vinteguerres, ou d’aucun d’euls, par nous, noz gens ou commissaires deputés de par nous ou en nostre nom en ceste partie, avec quelconque personne ecclesiastique ou laye, ou autrement comment que ce peust estre, depuis et souz l’ombre de nostre dicte ordenance, les quelles quittances, remissions, composicions et alienacions, et toutes lettres et confirmacions que personne quelconque, de quelconque estat ou condicion qu’elle soit, pourroit avoir de nous ou de noz gens, sus quelconque fourme de paroles que ce peust estre, dès maintenant pour lors, de nostre dicte grace, puissance et auctorité royal, avec tout ce qui s’en est ensui ou pourroit ensuir contre ou au dommage des diz freres et Vinteguerres, ou d’aucun d’euls, nous volons, desclairons et determinons estre nulles et de nul valeur ou puissance, et les rappellons, revoquons, cassons et adnullons, et mettons du tout au nyent, sanz ce que personne, quelle que ce soit, se puisse jamais aidier d’icelles, en jugement ne dehors, contre les diz freres et Vinteguerres, ou aucun d’euls. Et avec ce remettons, pardonnons et quittons aus diz freres et Vinteguerres, et à chascun d’eulz, toutes paines, criminelles ou civiles, [ou cas] ou d’aucuns en aroient soubmis ou encourues aucunes [p. 374] envers nous, pour cause des abus, excès, transgressions de nos ordenances dessus dictes, ou autrement comment que ce peust estre ; les corps, biens, debtes, rentes, possessions et autres heritages des diz freres et Vinteguerres dessus diz et de chascun d’euls, mettons à plaine delivrance, de nostre grace, puissance et auctorité royal dessus diz. Et volons que tout ce qui pris, levé ou exploictié seroit de leurs debtes ou autres biens, fust par quelconques commissaires, tant pour raison de leurs salaires comme autrement, leur soit rendu et restitué, et mis au delivre tout à plain, sanz aucun contredit ou empeschement. Et deffendons, par la teneur de ces lettres, et enjoignons estroitement aus commissaires deputés pour nous ou en nostre nom, en ceste partie, que, sus paine d’encourre nostre indignacion et qu’il se puent mesfaire envers nous, dores en avant se cessent d’aler et proceder, par vertu de leur commission, contre les diz freres et Vinteguerres, ou aucun d’euls, en aucune maniere, sanz plus cognoistre ne euls entremettre, comment que ce soit, des choses dessus dites ou d’aucunes d’icelles, contre la teneur de nostre presente grace. Si mandons et commettons à noz amés et feauls conseillers, les abbés de Saint-Denis, de Marmoustier et de Corbie, à noz genz des comptes et tresoriers à Paris, au seneschal de Poitou, au bailli de Touraine et au prevost de Paris, et à leurs lieux tenans, et à touz les autres justiciers de nostre royaume, et à chascun d’euls, aus quels ces presentes lettres seront monstrées, et à touz autres commissaires deputés ou à deputer en ceste partie, que les diz Phelippon, Hector, Paonnet et Françoys, freres, et les diz Vinteguerres, et chascun d’euls, laissent et facent joir et user franchement et paisiblement de nostre presente grace, sanz riens faire ou attempter, ou souffrir estre fait ou attempté, en aucune maniere, au contraire, en tout ou en partie, ou contre aucuns des articles contenus en ycelle. La quelle grace, en la maniere que dit est, nous volons estre tenue, gardée et observée, [p. 375] enterinée et acomplie de point en point, sanz enfraindre, non contrestant quelconques mandemens ou ordenances, arrestz, declaracions, ou pronunciacions generaus ou especials, faiz ou à faire, au contraire, et nostre presente grace et delivrance facent, chascun en droit soy, qui requis en sera, crier et publier sollempnelment par touz les lieux et villes notables de leurs jurisdicions et ressors, toutes et quantes foys que requis en seront, comme dit est. Et pour ce que se soit ferme chose et estabie à touz jours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Ce fu fait à Hedin en Artoys, l’an de grace mil ccc. quarante et sept ou mois de juillet.

Par le roy, à la relacion de l’arcevesque de Rouen et de vous. Lorriz.


1 Hector André ou Andrieu fut chargé, quelques années plus tard, par le connétable Charles d’Espagne, d’une mission à Beauvoir-sur-Mer et dans les lieux voisins. Rendu responsable du meurtre de deux hommes, qui furent tués dans un tumulte occasionné par l’introduction d’une garnison française dans un château suspect d’intelligence avec les ennemis, il obtint des lettres de rémission qui seront publiées à leur date (janvier 1352).
2 Sic. Il faut lire sans doute et especiaument.