[p. 222]

CCXC

Confirmation de l'adjudication faite par le sénéchal de Poitou à Hugues de Nesde, collecteur du dixième biennal dans la province de Bordeaux, de tous les biens et héritages de Jean Pèlerin, sous-collecteur de cet impôt pour la ville et le diocèse de Luçon.

  • B AN JJ. 74, n° 93, fol. 57 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 13, p. 222-229
D'après a.

Philippe, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, que nous avons veu unes lettres patentes, seellées de nostre seel de la seneschaucie de Poitou, contenans la forme qui s'ensuit :

A touz ceuls qui orront et verront ces presentes lettres Jordain de la Loubart1, chevalier du roy nostre seigneur et son seneschal en Poitou et en Limozin, salut en Dieu nostre seigneur. Saichent touz que, comme feu maistre Jehan Pelerin, en temps que il vivoit, eust esté subcollecteur establi en la cité et dyocese de Luçon, à lever et recevoir le disieme biennal darrenierement octroyé au roy nostre seigneur de par honorable homme et saige messire Hugues de Naide2, clerc du roy nostre seigneur, collecteur general [p. 223] deputé de par le dit seigneur à recevoir le dit disieme en la province de Bordiaux, et pour cause de la recepte du dit diesieme, la quelle le dit maistre Jehan avoit faite, en lieu du dit collecteur, ès dites cité et dyocese de Luçon, en terme de la Touz sains qui fut l'an mil cccxxxviij., le dit feu maistre Jehan, ou temps de son trespassement, fust tenu et obligié envers le dit messire Hugue, collecteur du dit disieme pour nom du roy nostre seigneur, en la somme de cincq cenz livres tournois, pour le reste du dit disieme du terme dessus dit, le dit messire Hugue de Naide, collecteur du dit disième fust venu par devers nous, et nous eust requis que nous le feissions paier, joir et satisfaire de la dite somme en et sur les biens meubles qui jadis avoient esté du dit feu, s'ils souffissoient à ce, et sinon sur les biens immeubles et heritaiges, en telle maniere que il peust bonnement respondre de la dite somme envers le roy nostre seigneur. Pour quoy nous, inclinans à la juste requeste du dit messire Hugue de Naide, collecteur du dit disieme, donnasmes en commandement et commeismes, se mestiers estoit, à Jehan Besson, sergent du roy, et à pluseurs autres sergens du dit seigneur, et à chascun pour soy, que il feist paier, joir et satisfaire le dit maistre Hugue, collecteur dessus [p. 224] dit, de la somme dessus dite, en vendant et distrahent touz les biens meubles, immeubles et heritaiges que il trouverroient avoir esté du dit feu, ou des quiex estoit en saisine et possession au temps de son trespassement, et les diz biens preissent, levassent, vendissent et exploictassent, tel fuer tele vente, si comme il est accoustumé à faire pour les propres debtes du roy, si comme par la teneur du dit mandement et commission nous est plainerement apparu. Lequel Jehan, sergent dessus dit, par vertu des diz mandement et commission et à la requeste du dit messire Hugue de Naide, collecteur du dit disieme, se transporta aus maisons, biens et possessions, qui jadis avoient esté du dit maistre Jehan Pelerin, et par devers les freres et heritiers d'icellui, et les requist par pluseurs foiz se il se vouloient en riens faire heritiers ou successeurs des biens du dit feu, et s'ils se [vouloient] de riens opposer encontre la requeste dessus dite, ni riens dire ou proposer pour quoy la dite requeste ne fust accomplie et mise à execution sur les biens du dit feu, en la somme et quantité requises, les quiex distrent que non, et les en juga le dit sergent. Et pour ce que le dit sergent ne pout trouver ne apprehender aucuns des biens meubles du dit feu, sur les quiex il peust faire plainiere execucion de la dite somme, le dit sergent mist en vente touz les biens meubles, immeubles et heritaiges qui jadis avoient esté du dit feu maistre Jehan Pelerin, ou des quiex il avoit la saisine et possession, au temps de son trespassement, pour le pris de douze vins livres de monnoie courant, pour convertir en solucion et paiement de la dite somme. Les quiex biens, immeubles et heritaiges le dit sergent fist crier et assavoir publiquement en plein marchié, à Fontenay le Conte, estre en vente pour le pris dessus dit, le jour de semmaidi, feste saint Denys3, l'an mil ccc. xxxix. Et fist assavoir le dit [p. 225] sergent, en diz criz et subhastacion faisant, que s'il y avoit aucuns qui vousissent acheter les diz biens immeubles et heritaiges pour le pris dessus dit, ou qui plus y voudroit donner, ou soy opposer encontre, ou qui auroit charges, devoirs ou obligacions aucunes par dessus les diz biens, que il venissent avant dedanz quarante jours et il y seroient receuz, ou si non, les diz xl. jours passez, il n'i seroient plus receuz, et procederoit l'en en oultre en la vente des diz biens, ou à en bailler saisine, possession au dit messire Hugue de Naide, par la maniere que raison seroit. Et furent presenz à faire le dit cri, le jour et en lieu dessus diz, Guillaume Buygnoin, Jehan de Puychabot, clers, frere Nicolas Compaignoin, mons. Aymeri d'Orle, prestre, et pluseurs autres.

