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MLXXXVII

Rémission accordée à Philippon Thibault, coupable de meurtre sur la personne du sr Charretier, curé de Leugny, qui avait débauché sa femme.

  • B AN JJ. 177, n° 173, fol. 115 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 257-258
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receu l’umble supplicacion de Philippon Thibault, pouvre homme, laboureur, chargié de femme et de cinq enfans, contenant comme, puis ung an ença, il eust esté adverti et aussi qu’il estoit fame et renommée au païs, et mesmement en la paroisse de Luigné Saint Remy, en laquelle il demeure, que feu Charretier, en son vivant prebstre et curé de la dicte parroisse, communiquoit avec sa femme et la maintenoit charnellement, dist audit curé qu’il se voulsist sur ce depporter, dont icelluy curé, saichant le dit suppliant estre simple et de petite apparance, ne tint compte et ne delaissa à habiter charnellement avecques la dicte femme d’icellui suppliant. Lequel suppliant, de ce très desplaisant, se donna ung pou en garde du mauvaiz et dempnable contenement d’icellui curé, et tant que il trouva aux champs, auprès de son hostel, le dit curé et sa dicte femme ensemble boutez en ung buisson. Si s’avança le dit suppliant et ala vers le dit buisson et apperceut que le dit curé avoit ses chaulses avallées sur les genoilz. Et quant icellui curé l’advisa aler vers icellui buisson, il commança à s’en fuyr et le dit suppliant après lui jusques à une montaigne, sur laquelle le dit curé cheut par le moyen de ses dictes chaulses avalées, sur lesquelles il marcha, et le dit suppliant l’aprehenda et lui donna plusieurs coups du tranchant d’une serpe, tant sur la teste que en autres parties du corps. A l’occasion desquelz coups, le dit curé, par mauvaiz gouvernement ou autrement, ala de vie à trespassement, et pendant ce qu’il gèut malade pour cause d’iceulx coups, il pardonna audit suppliant le dit cas, ainsi que ses amys [p. 258] ou les aucuns d’eulx ont congneu qu’il est contenu en son testament ou ordonnance de derreniere voulenté. Et depuis le dit suppliant a fait satisfacion à partie et fondé certain obit perpetuel en l’eglise parrochial de Luigné sur Creuse1, et sur ce s’est obligié au curé de la dicte eglise et à ses successeurs en certaine rente. Et par ces moyens et autres declarez ès lettres sur ce faictes, iceulx amys dudit deffunct curé l’ont quicté dudit cas. Et neantmoins icellui suppliant doubte que, pour cause d’icellui, il soit ores ou pour le temps avenir molesté ou empeschié en son corps ou en ses biens, par rigueur de justice ou autrement, se nostre grace ne lui est sur ce impartie, comme il dit, en nous humblement requerant, que, attendues les choses dessus dictes et qu’il a esté toute sa vie de bonne vie, renommée et honneste conversacion, jusques alors d’icellui cas advenu, et la charge d’enfans qu’il a, il nous plaise nostre dicte grace lui eslargir. Pour ce est il que nous, ces choses considerées, etc., avons audit suppliant quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces dictes presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Chinon, ou mois de mars l’an de grace mil cccc.xlv, et de nostre regne le xxiiiie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Rippe. — Visa. Contentor. E. Du Ban.


1 Les deux dénominations de Luigné-Saint-Rémy mentionné au commencement de l’acte, et de Luigné-sur-Creuse dont il est question ici, semblent de prime abord ne pouvoir s’appliquer à la même localité ; Luigné-sur-Creuse est évidemment Leugny, dont l’église était sous le vocable de Saint-Hilaire, mais on ne saurait voir Luigné-Saint-Rémy dans la paroisse de Leigné-les-Bois, qui est placée sous le patronage de S. Rémy, mais éloignée de la Creuse ; il semble donc rationnel d’admettre que le nom de Saint-Rémy a été parfois ajouté à celui de Luigné par ce motif que les deux paroisses de Leugny et de Saint-Rémy-sur-Creuse sont contiguës.