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CCCXXIV

Lettres de rémission accordées à Guillaume Caut, de Poitiers, et à sa femme, pour un meurtre commis par leurs gens en s'efforçant de rentrer en possession de leurs maisons et biens de Vouillé et de Périgny, qui avaient été pris et pillés, pendant qu'ils étaient prisonniers des Anglais.

  • B AN JJ. 77, n° 49, fol. 28 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 13, p. 332-335
D'après a.

Philippes, etc. A touz ceulz qui ces presentes lettres verront, salut. Savoir faisons que, comme Guillaume Caut et sa femme, citoiens de Poitiers, nous aient fait supplier humblement que comme [à] bon titre et juste cause les diz mariez fussent et eussent esté, par l'espace de trente anz, ou temps [p. 333] que il souffist à bonne saisine avoir acquise, en saisine et possession paisible de user et exploitier, par eulx ou par autres pour eulx et en leurs noms, certaines maisons, heritages, possessions et biens muebles, avec leurs appartenances, terres, vignes et autres biens immuebles, seanz à Woilly et à Prungny, à trois lieues de Poitiers et à une lieue de Monstereul-Bonnin, et il fust avenu que le dit Guillaume estant en establie pour cause de noz guerres en la dite ville de Poitiers, pour conservacion de la garde d'icelle, fust pris par noz ennemis, quant la dite ville fu prise1, et robé et pillé de touz ses biens muebles estanz en la dite ville de Poitiers, et son corps emprisonné, et pour soy rendre de prison, lui ait convenu rançonner à une grant somme d'argent ; et durant le temps de la prison des diz supplianz et detencion de leurs corps à Poitiers, comme dit est, tout le païs d'environ estant en effroy et commocion de guerre de noz ennemis, Phelippon de Woilly, leur gendre ; et sa femme, fille des diz supplians, et pluseurs autres, leurs complices, alerent aus dites maisons, et par leur force et violence entrerent en ycelles et y pristrent et empourterent blez, vins, deniers, lettres et autres choses et biens muebles jusques à certaine somme que les diz mariez, pour doubte de noz ennemis, avoient mucié en leurs dites maisons ; et avec ce le dit Phelippon et ses complices bouterent et chacerent les genz des diz mariez hors de leurs dites maisons, [p. 334] et y mistrent autres en garnison. Et quant ce vint à la cognoissance du dit Guillaume, doutant que en leur compaignie eust de noz ennemis, il et sa dite femme, si tost comme il pourent yssir de la prison de noz ennemis, avec Jehan Baussay, dit Vente, leur vallet, et une femme leur chamberiere, et aucuns autres en leur compaignie, jusques au nombre de quinze personnes, alerent à leurs dites maisons et y vindrent à jour faillant, nuyt entrant, et trouverent les huys d'icelles barrez, fermez et appoez par dedanz, le quiex, si comme faire le povoient, il rompirent et mistrent à terre, pour y entrer et user de leur droit, si comme il avoient acoustumé, en continuant leur saisine par bon titre et juste cause, comme dit est. Et quant les diz mariez avec les autres de leur compaignie furent entrez en leurs dites maisons, dissension, contens et meslée se mist entre eulx et les autres qui dedanz estoient, et avint que, ou conflit et ou cas de chaude meslée, un de ceulx qui dedans les dites maisons estoient, appellé Galois, fust blecié et navré, de la quele navreure mort s'est ensuie, si comme les diz mariez nous ont fait monstrer, requeranz que sur le dit fait nous leur vuillions estre piteables et gracieux, et leur remettre et pardonner ycellui et toute poine criminele et civile, qui s'en peust ensuyr, en tant [que] à nous peut appartenir. Nous adecertes, consideranz le dit fait estre avenu en temps de commocion de guerre et en chaude meslée, et autres choses dessus dites, avons remis, quictié et pardonné, remettons, quictons et pardonnons aus diz supplianz et à leurs consors en ceste partie, jusques au dit nombre, le dit fait, en tant comme à nous peut appartenir, et toute poine criminele et civile qui en puet ensuir, de grace especial et de nostre auctorité royal, par la teneur de ces lettres, ou cas dessus dit. Donnanz en mandement à touz les justiciers et subgiez de nostre royaume que les diz mariez ne leurs consorz en ceste partie, jusques au dit nombre, il ne contraignent, ne molestent, ne ne suefrent [p. 335] contraindre ou molester en corps ne en biens, à cause du dit fait, contre nostre presente grace, quictance et remission d'icellui. Et se aucuns d'iceulx ou de leurs biens estoient pour [ce] pris, saisiz ou arrestez, que il leur mettent ou facent mettre au delivre. En tesmoing de la quele chose, nous avons fait mettre nostre seel en ces lettres. Donné à Saint-Denys en France, le derrenier jour de decembre, l'an de grace mil ccc. quarante et six.

Par le roy, present monseigneur Berengier de Montaut. P. Caisnot.


1 Poitiers tomba au pouvoir des Anglais « le proschein mersquerdy après la seint Michel », c'est-à-dire le 4 octobre 1346, suivant la lettre du comte de Derby, dans laquelle il raconte sa fameuse chevauchée en Saintonge et en Poitou (Rob. de Avesbury, Hist. Ed. III, p. 142, 143, cité par M. S. Luce, édit. de Froissart, t. IV, p. vii). Le chroniqueur rapporte les assauts donnés à la ville et le pillage qu'elle subit, malgré les ordres du capitaine anglais (Id. ibid., p. 14-17), qui « resta à Poitiers huit jours seulement, après quoi il revint à Saint-Jean-d'Angély, d'où est datée la curieuse lettre qui contient le récit de son expédition ». D'après l'Armorial des maires de Poitiers, l'entrée des Anglais dans la ville eut lieu « du côté du Pont à Joubert, par le moyen d'une chaussée de moulin, appelé le moulin à Cornet » (Bibl. nat. ms. fr. 20.084, ad ann. 1346).