Le quel cri ainsi fait, pour ce que aucuns ne vint avant qui vousist acheter les diz biens immeubles et heritaiges pour le pris dessus dit, ne qui plus y vousist donner ou soy opposer encontre, ou qui eust charges, devoirs ou obligacions aucunes par dessus les diz biens, le dit Jehan Besson, sergent du roy, fist crier derechief, en plain marchié à Fontenay le Conte, le jour du semmaidi4avant la feste des apostres sains Simon et Jude, etc..5 Presenz à faire le dit cri Laurent Guillemeau, Pierre Restaut, Symon Maquart, Colin de Gonnese, Guillaume Moricet et pluseurs autres. Le quel cri ainsi fait, etc.6..., le dit sergent fist crier et assavoir derechief, en plain marchié à Fontenay le Conte, le jour du semaidi avant la Toussains ensuivant, etc....7. Presens à faire le dit cri Guillaume Prevost, clerc, Jehan Prevost, Olivier de Bradonniere, Rouse Brulonne, Guillaume le Barbier et pluseurs autres. Le quel cri ainsi fait etc.8..., le dit Jehan Besson, sergent du roy, fist crier, et [p. 226] subhaster de rechief, en plain marchié à Fontenay le Conte, quarte foiz et d'abondance, le jour de semmaidi feste saint Bris.9 en suivant, l'an dessus diz que touz les biens...10. Presens à faire le dit cri maistre Guillaume Berthemé, Guillaume Holiet, Guillaume le Barbier, Pierre Robert, Jehan Brayer et pluseurs autres. Et comme aucuns ne fussent venuz,... le dit Jehan Besson, sergent du roy, nous a fait relacion par lettres seellées du seel dont il use en son dit office, ensemblement le seel du roy establi à Fontenay le Conte, le dit maistre Hugues de Naide, collecteur du dit disieme, soit venuz par devers nous et nous ait requis o grant instance que nous li accomplissons sa dite requeste et li façons raison en oultre ; c'est assavoir que nous li baillons et adjugons le droit, saisine et possession de touz les biens immeubles et heritaiges qui jadis avoient esté du dit feu maistre Jehan Pelerin, et des quiex il estoit en saisine et possession au temps de son trespassement, et imposissons à tous autres crediteurs, se aucuns en y avoit, perpetuelle silence, disant que faire le devions, selonc raison, usaige et coustume de païs notoires et approuvez en tel cas. Nous adecertes, eu conseil et deliberacion sur ce o pluseurs saiges, et adcertainnez des diz usaige et coustume de païs estre vrais en tel cas, l'aide de Dieu sur ce appellée, avons baillié et adjugié, baillons et adjugons de droit, par la teneur de ces presentes, au dit messire Hugue de Naide saisine et possession de touz les biens immeubles et heritaiges dessus diz, en solucion et paiement de la dite somme ; et imposons à touz autres crediteurs ou creanciers, se aucuns en y avoit, perpetuelle silence. Si donnons en commandement et commettons, par ces presentes, au dit Jehan Besson, Jaques de Bouloigne, Thomas Dousset, Garin [p. 227] Graserin11, Pierre de Brie12, Guillaume Theaut, sergens du roy nostre seigneur, et à touz autres sergens et allouez du dit seigneur, establis en la dite seneschaucie, et à chascun pour soy et pour le tout, que il au dit messire Hugue de Naide, collecteur du dit disieme, baillent de fait saisine et possession des dites choses, et en ycelles le gardent et deffendent, ou son certain mandement pour lui, de par le roy nostre seigneur, de tort, de force, injures, violences, oppressions, force d'armes, puissance de lays et de toutes autres nouvelletez non dehues, et des dites choses le facent user et exploiter paisiblement et en pais, par tant de temps comme raison, usaige et coustume de païs donnent. Mandons à touz les justiciers et souzmis de la dite seneschaucie que aus diz sergens et à chascun d'euls, en ce faisant, obeissent diligemment et entendent. En tesmoing des quiex choses, nous avons appousé à ces presentes lettres le seel de la dite seneschaucie. Donné à Poitiers, le xxiiije jour de mars, l'an de grace mil ccc. trente et nuef.

