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MC

Lettres d’abolition octroyées à Léonard Boinchaut, écuyer, pour tous les excès dont il s’est rendu coupable pendant les dernières guerres.

  • B AN JJ. 178, n° 129, fol. 80 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 297-300
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receue l’umble supplicacion de Leonard Boinchaut, dit la Picque, escuier, contenant que dès son jeune aage il a commancié à suir les guerres et en icelles nous a serviz par long temps, tant à nostre sacre et couronnement, en la frontiere de noz ennemis et adversaires les Anglois, à l’encontre d’iceulx et d’autres tenans lors leur party, oultre les rivieres de Seine et Yonne, où il fut et demoura continuelment par l’espace de trois ou quatre ans, monté et souffisamment habillé en la compaignie du feu sire de Boussac, lors mareschal de France1, et durant icellui temps y despendy [p. 298] bien largement du sien, fut très fort navré et blecié à une rencontre où il se trouva sur nos diz ennemys et y eut beaucop d’autres maulx et charges à supporter. Et depuis le trespas dudit sire de Boussac, nous a serviz en la frontiere d’Angosmoys et semblablement en la guerre que fist à l’encontre de nous et de noz loyaulx vassaulx et subgiez feu Jehan de la Roche, sans jamais avoir tenu autre party que le nostre ne servi autre, quel qu’il soit, à l’encontre de nous. Et combien que, en mettant et donnant ordre sur le fait de la pillerie et maniere de vivre que ont longuement tenue noz gens de guerre, ayons pardonnez et aboliz tous cas, crimes et deliz advenuz à cause de la guerre et durant icelle, neantmoins, obstant ce que ledit suppliant, lui estant en la dicte guerre et mesmement à Loue2 et Saint Germain, durant ledit temps que icellui de la Roche faisoit guerre à nous et nos diz subgiez, a plusieurs fois esté courir, avecques autres tenans nostre party, devant aucunes places tenans lors le parti dudit de la Roche, et que des environs d’icelles et d’autres places et pays à nous obeissans ilz prindrent et emmenerent bestial et autres vivres, emprisonnerent gens, iceulx raençonnerent, pour eulx aidier à vivre, et firent autres maulx que faisoient lors gens de guerre ; et aussi qu’ilz courirent, pour aucun debat estant lors entre ceulx des dictes places de Loue et Saint Germain, et les manans et habitans de Saint Junien en Lymosin, devant ledit Saint Junien et y prindrent deux ou trois hommes qu’ilz raençonnerent à argent ; et aussi pour ce que, quinze ans a ou environ, pour certaine discencion et question qui se meut entre ledit suppliant, lors estant capitaine de Chasteau Poensac oudit pays de Lymosin, et Galehault de Saint Savin3, chevalier, [p. 299] icellui de Saint Savin vint par maniere de siege devant la dicte place, acompaigné de plusieurs tant gens de guerre que commune, cuidans et eulx efforçans prendre icelle, et y furent deux ou trois jours, durant lesquelz et à autres foiz qu’ilz vindrent de nuit, cuidans prendre d’emblée la dicte place, furent par ceulx de dedens tuez cinq ou six personnes de la compaignie d’icellui de Saint Savin, et prins et butinez aucuns biens estans en la dicte place, appartenans à aucuns tenans la partie dudit de Saint Savin, que applicquerent à eulx le dit suppliant et ses compaignons ; il doubte que, ores ou au temps avenir, on le peust ou voulsist, à l’occasion des choses dessus dictes, [p. 300] apprehender et contre ses personne et biens rigoureusement proceder, se nos grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, ainsi qu’il nous a fait dire et remonstrer, en nous humblement requerant que, attendu les choses dessus dictes, que, puis la dicte ordonnance par nous faicte, il s’est bien doulcement et paisiblement gouverné comme gentilhomme de bien doit faire, il nous plaise les choses dessus dictes et autres par lui commises et perpetrées, durant le dit temps qu’il a ainsi suivy la guerre, lui remettre, quicter, pardonner et abolir, et sur ce nostre grace lui impartir. Pour ce est il que nous, ce consideré et les services à nous faiz par ledit suppliant ou dit fait de la guerre, tant en la compaignie dudit feu sire de Boussac que depuis, en la compaignie de nostre très chier et amé cousin le conte de le Marche4, ou voiage et armée que derrenierement avons faiz en nostre pays de Guienne et autrement en maintes manieres, à icellui suppliant, pour ces causes et autres à ce nous mouvans, avons quicté, remis, pardonné et aboly, etc., pourveu toutes voyes qu’il n’ait en personne commis aucun meurdre, ravy femmes ou filles, bouté feux ne pillé eglises, lesquelz quatre cas en exceptons et reservons. Si donnons en mandement par ces mesmes presentes aux seneschaulx de Poictou, Xanctonge et Limosin, et gouverneur de la Rochelle, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Chinon, ou mois de avril l’an de grace mil cccc. quarante et cinq, et de nostre regne le xxiiiie, avant Pasques.

