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MXXXV

Rémission en faveur de Guillaume de Marellessart, lieutenant du capitaine de Chauvigny, qui avait refusé de livrer cette place à l’évêque de Poitiers, après la prise de Georges de La Trémoïlle.

  • B X2a 20, fol. 60
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 53-57
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons [p. 54] à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Guillemet de Marellessart, escuier, que, comme jà pieça le chastel de Chauvigny, appartenant à nostre amé et feal conseillier l’evesque de Poictiers, ait esté mis et tenu en nostre main, et à la garde d’icellui eust esté commis et depputé Pierre de Fontenil, escuier, lequel Fontenil eust en la dicte place de Chauvigny fait son lieutenant le dit suppliant, lequel ait depuis demeuré en la dicte place jusques à la prinse faicte de la personne du seigneur de la Tremoïlle1 ; et combien que, depuis la dicte prinse, nous ayons voulu et ordonné la dicte place de Chauvigny estre baillée et livrée à nostre dit conseiller l’evesque de Poictiers2, et que par pluseurs foiz aions mandé audit [p. 55] suppliant par lettres patentes et closes, et autrement, que de la dicte place et chastel il se partist avec les gens et compaignons de garnison qui estoient dedans, et icellui chastel baillast et livrast ès mains de nostre dit conseillier, ou à son certain commandement ; neantmoins le dit suppliant, soubz umbre d’aucunes promesses, que le dit sire de la Tremoïlle et lui avoient eu ensemble du fait de la dicte place, a esté de ce reffusant et contredisant, et en icelle place, depuis la dicte prinse, a tenu gens en garnison contre nostre voulenté et ordonnance, et à nostre desplaisance. Lesquelz, soubz umbre et soustenement de lui, ont fait pluseurs roberies, pilleries, rançonnemens, destroussemens et appatiz sur noz hommes et subgiez, et commis [p. 56] pluseurs autres maulx, lesquelx ilz ne sauroient bonnement declairer. Pour lesquelx il doubte avoir encouru nostre indignacion et que ou temps avenir le dit suppliant et ceulx qui ont esté avec lui en la dicte place en puissent estre reprins, et par ce moyen cheoir en dangier de justice, se par nous n’estoit sur ce nostre grace impartie audit suppliant et aux autres qu’il a tenu en la dicte place, requerant humblement que, comme il ait fait les choses dessus dictes à la très grant priere, requeste et instigacion dudit sire de la Tremoïlle, qui le chargeoit du serment qu’il disoit lui avoir fait, du temps que le dit sire de la Tremoïlle estoit en nostre service ; et voyant et considerant que, quelque promesse que le dit suppliant eust fait à autre, raison estoit qu’il nous obeisse et aussi que la dicte place de Chauvigny est de l’eglise, pour quoy il ne la puet ne doit detenir ; veuz mesmement les commandemens qui de par nous sur ce lui ont esté faiz, nous lui vueillons et à tous les autres qu’il a tenuz avec lui impartir nostre dicte grace. Et nous, eu regart aux choses dessus dictes, et à ce que le dit suppliant veult de present, en obeissant à noz commandemens et ordonnances, bailler et livrer la dicte place audit nostre conseillier, au jour que le dit nostre conseillier auroit appoinctié sur ce ou en dedans, et d’icelle soy departir et faire departir tous les gens et compaignons de garnison estans en icelle ; et aussi qu’il jurera et promettra que doresenavant il se gouvernera et maintiendra paisiblement, sans soustenir pilleurs ne robeurs sur le pays, mais quelque part qu’il les saura, s’emploiera et fera sa diligence de les prendre et apprehender, et iceulx mener ou faire mener à justice, afin que punicion soit faicte d’eulx selon leurs demerites ; considerans aussi pluseurs grans services que le dit Guillemet et ses freres, qui, pour acquicter leur loyaulté envers nous, ont delaissé leurs maisons et pays et sont venuz devers nous, ont fait et font chascun jour en nos guerres, et esperons que encores [p. 57] facent, à icellui suppliant et autres qu’il a tenuz en la dicte place avons quicté, remis et pardonné, etc., pourveu toutesvoies que le dit suppliant baillera et livrera, comme dit est, à nostre dit conseillier la dicte place et chastel de Chauvigny. Au quel nous mandons et commandons bien expressement, sur la loyauté et foy qu’il nous doit et sur quant que il se puet meffaire envers nous, que ainsi le face, non obstant le serment qu’il a de ce fait au dit sire de la Tremoïlle ou autres quelzconques, dont nous le quictons. Et combien que en ces presentes ne soient nommés ceulx qui ont esté en la dicte place avecques le dit suppliant, et n’y soient pas declairez particulierement les maulx, crimes et deliz par eulx commis et perpetrés, nous voulons ceste nostre presente grace sortir son effect, tout ainsi comme s’ilz y fussent nommez et leurs diz mesfaitz declairez, et que du vidimus de ces presentes le dit suppliant et chascun d’eulx se puissent ayder et y soit foy adjoustée, comme à ce present original. Si donnons en mandement par ces presentes à noz amez et feaulx les gens qui tiennent ou qui ou temps avenir tiendront nostre Parlement, aux seneschaulx de Poictou, Limosin et Xantonge, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Bourges, ou mois de janvier l’an de grace mil cccc. trente et trois, et de nostre regne le douziesme.