Item nous avons veu unes autres lettres patentes, annexées aus lettres dessus dites, seellées de nostre seel de Fontenay, contenans ceste forme :

A touz ceuls qui verront et orront cestes presentes lettres, Jehan Beissons, sergent du roy nostre seigneur en la chastellenie de Fontenay et ressort d'ycelle, salut en Dieu. Savoir fais à touz que, pour vertu des lettres où cestes sont annexées, à la requeste de discret homme messire Hugues de Naide, clerc le roy nostre seigneur et son collecteur general du disieme biennal en toute la province de Bordiaux, me suis transporté à Bruillat, à l'abergement qui jadis fust maistre Jehan Pelerin, jadis offic[ial] de Luçon, et en ai mis le dit monseigneur Hugues en possession et saisine, ensembleement [p. 228] et de touz les autres biens immeubles, des quiex le dit maistre Jehan Pelerins estoit en saisine et possession, ou temps de son trespassement, et li ay baillié les clefs du dit herbergement de par le roy, et il les a baillié, en ma presence, par nom de soy, à tenir et exploiter, à Heliot Jaques, et l'en ay commandé de par le roy joir, user et exploiter, selonc la teneur de la dite lettre. Presenz à ce Jehan Caillea, Bertholemé Caillea, Estienne Cornil, Perrenelle, femme Estienne Rupin, qui tesmoignerent que le dit maistre Jehan Pelerin usoit et exploitoit le dit herbergement et autres choses immeubles, ou temps de son trespassement, terres, vignes, prez et autres choses. Presenz à ce Perrot d'Orle, escuier, le dit Pingaust, Perrot Coutea. Et ces choses je certifi à touz par ces lettres, seellées du seel royal establi à Fontenay, ensembleement o mon seel, dont je use en mon office. Et je Jehan de Vallée, garde du dit seel royal, à la relacion du dit sergent, du dit seel ces presentes ay seellées, ensembleement o son seel, dont il usoit. Donné, fait le jour du jeudi avant l'ozanne13, l'an de grace mil ccc. quarante.

Nous adecertes les lettres dessus escriptes et toutes les choses contenues en ycelles aianz fermes et agreables, ycelles voulons, loons, agreons, ratiffions, approuvons et de nostre auctorité royal confermons. Mandanz et deffendanz à touz noz justiciers ou à leurs lieux tenans, et à chascun d'euls, comme à lui appartendra, que contre ycelles riens n'actemptent ou souffrent estre actempté ou fait, mais se fait estoit, le ramenent et mettent à estat premier et deu, sanz delay et sanz autre mandement attendre. Et que ce soit ferme et estable à touz jours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes lettres. Sauf en autres choses nostre droit et en toutes l'autrui. Ce fu [p. 229] fait à Paris, l'an de grace mil ccc. quarante un, ou mois de marz.