Ainsi signé : Par le roy en son conseil. Rolant. — Visa. Contentor. P. Le Picart.


1 Jean de Brosse, seigneur de Boussac et de Sainte-Sévère, dit le maréchal de Boussac, né en 1375, conseiller et chambellan de Charles VII, avait été nommé maréchal de France en juillet 1426, grâce au connétable de Richemont, dont il servit le plus souvent les intérêts. Il mourut en 1433. Sa fille Marguerite épousa Germain de Vivonne, sr d’Aubigny, et lui apporta les terres d’Ardelay et de la Châtaigneraye. (Cf. notre vol. précédent, p. 282, note.)

2 Sic. Il faut évidemment lire Alloue, place située non loin de Saint-Germain-sur-Vienne.

3 La famille de Saint-Savin était possessionnée en Poitou et dans le Limousin, particulièrement dans cette dernière province. Pierre de Saint-Savin, écuyer, rendit un aveu à Jean de France, duc de Berry et comte de Poitou, le 12 mars 1404 n.s., pour son hébergement de l’Age-Gandelin (commune de Leigne) et autres fiefs mouvant de Montmorillon. (Copie du Grand-Gauthier, Arch. nat., R1* 2171, p. 617.) Jean de Saint-Savin, chevalier, sr de la Grange, fut pourvu par lettres données à Paris, le 24 juillet 1418, des offices de sénéchal de Limousin et de capitaine d’Esse. Le 6 août suivant, le roi manda au Parlement que le nouveau sénéchal était dans l’impossibilité de venir faire à la cour le serment requis et accoutumé, mais que néanmoins il devait jouir dudit office et des gages y attachés. (X1a 63, fol. 11 v°.) Quant à Galehaut, nommé ici à l’occasion du siège de Château-Ponsac, il est mentionné à plusieurs reprises, mais avec peu de détails, sur le registre criminel et sur le registre civil du Parlement de l’année 1435. Le mercredi 18 mai, « messire Galaut de Saint-Savin, chevalier », assura de lui et des siens Jean Archambaut, prêtre, Raymond de Vallée, prêtre, et Jean Gigaut le jeune, et les leurs, aux us et coutumes de France. Et le 28 du même mois, on lit que Jean Gigaut s’est départi ès mains de maistre Guillaume Letur dudit assurement. (X2a 21, aux dates.) Le 15 juillet suivant, Galehaut de Saint-Savin, qui était appelant d’une sentence du sénéchal de Limousin, en matière civile, donnée au profit de Jean Aigrespée, écuyer, veuf d’Anne de Saint-Savin, comme curateur de ses trois fils, Audebert, Jean et Ithier, et ayant le bail et gouvernement de ses deux filles Marguerite et Jacquette, fit requérir la cour de l’admettre au bénéfice des lettres d’état accordées à tous ceux qui se rendaient, pour le service du roi, à Arras, où avaient lieu le congrès et les négociations qui aboutirent à la conclusion du traité de paix avec le duc de Bourgogne. Galehaut offrait de fournir un certificat du comte de Vendôme, à la suite duquel il prenait part à ce voyage. Le 27 juillet, la cour décida qu’il aurait un délai de huit jours pour en faire la preuve, soit par lettres, soit par témoins, malgré l’opposition de l’avocat de la partie adverse, motivée sur ce qu’il s’agissait d’un procès écrit ne donnant lieu à aucune nouvelle information, et dans lequel il ne restait plus qu’à conclure. (X1a 9201, fol. 193 ; X1a 9194, fol. 108.)

4 Bernard d’Armagnac, comte de Pardiac, fils de Bernard VII comte d’Armagnac, pourvu par Charles VII du comté de la Marche, en 1435, au lieu de son beau-père (ci-dessus, p. 152, note 1).