Par le roy en son conseil. Budé. — Visa.

Die veneris xiia die februarii anno m° cccc° xxxiii°, presentes littere lecte fuerunt in camera Parlamenti Pictavis, et ibidem Guillemetus de Marellessart prestitit juramentum in eis declaratum. Hisque sic peractis, curia, de consensu procuratoris regis, eisdem litteris obtemperavit.


1 Il est fait allusion en cet endroit à l’exécution, au château de Chinon, du complot formé contre Georges de La Trémoïlle par la reine Yolande, Charles d’Anjou, son fils, le connétable de Richemont, Jean de Bueil, neveu du favori, Pierre d’Amboise, sr de Chaumont, Prégent de Coëtivy, Raoul de Gaucourt et Pierre de Brezé. A la fin de juin 1433, les sires de Bueil, de Brezé, de Chaumont et de Coëtivy, introduits avec leurs gens d’armes dans la tour du Coudray par Olivier Frétart, lieutenant de Gaucourt à Chinon, s’emparèrent de La Trémoïlle, qui fut blessé d’un coup de dague dans le ventre par Jean de Rosnivinen, et le conduisirent au château de Montrésor, appartenant à Jean de Bueil, où il resta prisonnier jusqu’à ce qu’il eut pris l’engagement de payer à son neveu 4000 moutons d’or, de rendre toutes ses places et de renoncer à toute ingérence dans le gouvernement. (Voy. de Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. II, p. 297.) On voit ici que le lieutenant du château de Chauvigny refusa, à l’instigation de l’ex-premier ministre, de rendre cette place, mais il n’est pas dit clairement quelle sorte d’autorité celui-ci y exerçait. Sans doute il en était capitaine, ce qui expliquerait comment il avait pu y détenir prisonniers deux bourgeois de Limoges, ainsi qu’il a été rapporté dans les lettres de rémission du 7 mai 1431. (Ci-dessus, p. 26.)

2 L’évêque de Poitiers était alors Hugues de Combarel. Ce personnage appartenant à une famille noble du Limousin était conseiller clerc à la Cour des aides sous Charles VI. En 1415, il fut chargé d’une ambassade auprès de la République de Gênes, où il demeura cinq mois. Nommé, l’an 1416, évêque de Tulle par une partie du chapitre, son élection longtemps contestée fut confirmée par arrêt du Parlement de Poitiers du 12 juillet 1421. (Arch. nat., X1a 9190, fol. 161 v°.) Mais, peu de temps après, Hugues de Combarel permuta avec Bertrand de Maumont et devint évêque de Béziers. Au mois d’avril 1424 (la Gallia christiana dit par bulle de Martin V du 16 des calendes de mars, t. II, col. 1198), il fut transféré à l’évêché de Poitiers, qu’il occupa jusqu’à sa mort. Hugues joua un rôle important dans le gouvernement de Charles VII. Il fit partie dès l’origine du personnel du Parlement de Poitiers et l’ordonnance de Niort (21 sept. 1418) le mentionne avec le titre de conseiller clerc. (Cf. notre vol. précédent, p. 374 n., 376 n., 377 n.). Le 22 octobre 1425, le roi ayant reconstitué à Poitiers la Cour des aides, nomma Combarel général avec le titre et les attributions de président. (Ordonnances des rois de France, in-fol., t. XIII, p. 105.) En 1427, il fut chargé, avec l’évêque de Limoges et le sr de Mortemart, d’apaiser le différend qui s’était élevé entre le vicomte de Limoges et les consuls de cette ville, différend qui avait dégénéré en guerre ouverte et mis à feu et à sang tout le haut Limousin. Les commissaires du roi réussirent à faire signer un compromis aux parties le 12 juillet 1427. (A. Thomas, Les États de la France centrale sous Charles VII, 2 vol. in-8°, t. I, p. 309.) On trouve quelques renseignements intéressants sur la famille de l’évêque de Poitiers dans les plaidoiries d’un procès entre François de Combarel, son neveu, et Jacquette de Mons, femme de celui-ci, d’une part, et Hugues de Magnac et Alice de Mons, sa femme, d’autre, les 9 mai et 12 juillet 1434. (Arch. nat., X1a 9200, fol. 232 v°, 264.) Un accord fut conclu à Châtellerault, le 19 février 1435 n.s., et enregistré au Parlement le 30 juin suivant, entre Hugues de Combarel et Jean VII d’Harcourt, vicomte de Châtellerault, au sujet d’un boulevard et d’une palissade que ce dernier avait fait élever sur la motte située entre le château de l’évêque de Poitiers et celui des d’Harcourt à Chauvigny. (X1c 149, au 30 juin 1435.) Hugues avait pour sénéchal dans cette ville Jean Bernard, qui interdit à Pierre Rivaut, licencié ès lois, demeurant audit lieu, d’y exercer son office d’avocat. Après appel de cette décision, une transaction intervint par laquelle l’évêque de Poitiers leva cette interdiction, le 14 mai 1436. (X1c 151.) On dit communément qu’Hugues de Combarel mourut vers 1440. Le dernier acte connu émanant de ce personnage est en effet du 11 février 1440 n.s. (Coll. dom Fonteneau, t. II, p. 237 ; voir dans le même recueil deux autres documents relatifs à l’évêque de Poitiers, l’un de 1426, l’autre du 27 novembre 1430, t. II, p. 213, et t. XX, p. 229.)