Par les genz des Comptes. Mathieu.

Sine financia. Milo.


1 Sic Lisez Jourdain de Loubert.
2 Hugues de Naide. ou mieux de Nesde, fut d'abord conseiller au Parlement ; on le trouve mentionné assez fréquemment dans les registres de cette cour, vers 1330, en qualité de rapporteur, particulièrement, dans une affaire en appel du bailli de Touraine, entre le prieur du grand prieuré d'Aquitaine, d'une part, le comte d'Eu et le sire de Craon, d'autre, touchant la commanderie de Champgillon, affaire jugée le 11 mai 1331 (X1a 6, fol. 161). Peu de temps après, il fut député par le roi dans la sénéchaussée de Poitou en compagnie de Guillaume Lécuyer. Les deux commissaires étaient chargés de s'enquérir des agissements des usuriers dans ce pays et de les poursuivre, à la requête du roi ou des parties. Dans leur zèle, ils condamnèrent à de fortes amendes même des innocents. Mais ceux-ci protestèrent, portèrent plainte au Parlement contre leurs persécuteurs et obtinrent des arrêts annulant l'amende et la procédure contre eux faite, et réservant leur droit à poursuivre Hugues et son compagnon en dommages et intérêts, pour l'injustice commise à leur égard. J'ai trouvé jusqu'à cinq arrêts de cette teneur prononcés le même jour, 25 février 1335 (n. s.), en faveur d'Hélie Foucaud, qui avait été garde du sceau royal en Poitou en 1326-1327 (voy. t. Ier, p. 290 et 323), Etienne Denis, prêtre, chapelain en l'église de Poitiers (id., p. 288 et s.), Jean Salevert, Jean Guyomar et Raoul Telcommet (X1a 7, fol. 26 v°, 27, 29 et v°, et 42).
En 1339, Hugues de Nesde était de nouveau en procès au Parlement en qualité d'exécuteur des testaments de feu Me Olivier d'Aubigny et de Jean Pesete, contre Thibaut de la Motte. La cause fut ajournée parce que Hugues avait eu soin de se faire délivrer des lettres d'état, fondées précisément sur ce qu'il était chargé de la collecte des décimes dans la province de Bordeaux et retenu loin de Paris pour le service du roi. (Arrêt du 12 juin 1339, X1a 9, fol. 57 v°).
Ce personnage appartenait à une famille poitevine (cf. Nesde, aujourd'hui hameau de la commune de Benassay (Vienne), dont on retrouve la trace un siècle plus tard. Un Jean de Nesde, fils de Hugues, seigneur de la Roche et de Combré, percevait une rente sur l'abbaye des Châtelliers, comme on le voit par une quittance passée à Saint-Maixent, le 27 février 1432 (n. s.). (Voy. le Cartul. de l'abbaye des Châtelliers, publié par M. L. Duval. Mém. de la Société de statistique des Deux-Sèvres, 1878, in-8°, p. 171).
3 Le 9 octobre.
4 Le 23 octobre 1339.
5 Même formule que plus haut.
6 Comme ci-dessus.
7 Le 30 octobre.
8 Mêmes formules que précédemment.
9 Le 13 novembre.
10 Répétition des mêmes formules.
11 Aliàs Grassin. Voy. t. Ier, p. 393.
12 Le nom de ce sergent se retrouvera plus loin, à l'occasion des démêlés de l'évêque de Poitiers, Fort d'Aux, avec le chapitre de Saint-Hilaire (n° CCXCIV).
13 Le jeudi qui précéda le dimanche des Rameaux, c'est-à-dire le 6 avril 1340.